Le site EMSO Ligure Ouest (EMSO LO) est un des noeuds du site EMSO Ligure, de l'infrastructure de recherche EMSO France, inscrite dans le consortium européen EMSO ERIC.
L'activité scientifique de ce site est focalissée sur l'obtention de série temporelle hydrologiques (courant, température, salinité, pression) de variables biogéochimiques (O2,pH) à partir d'une ligne de mouillage autonome dédiée aux sciences environnementales (ALBATROSS : Autonomous Line with a Broad Acoustic Transmission for Research in Oceanography and Sea Sciences), adossée à un module d'interface instrumenté (MII) et des outils dédiés aux déploiements et à la récupération des lignes de mouillage à partir d'un navire de façade (NO Tethys II), figure 1.
La ligne ALBATROSS vient conforter une série temporelle entamée en 2007 (collaboration ANTARES) sur une seule profondeur (2300m) avec 8 niveaux d'observation supplémentaires dédiés aux zones méso- et bathy-pélagiques (500-2500m). L'objectif est de suivre les évènements hydrologiques à l'échelle du bassin qui modifient les propriétés hydrologiques (courant, T, S et O2) et inférer l'activité biologique en milieu profond. Cette activité est complémentaire au SNO MOOSE (IR ILICO).

Figure 1 Vue schématique de l'ensemble des outils mis en ?uvre dans le cadre de cette infrastructure de recherche : ligne de mouillage ALBATROSS, Module d'interface (MII), outils de déploiements, et principe de fonctionnement de la transmission de données entre le MII et la ligne instrumentée autonome équipée d'un système de transmission acoustique
Les objectifs des campagnes successives depuis 2013 ont permis :
- Tester les procédures de déploiements et de récupération des versions de lignes de mouillage 500m, 1000m et 2000m de longueur.
- Tester et valider les outils développés pour le déploiement et la récupération de la ligne de mouillage par le NO Tethys II.
- Mettre au point les procédures de validation de l'instrumentation déployée sur la ligne de mouillage.
- Consolider la série temporelle haute fréquence de température, salinité, courant (vitesse et direction) et oxygène dissous initiée depuis 2007/2009 sur l'observatoire ANTARES à 2000m et 2300 m de profondeur.
- Acquérir une série temporelle sur l'ensemble de la colonne d'eau (500-2500m) de ces mêmes propriétés de température, salinité, courant (vitesse et direction) et oxygène dissous.
- Depuis 2014, la maintenance de la ligne de mouillage ALBATROSS est effectuée annuellement.
Tableau 1: récapitulatif des déploiements de la ligne ALBATROSS sur le site EMSO ligure Ouest (ANTARES)

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La réussite de ces opérations à la mer, résumées dans le tableau 1, est toujours assez complexe, lorsque ces opérations sont menées à partir d'un navire de 25 m en région méditerranéenne entre autorisations de travaux et fenêtre météorologique. Malgré cela et avec la souplesse et le support apporté par (i) l'armement CNRS, DT INSU et Genavir, (ii) les marins et (iii) la DFO, que l'équipe EMSO ligure Ouest tient à remercier ces acteurs, les missions ont pu se dérouler au mieux même si des décalages temporels de plus de 6 mois ont pénalisé l'acquisition de cette série temporelle en cours dans le cadre de l'IR EMSO-France et de l'EMSO ERIC.
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Principaux résultats obtenus (avec quelques illustrations)
Depuis le premier déploiement en 2014, la ligne de mouillage ALBATROSS est déployée, récupérée sur la base d'un cycle annuel, pour effectuer le remplacement des batteries des différents modules et l'entretien de l'instrumentation embarquée et faire évoluer l'infrastructure immergée. Les données recueillies sont en cours de validation/traitement sont en cours d'archivage sur le site de l'OSU Pytheas (1) et Seanoe (2) :
- https://erddap.osupytheas.fr/erddap/search/index.html?page=1&itemsPerPage=1000&searchFor=emso+ligure
- http://doi.org/10.17882/47129, https://doi.org/10.17882/83244
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La mise au point de procédures pour la validation des données.
Procédure pré- et post-déploiement de la ligne ALBATROSS
Les procédures de qualification pré- et post-déploiements, en compléments des étalonnages régulier chez le fabriquant nous permettent de qualifier les données. Cette action vient en complément des sorties mensuelles effectuées dans le cadre du SNO MOOSE.
Après chaque récupération et avant chaque déploiement de la ligne, un profil CTD avec prélèvements sera effectué afin d'environner le mouillage et « d'inter-comparer » les capteurs embarqués (Figure 2).
En effet, nous préconisons dans le cadre du déploiement de capteurs sur les lignes de mouillages dédiées aux séries temporelles de gréer les capteurs sur le CTD avant le déploiement et post récupération sur le site de mouillage.

Figure 2 : Déploiement de capteurs Microcat SBE37 ODO sur une CTD Rosette. La fréquence d'acquisition est de 10 secondes pour les capteurs Microcat sur une période de 30 mn à une immersion fixe de 2000 m (e.g. hormis le pilonnage du navire). (a) pression (b) température (c) salinité (d) oxygène dissous.
Même si certains de ces capteurs viennent d'être étalonnés par le fabricant, nous observons des différences significatives entre chacun des capteurs sur chacune des variables mesurées, hormis la température qui est dans la tolérance émise par le fabriquant.
Ces résultats montrent la nécessité de faire cet exercice pré et post déploiement afin d'exploiter les séries temporelles aux différentes immersions sur la colonne d'eau (Figure 2).
De plus les campagnes MOOSE, effectuée en complémentarité des actions EMSO (ligne de mouillage) permettent de contraindre en partie les évolutions de des capteurs immergés, même si cette approche a aussi certaines limitations avec des prélèvement mensuels discrets et un profil CTD-O2 (Figure 3).


Figure 3a: Diagramme TS de la série temporelle 2016-2017 insérée sur un profil CTD lors de la récupération en mai 2017.
Figure 3b: Diagramme TS de la série temporelle 2018-2019 insérée sur un profil CTD lors de la récupération en mai 2019.
Un travail méticuleux de validation des données in situ est cours et est très chronophage et lent, avec la mise en place de procédure « quality control » à l'échelle de l'EMSO ERIC. Néanmoins ces séries temporelles nous permettent de mettre en évidence la variabilité annuelle des masses d'eaux et l'évolution de leurs caractéristiques hydrologique et biogéochimique, en relation avec l'évolution des eaux profondes méditerranéennes et le suivi des évènements de cascading et/ou de convection à l'échelle du bassin Nord-Occidental.
Autre, résultat issue de ces observations à haute fréquence sur le long terme est la mise en évidence la présence d'un mélange hivernal sur le site d'observation jusqu'à au moins 500m de profondeur (Fig.4). Ce site n'est pas réputé pour être un lieu soumis à des mélanges hivernaux importants. A noter aussi que la signature de cet évènement « disparait » après quelques semaines, en lien avec l'advection d'eau venant de l'est (circulation géostrophique) avec une signature en O2 plus classique des eaux levantines. La figure 5, de cette série temporelle 2016-2017 permet de mettre en évidence le gradient vertical d'augmentation d'O2 sur la colonne d'eau, signé par un minimum d'O2 dans les eaux levantines intermédiaires entre 300 et 500m.
Il est aussi à noter la très bonne concomitance des événements « O2 » sur la colonne d'eau entre 1000 et 2000 m, lesquels ne diffèrent que par l'amplitude des évènements. Des analyses de données plus fines est nécessaire pour investiguer les mécanismes ce cette dynamique observée. Seul l'horizon à 500 m montre une dynamique non corrélée avec les masses d'eau plus profonde.
Il est aussi à noter que seule la série temporelle à 2000m montre une tendance à la baisse, de plusieurs micromoles d'O2. Ce résultat est à prendre avec précaution, car il nous est nécessaire de bien valider les données, travail indispensable mais fastidieux.

Figure 4 : Série temporelle de l'oxygène dissous à 2000m sur le site EMSO Ligure Ouest, données discrètes MOOSE EMSO-LO pour la haute fréquence.
Un autre résultat marquant est la dynamique thermique en profondeur (2400m) sur plusieurs années (2014-2020), avec une variabilité associée aux variations des courants dominant pendant la période d'observation, des évènements sus cités à l'échelle du bassin (2015, par exemple), et la tendance à l'augmentation de la température à cette profondeur lorsqu'il n'y a pas d'évènements de type « cascading » ou convection profonde majeurs (Fig.5).

Figure 5 : Série temporelle de la température potentielle à 2000 m (2014-2024). (i) Mise en évidence des effets du cascading et convection profonde dans le Golfe du Lion sur les masses d'eau profondes sur les sites EMSO Fr (LIO, Dyfamed, EMSO-Lo), (ii) tendance à l'augmentation de la température sur les dernières années.
Intégration de la ligne de mouillage instrumentée ALBATROSS dans le SNO MOOSE et l'étude du courant Nord Méditerranéen.
Ce noeud de l'EMSO ERIC travaille en étroite collaboration avec le SNO MOOSE, notamment en termes d'objectif de l'étude de la dynamique du courant Nord Méditerranéen et donc en termes de stratégies complémentaires pour mieux décrire et comprendre cette dynamique.
Ici le résultat présenté repose sur la mise en place de 3 outils complémentaires, Radar (SNO Moose), modélisation numérique et observation in situ sur la colonne d'eau.
Nous avons eu l'opportunité de déployer sur la ligne ALBATROSS un ADCP Nortek® 75kHz à 500 de profondeur et regardant vers le haut. Cet ADCP, prêté par la société Nortek® nous a permis d'acquérir une série temporelle des eaux de « surface ».
Dans le cadre océanographique du mouillage (courant nord et convection...) et complémentarité avec les radars HF de MOOSE (croix bleu marque la position du mouillage sur le champ moyen radar slide 2 + modèles sur slide 3) et les opérations de tests des ADCP NORTEK pour faire le lien entre les aquadopp au fond (> 480 m) et la surface (Fig. 6).
Figure 6 : Synoptique de la stratégie d'observation MOOSE-EMSO. Résultats des données issues des observations Radar au large de Toulon. Le code couleur est relatif à la vitesse (m s-1) du courant de surface.

Figure 6 : Figure descriptive de la stratégie d'observation du courant Nord.
La figure 7 présente les résultats du 1er tests ADCP NORTEK -> cohérence de la variabilité des composantes zonale (u) et méridionale (v) des vitesses mesurées par les deux instruments (ADCP et Aquadopp), plus marquée sur la composante zonale (CN plein ouest marqué par les fortes valeurs de u négative) avec des renverses (+ <-> -) sur l'ensemble de la colonne d'eau au-delà de 400 m = composante barotrope (par définition homogène sur toute la colonne). Si courant varie sur la verticale, on parle composante barocline, barotrope et barocline s'additionnent.
La figure 7 montre des exemples ponctuels (dans le temps) des profils verticaux des vitesses u et v qui montrent un décroissance exponentielle (composante barocline) des courants ADCP jusqu'à une valeur (400 m) proche de celle du premier aquadopp (480 m) et des vitesses ~ constantes par la suite (composante barotrope). Ce set de données assez unique permet d'envisager la caractérisation/déconvolution des deux composantes barotrope/barocline ce qui est très difficile habituellement avec juste des observations.

Figure 7 : Série temporelle des vitesses de courant sur les axes E-W et N-S sur la colonne d'eau 0-2450m.
Le travail à accomplir prochainement est de mettre en cohérence les séries temporelles et estimer si la dynamique de la charge particulaire, du moins sa fraction organique, permet de supporter pro ou parte les consommations d'O2 in situ.
Suite au déploiement (février 2022) et connexion (avril 2023) de BathyBot. Les premières images utilisant les caméras BathyBot ont été acquises (https://www.youtube.com/watch?v=QkdIQZ77d1s). Ci-dessous quelques captures d'écran de vidéos BathyBot. Une première publication technique devrait être soumise fin 2023-début 2024. Une deuxième publication scientifique sera l'un des principaux objectifs en 2024 comprenant un an d'images, et une liste de la diversité macroscopique observée depuis BathyBot (Fig. 8), ainsi car les données environnementales des capteurs de BathyDock et d'ALBATROSS et les images de plancton et de particules s'acquièrent simultanément (grâce à un UVP6 sur BathyDock). Figure 8 : Capture d'écran des observations récurrentes de macrofaune à la station EMSO-LO, grâce aux caméras BathyBot.

Figure 8 : Capture d'écran des observations récurrentes de macrofaune à la station EMSO-LO et de leurs variabiliés, grâce aux caméras BathyBot.