Les échantillons/données acquises au cours des campagnes saisonnières (JERICOBENT-1 à -4 & 6), de cartographie synoptique (JERICOBENT-5, LEG-1 & LEG-2; JERICOBENT-8) et Kullenberg (JERICOBENT-7) sont analysés et en cours de valorisation. Quelques résultats sont présentés sur 9 figures et montrent que :
- L'estimation de la délimitation actuelle de la VOG réalisée en Juin 2018 indique qu'elle forme un corps sédimentaire lenticulaire qui est orienté NE-SO localisé entre 30 et 75 m de profondeur (Figure 1). Les deux exemples de profils sismiques montrent que la vasière comble une légère dépression du substrat, confirmant la présence d'une paléovallée (Lesueur et al 2002). Nos premières observations indiquent aussi que la couche de sédiment peut atteindre localement jusqu'à 6 m d'épaisseur, ce qui est nettement plus élevé que les précédentes évaluations, i.e. < 4 m (Jouanneau et al. 1989, Lesueur et al. 1991, 2002). On note que la délimitation actuelle de la VOG est plus petite que celle récemment proposée par Cirac et al (2016), laquelle était basée sur un ensemble d'informations sédimentaires répertoriées sur environ 30 ans, représentant l'expansion maximale de la VOG sur cette période et pas sa délimitation actuelle. En revanche, on note une bonne cohérence entre la superficie actuelle et celle proposée par Lesueur et al (1991) avec toutefois une nette réduction de sa partie proximale au niveau de la bathymétrie 30 m.

- La teneur du carbone organique particulaire (COP) du sédiment augmente de la côte avec 0,28±0,16% à la Station 1 vers le large avec 1,52±0,12% à la Station 4 (Figure 2). Cette tendance spatiale est globalement retrouvée aux 3 saisons (été 2017, hivers et printemps 2018). Le faible teneur de COP observée à la Station 1 est liée à la présence d'une fraction importante (38%) de sable très fin (D50=60µm), contribution sableuse qui diminue drastiquement dans le reste de la vasière. Notons que les teneurs moyennes de COP ne présentent pas de nette évolution saisonnière dans la zone interne de la vasière (e.g Stations 3 & 8) alors que les fortes variations saisonnières des écart-types suggèrent une forte hétérogénéité sédimentaire de ces stations. Les vitesses de sédimentation apparentes moyennes calculées à partir des profils de 210PbXS sont de l'ordre de 0,28 à 0,47 cm/an, pouvant atteindre une valeur maximale de sédimentation de 0,9 cm/an à la Station 2. On peut noter la présence de couches de sable et une diminution irrégulière du 210Pbxs avec la profondeur dans les stations proximales (Stations 1 & 2), indiquant des conditions énergétiques de dépôt. En revanche, les résultats montrent que les stations proches du dépôt-centre (Station 3) et de la zone distale de la vasière (Stations 8 & 4) présentent une sédimentation plus régulière. Notons la bonne concordance pour la Station 3 entre les profils mesurés dans les carottes prélevées en 2002 (Rikeau), 2009 (LEVIATHAN), 2010 (BIOMIN) et 2016 (VOG), indiquant clairement une stabilité de l'archivage sédimentaire à cette station.

- La consommation de O2 par le sédiment est un bon proxy de la minéralisation du COP déposé à l'interface eau-sédiment. Les TOU (Total O2 uptake) des stations de la zone interne de la vasière (St 2, 3 et 8) sont globalement assez proches aux 3 saisons avec, respectivement, des valeurs entre 4,4±1,2 et 6,0±2,5 mmol m-2 j-1 en été 2017 et hivers 2018, pouvant atteindre jusqu'à 7.8 mmol m-2 j-1 au printemps 2018 (Fig 3). En revanche les stations de la zone proximale (St 1) et distale (St 4) se démarquent à l'été 2017 et au printemps 2018 avec des valeurs jusqu'à 2 fois plus élevées. Les DOU (Diffusive O2 uptake) suivent les mêmes tendances spatio-temporelles avec des valeurs plus faibles que le TOU, le rapport DOU/TOU variant entre 0,27 à la St 1 à 0,9 dans la zone distale (St 8 et 4), ce qui suggère un rôle non négligeable de la faune benthique dans la consommation O2 par le sédiment. Notons une tendance spatiale du DOU à l'été 2017 et au printemps 2018 avec une légère augmentation des St 2 à 4, concomitante avec la distribution spatiale du COP. On observe toutefois des écart-types assez importants pour le TOU et DOU du fait d'une forte hétérogénéité à l'échelle de la station, ce qui explique la difficulté d'observer une tendance saisonnière marquée pour certaines stations.

- La macrofaune benthique a été échantillonnée à l'aide d'une benne Hamon (0,25 m2, 3 réplicas/station) et les traces de bioturbation photographiées par un profileur d'images sédimentaires (SPI, 15 images/station). La Fig 4 représente : (A) une analyse de proximité non-métrique (nMDS) réalisée sur les données d'abondances de chaque genre d'organismes échantillonnés entre 2010 et 2018, et (B) des exemples d'images SPI le long du transect côte-large. Une nMDS a également été réalisée sur les caractéristiques des structures biogéniques visibles sur les images SPI avec des résultats similaires. Couplée à une analyse de groupement associée à une procédure SIMPROF, la nMDS démontre l'existence de variations spatiales significatives le long de l'axe côte-large dans la composition des communautés macrobenthiques. Il en résulte une séparation de la VOG en 3 zones bathymétriques : une zone proximale (st 1), une zone médiane (st 2 et 3, où les compositions des communautés sont néanmoins différentes entre elles), et une zone distale (st 8 et 4). La procédure SIMPROF a également mis en évidence un changement significatif de composition des communautés macrobenthiques entre 2010 et 2016. Les positions relatives des points dans le plan de la nMDS suggèrent que : (1) les variations temporelles des compositions des communautés sont importantes entre 2010 et 2016, (2) la magnitude de ces variations est beaucoup plus faible en zone proximale, et (3) les communautés de certaines stations (1, 8 et 4) semblent décrire un retour vers des compositions similaires à celles observées en 2010. Ces changements pourraient être attribués au très fort hydrodynamisme causé par les tempêtes successives de l'hiver 2013-2014 pendant lesquelles la houle a pu impacter l'habitat benthique de la VOG jusqu'à sa partie distale. Les faibles variations observées en partie proximale s'expliquent par la présence de communautés plus tolérantes à l'hydrodynamisme, du fait de l'impact chronique de la houle à ces profondeurs.

- Les foraminifères benthiques vivants (colorés au rose Bengale) de la VOG font l'objet d'un suivi environnemental depuis 2017 (JERICOBENT-2: été 2017; JERICOBENT-3 : hiver 2018; JERICOBENT-4 : printemps 2018, données 2019 en cours de traitement). La Figure 5 représente l'analyse préliminaire de l'abondance des espèces dominantes (>2.5%) aux trois stations étudiées (Stations 1, 2 et 4) depuis 2017. Nous pouvons observer une diminution graduelle aux trois stations des effectifs et des pourcentages de l'espèce agglutinée Eggerelloides scabrus. Parallèlement à cette tendance, la diversité et la densité totale de foraminifères benthiques chutent spectaculairement à la Station 1, suggérant des conditions environnementales changeantes trop contraignantes pour la faune benthique (instabilité sédimentaire, oligotrophisation ?). Les variations inter-saisonnières semblent les moins fortes dans la zone interne de la vasière (Station 2), même si certaines espèces (e.g. Pseudoeponides falsobeccarii) sont plus abondantes au sortir de l'hiver qu'au préalable. A la station la plus distale (Station 4), l'apparition de l'espèce opportuniste et phytophage Nonionella turgida au printemps 2018 pourrait témoigner d'une amorce de réponse de la faune benthique aux apports exportées du bloom phytoplanctonique au-dessus du plateau externe.

- Les carottes Kullenberg et d'interface ont été prélevées dans la VOG en juillet 2019. Cette campagne a toutefois été perturbée par des aléas d'échantillonnage et météorologique qui n'ont pas permis de réaliser totalement le travail programmé. Seules les stations 3 et 4 ont été échantillonnées. La station 1 présentait en effet une typologie sédimentaire particulière avec une argile très compactée dès 10 cm sous l'interface eau-sédiment (données non montrées).
La Figure 6 montre les profils verticaux du 210Pbxs et du TCO2 et de NH4+ pour les stations 3 et 4. Les profils de 210Pbxs établis dans les carottes d'interface montrent qu'il y a une sédimentation assez régulière d'environ 0.3 cm/an aux deux sites. Cela indique que les archives sédimentaires auront une résolution temporelle correcte pour réaliser les investigations de différents paramètres (géochimie, microfossiles, sédimentologie) en vue de reconstruire l'évolution de cette vasière à des échelles de temps de quelques décennies à quelques milliers d'année. Les mesures de 210Pbxs, également réalisées dans les sommets de carottes Kullenberg ont permis d'intercaler les profils de 210Pbxs dans les deux types de carottes aux sites 3 et 4. La comparaison des profils de 210Pbxs et de Th (non montrés) indique qu'il y a une perte du sommet des carottes Kullenberg d'environ 20 cm. Il est toutefois possible d'intercaler ces profils afin d'obtenir une continuité temporelle en combinant les carottes d'interface et Kullenberg pour ce qui concerne la phase solide du sédiment. On retrouve bien cette continuité dans les distributions verticales des produits de reminéralisation de la MO (i.e. TCO2 et NH4+) dans la phase dissoute du sédiment de la Station 3 mais les résultats de la Station 4 révèle une discontinuité dans le profil de concentration de ces espères dissoutes. Un gradient de concentration plus important est observé dans la carotte Kullenberg, suggérant une plus faible réactivité du sédiment de la carotte d'interface. Il s'avère en effet que la station 4 a été plus difficile à échantillonner. Elle a nécessité 4 lancers Kullenberg tout en se déplaçant progressivement de 1.3 mille marins au final de la station 4 vers l'axe de la vasière, ce qui a permis au final de récupérer deux carottes (3.34 et 3.40 m) sur le site 4K alors que la carotte d'interface avait été initialement prélevée au site 4 comme prévu dans le plan de mission. Les mauvaises conditions mer ayant précipitamment ajourné la campagne, il n'a pas été possible de récupérer une carotte d'interface au site 4k. Cette discontinuité que l'on retrouve sur d'autres espèces dissoutes suggère que la St 4K présente un contexte diagénétique plus réactif dans l'axe de la VOG que sur ses bordures, la St 4 étant sur la bordure ouest de la VOG. Cette hypothèse sera vérifiée au cours des prochaines campagnes.

- L'évolution de la saturation moyenne en oxygène dissous dans les eaux de fond en fonction de la température moyenne au-dessus de la thermocline est ptésentée à la Figure 7. La ligne pointillée rouge représente le seuil de 12,5°C au-dessus duquel la stratification thermique se produit. On peut observer la relation entre l'oxygène dissous et le pH mesurés simultanément en Oct 2021 dans les eaux de la VOG. Malgré une stratégie d'échantillonnage discrète intégrant plusieurs saisons sur plusieurs années, nous avons aussi montré l'existence d'une dynamique saisonnière de O2 avec une colonne d'eau bien oxygénée en hiver puis un appauvrissement progressif de l'eau de fond jusqu'à atteindre un minimum de 45% en automne (Dubosq et al, 2022). Ces désoxygénations s'expliqueraient par une strati?cation saisonnière qui isole l'eau de fond du printemps à l'automne, probablement renforcées par l'advection d'eaux désoxygénées en provenance du nord du Golfe de Gascogne (Loire, Vilaine) ainsi que la sédimentation de la matière organique produite dans la couche de surface et sa minéralisation dans l'eau de fond ou dans le sédiment. La corrélation positive entre le pH et O2 (r=0.903, p<0.00) indique que la respiration aérobie (consommation d'un O2 et production d'un CO2) est probablement un processus clef causant la désoxygénation observée dans la VOG, comme aussi observé sur d'autres RiOMars. Une meilleure compréhension des processus impliqués nécessite sans aucun doute de mieux documenter la variabilité de l'O2 avec la mise en place d'un suivi in situ continu à moyen et long terme pour évaluer les conséquences du changement global (projet PPR RiOMar).
- La Figure 8A présente l'Analyse en Composantes Principales de la composition granulométrique des sédiments de surface échantillonnées à JERICObent-8. Ce résultat est transposable à l'ensemble des campagnes réalisées sur la VOG. On observe en effet des vases sableuses au niveau des stations peu profondes de la zone proximales et des vases composées de silts et d'argile au niveau des autres stations de la vasière. La Figure 8B montre l'évolution des rapports N/C en fonction des rapports isotopiques d13C pour l'ensemble des campagnes saisonnières entre 2016 et 2022 (JERICObent et MAGMA) ainsi que 2010 (Biomin). On observe que la matière organique sédimentaire de la VOG est un mélange de matériel terrigène provenant de la Gironde et de matière organique autochtone marine produite localement avec une variabilité saisonnière marquée de ces contributions respectives.

L'objectif de la campagne JERICObent-8 (Rebirth) a consisté à caractériser le patron spatial des flux de reminéralisation de la matière organique sédimentaire et d'identifier les facteurs environnementaux contrôlant les variations des flux benthiques totaux (TOU) et diffusifs (DOU) en oxygène dissous dans les sédiments de la VOG. L'Analyse en Composantes Principales des flux benthiques explique jusqu'à 97.7% de leur variabilité (Figure 9C) et montre le rôle important de l'épifaune (Figure 9A & C) et de la température sur la variabilité des TOU en Juin 2022 alors que la variabilité des DOU était contrôlée par les descripteurs quantitatifs (azote totale, phéophytine-a) de la matière organique sédimentaire (Figure 9B & C).

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Depuis 2018, un workshop VOG est annuellement organisé à l'automne par B Deflandre à l'Observatoire Aquitaine des Sciences de l'Univers (Pessac). Il s'agit ainsi de mettre en place une vraie dynamique de recherche favorisant les échanges scientifiques entre les différents partenaires des projets VOG (programme Interface EC2CO-LEFE) et MAGMA (LabEx COTE, OFB et Région nouvelle Aquitaine) depuis 2019. De nombreux autres résultats que ceux présentés dans cette fiche ont fait l'objet de 9 communications orales en 2018 (20/09/2018) et 16 communications orales en 2019 (19/12/2019) dont 2 conférenciers invités : D Doxaran (CNRS/Villefranche s/mer) et M Diaz (postdoc IFREMER). Ce second workshop VOG 2019 a permis de lancer officiellement le projet MAGMA. Le prochain workshop VOG 2021 était initialement prévu en Janvier 2021 mais a été reporté à Janvier 2022 du fait de l'annulation des campagnes 2020 reprogrammées en 2021 & 2022 (MAGMA Avril-Mai et Oct-Nov; JERICOBENT-8, Juin-Juillet 2022). Un workshop VOG 2021 (4 communications orales) s'est toutefois tenu en Juillet 2021 portant spécifiquement sur les résultats relatifs aux carottes Kullenberg collectées en Juillet 2019 (JB-7).
La série de campagne JERICObent s'est poursuivie au travers du projet pluridisciplinaire MAGMA et des campagnes océanographiques MAGMA-1 et MAGMA-2. Outre une poursuite de la caractérisation saisonnière du fonctionnement biogéochimique et écologique de l'habitat benthique de la VOG déjà en cours avec les campagnes JERICObent, le projet MAGMA a apporté deux volets supplémentaires portant d'une part sur la caractérisation des contaminants organiques et inorganiques au niveau du sédiment et du biote (benthos, sole) de la Vasière Ouest-Gironde, et d'autre part sur le transfert de matériel sédimentaire de la Gironde vers la vasière et sa signature sur la plateau continental.
Photographies de campagnes pour le grand public:

Profil CTD + capteurs autonomes O2 et turbidité pour caractériser le contexte hydrologique de la zone au moment de l'échantillonnage.

Profileur autonome de microélectrodes O2 et pH. Déploiement de 7-8h jusqu'à 80 m de profondeur.

Déploiement du profileur imagerie sédimentaire (SPI)

Prélèvement de la faune benthique à la benne Hamon.