Le premier résultat est le succès et la qualité des enregistrements réalisés par nos instruments (au bug de jeunesse mentionné près).

Concernant l'activité sismique, l'extraction d'un catalogue d'évènements acoustiques et leur localisation sont en cours. Les données s'avèrent de très bonne qualité (ex. Fig. 2), même si certains sites soumis aux courants sous-marins apparaissent bruités. Un catalogue de 8000 évènements acoustiques a pu être extrait des données acquises en 2012 (Fig. 3). L'interprétation des évènements sur les dorsales met en évidence un comportement contrasté de l'activité tectonique et volcanique des dorsales sud-est et sud-ouest Indiennes (Tsang-Hin-Sun et al., 2016).

Figure 2 : Enregistrements du séisme du 2 décembre 2011 à 00h22 (Mw = 5.6) sur la dorsale ouest-Indienne par les hydrophones N-CRO2 (à droite) et W-KER1 (à gauche). On distingue sur l'hydrophone N-CRO2 l'arrivée précoce des ondes P puis S, converties au droit de l'hydrophone, suivies de l'onde T. Notez l'effet de la propagation longue distance sur la forme de l'onde T entre les deux hydrophones. Durée des enregistrements de 16'40'' (1000 s).

Un second résultat est la caractérisation des niveaux de bruit ambiant à partir des enregistrements de 2010 à 2014 dans l'océan Indien austral, principalement dominé par le bruit cryogénique et le bruit sismique dans les basses fréquences (< 20 Hz), par les vocalises de baleines bleues (18-26Hz, 35Hz, 65-70Hz, 98Hz), et dans une moindre mesure par le bruit anthropique (navires) sur le site le plus au nord (Fig. 4 ; Tsang-Hin-Sun et al., 2015).

Un troisième résultat est l'enregistrement de vocalises saisonnières de 4 espèces différentes de grandes baleines sur nos 5 sites (Fig. 5).  Ces informations sont tout à fait inédites dans cette région du globe difficile d'accès et complètent d'autres enregistrements réalisés au large de Diego Garcia, du cap Leeuwin et au sud des Kerguelen par d'autres équipes. L'ensemble de ces observations permet d'établir des cartes préliminaires de migration saisonnière. Un nouvel algorithme de détection automatique des cris de baleines bleues a été mis au point et testé sur nos données (Socheleau et al., 2015). Il a permis de traiter l'ensemble des données OHASISBIO acquises à ce jour (Fig. 6 ; Leroy et al., 2016).

Un quatrième résultat porte sur la découverte de deux vocalises, jusque-là inconnues ou imparfaitement décrites, vraisemblablement produites par une grande baleine, et présentes sur plusieurs sites et plusieurs années (Leroy et al., 2017).

Un cinquième résultat concerne la diminution de fréquence observée depuis 2007 sur les vocalises des cinq espèces et sous-espèces présentes sur nos enregistrements (Fig. 7). Ces changements de fréquence de l'ordre de 0.1Hz/an seraient liés à une diminution de la puissance d'émission, elle-même liée à un accroissement de densité de population. S'y superpose des variations intra-annuelles cycliques de fréquence de ±0.1Hz attribuées à des ajustements de la puissance d'émission en fonction des variations saisonnières du bruit ambiant dans des fréquences voisines des vocalises. Aux basses fréquences (10-30Hz), ce bruit saisonnier serait principalement généré par la glace libre (icebergs ; Fig. 8 ; Leroy et al., 2018a).

Un sixième résultat porte le patron saisonnier de présence de 4 autres espèces et sous-espèces de baleines bleues, à partir de l'analyse de densités spectrales (pics liés aux vocalises de baleines sur la fig. 4 ; Leroy et al., 2018b).

Figure 3 : Localisations d'évènements acoustiques à partir des hydrophones du seul réseau OHASISBIO (losanges bleus et jaunes) entre janvier 2012 et janvier 2013 (~ 8000 ; Tsang-Hin-Sun et al., 2016). Localisation par 4 hydrophones ou plus (points rouges) et seulement 3 hydrophones (points blancs).

Figure 4 : Spectres de bruit moyens pluri-annuels (2010-2014) pour 2 sites du réseau OHASISBIO. Au site MAD, le spectre relativement plat de 0 à 60 Hz signe l'influence du trafic maritime sur le bruit ambiant ; on observe également une diminution annuelle du niveau de bruit moyen. Au site SWAMS, situé entre les îles Kerguelen et Amsterdam, le niveau de bruit, plus élevé aux basses fréquences, décroit rapidement et varie peu d'une année à l'autre. Les pics des spectres traduisent l'omniprésence des baleines bleues antarctiques (18-26Hz), pygmées de type Madagascar (35Hz), pygmées de type Australie (65-70Hz) et rorquals communs (98Hz). D'après Tsang-Hin-Sun et al., 2015.

Figure 5 : Spectrogramme annuel du site SWAMS3 pour l'année 2015 où l'on distingue clairement la présence saisonnière de 4 espèces de baleines sur des bandes de fréquence caractéristiques de ces espèces.

Figure 6 : Répartition saisonnière du nombre de cris de baleine bleue Antarctique aux différentes stations d'écoute du réseau OHASISBIO (2010 à 2015, d'après Leroy et al., 2016). Les métriques sont le nombre relatif de cris par mois (histogrammes) et le rapport du niveau de bruit dans la bande 26-27Hz sur le niveau de bruit dans la bande 30-33 Hz exempte de vocalises (courbes rouges). Le chorus dans la bande 26-27Hz est parfois si puissant qu'il n'est pas possible d'individualiser les cris ; toutefois, l'origine de ce chorus peut être plus éloignée du site.

Figure 7 : Diminution de fréquence de l'unité A des cris en Z (Z-call) mesurée sur les sites DEFLOHYDRO (2007) et OHASISBIO (2010-2015) et sur le site du Cap Leeuwin (2002-2010 ; d'après Gavrilov et al., 2012 ; site cap Leeuwin de la fig. 1). Leroy et al., 2018a.

Figure 8 : Variation intra-annuelle de fréquence de l'unité A des cris en Z (en bleu) et du bruit ambiant dans la bande 30-33 Hz (en rouge), déduction faite des tendances inter-annuelles, et nombre d'icebergs par semaine (histogrammes) détectés par altimétrie satellitale dans le secteur de l'océan Indien (Tournadre et al., 2016). Leroy et al., 2018a.

Un septième résultat concerne la présence dans le bruit ambiant océanique de signaux très basse fréquence (< 1 Hz ; Fig. 9) liés au bruit de l'état de mer et résultant de la collision de train de vagues de direction opposées et des interactions mer-vent (Ardhuin et al., 2013 ; Peureux et al., 2017). L'analyse de ses variations saisonnières permettrait d'accéder à l'état de mer et de confronter ces observations avec les modèles de prédiction d'état de mer, dans une région du globe où les observations in situ sont rares. La sensibilité de nos instruments aux très basses fréquences s'avère à cet égard tout à fait remarquable.

Figure 9 : Spectrogramme de bruit microsismique très basse fréquence mesuré au site W-KER1 en août 2010. L'axe des abscisses représente un mois d'enregistrement ; l'échelle des fréquences en ordonnée va de 0 à 2.5 Hz.

Modélisation des pics ultra-basses fréquences enregistrés à deux profondeurs différentes au site SWAMS (Peureux et al., EGU 2017).