Lors du lancement de la campagne ORHAGO, la pertinence d'un indice obtenu avec des pêches de jour par rapport à celui obtenu en travaillant la nuit était une question très souvent soulevée par les pêcheurs, car la sole se pêche mieux de nuit. Cette question n'avait jamais été regardée pour d'autres campagnes ciblant la sole et le gain apporté par travail de nuit semblait devoir être évalué en considérant qu'il est pénalisant pour la durée de la campagne, compte tenu des contraintes d'horaires sur les navires de recherche. Outre l'enjeu de la recherche du meilleur indice d'abondance possible, il y avait celui de la reconnaissance par les pêcheurs de la pertinence de l'indice d'abondance de la sole fourni par les campagnes ORHAGO et donc, au bout du compte, de la valorisation de la campagne via un processus politique de fixation des possibilités de capture dans lequel le point de vue des pêcheurs est loin d'être indifférent.
Des pêches de nuit ont pour cela été programmées pour les campagnes ORHAGO avec doublon de jour sur la même traîne afin d'évaluer l'ampleur des différences. Ces travaux ont permis de constater une capture moyenne de la sole deux fois plus forte la nuit que le jour avec un chalut à panneaux (Battaglia et Biais, 2007). Avec un chalut à perche, les captures de nuit restent supérieures, mais dans une moindre proportion puisque d'environ 10 % en moyenne sur 2007-2012 (Biais, 2010 et 2012 a et b). Toutefois, l'impact de la période de travail (jour ou nuit) sur le diagnostic de l'état du stock est faible. Les évolutions des biomasses de géniteurs et la mortalité par pêche sont très voisines, quelle que soit la série d'indices retenue (Figure 1 et 2). Cette analyse a été présentée au WGBEAM de 2013 en intégrant une analyse de l'effet de la non-réalisation de plusieurs stations certaines années, le plus souvent en raison des contraintes imposées par la météo (Biais, 2013 a et b). Elle a abouti au choix de retenir l'indice obtenu de jour avec 49 stations de référence.
Figure 1 : Comparaison des mortalités par pêche estimées avec les indices d'abondance produits par la campagne ORHAGO de jour et de nuit.
Figure 2 : Comparaison des biomasses de géniteur estimées avec les indices d'abondance produits par la campagne ORHAGO de jour et de nuit.
En conséquence, les indicateurs d'abondance par âge de la sole obtenus de jour ont été proposés au CIEM pour être incorporés dans le protocole CIEM pour le diagnostic de l'état du stock de sole du golfe de Gascogne et les simulations utilisées pour les avis sur le niveau d'exploitation (Biais et Lissardy, 2013). La qualité de la série a été validée par un groupe de travail de benchmark, qui a notamment pu baser son appréciation sur le bon suivi de la forte classe d'âge des poissons nés en 2007 (Figure 3). Les trois campagnes réalisées de 2012 à 2014 ont aussi montré que les faibles classes sont bien suivies avec, en particulier, la validation en 2014 d'un faible recrutement à l'âge 2 en 2013. Cette validation était très attendue, car la succession de deux très faibles recrutements n'avait jamais été vue depuis le début du suivi du stock, soit depuis une trentaine d'années. La campagne ORHAGO a ainsi une cohérence interannuelle qui s'observe sur les deux graphes utilisés classiquement pour évaluer la qualité des indices d'une campagne. Le premier (Figure 4) superpose les indices d'abondance à chaque âge pour une cohorte donnée et il permet de constater peu d'irrégularités, pour les âges 2 à 4 qui forment près de 80% du stock exploité. Le deuxième représente l'évolution interannuelle des abondances des cohortes (Figure 5) et il montre que les irrégularités de décroissance sont rares. Il n'est par conséquent pas étonnant que la campagne ORHAGO ait pris un poids majeur dans le calibrage de l'analyse séquentielle des populations (modèle utilisé pour le diagnostic sur l'état d'un stock) avec une contribution de 55-95 % pour les âges 2 à 4 en 2013 et 68-98 % en 2014 (CIEM, 2013; CIEM, 2014).
Depuis 2024, l'indice d'abondance de sole utilisé dans l'évaluation de stock est issu d'un modèle statistique permettant de prendre en compte des corrélations spatiale et temporelle (Figure 6). Cette approche permet de minimiser l'impact de stations non échantillonnées pour cause de mauvais temps. Cette approche a également permis d'améliorer la consistante entre de l'indice pour une même cohorte (Figure 7).
Figure 3 : Indices d'abondance par âge et par année (en nombre de soles par 10 km chalutés, ligne horizontale rouge étant la moyenne pluriannuelle pour un âge donné).
Figure 4 : Évolution de l'abondance des soles (logarithme de l'indice standardisé par l'abondance moyenne par âge) à chaque âge (année de naissance de la cohorte en abscisse).
Figure 5 : Évolution de l'abondance des soles (en logarithme) par cohorte.
Figure 6 : Comparaison de l'indice d'abondance par âge de sole. En bleu, calcul de l'indice par densité avant 2023, en jaune calcul de l'indice par modèle spatio-temporel depuis le benchmark 2024.
Figure 7 : Évolution de l'abondance des soles (en logarithme) par cohorte avec le modèle spatio-temporel.