La langoustine du golfe de Gascogne fait partie des stocks halieutiques majeurs en France. Il s'agit d'une espèce qui contribue fortement aux résultats économiques de flottilles de près de 230 navires (situation en début des années 2010 ; 186 aujourd'hui) répartis sur trois régions (Bretagne, Pays de la Loire et Poitou-Charentes). La langoustine est caractérisée par des affinités sédimentaires très spécifiques : elle se concentre principalement sur la 'grande vasière' du golfe de Gascogne, un secteur à enjeu biologique et écosystémique essentiel (nourricerie du stock Nord de merlu). L'exploitation du stock de la 'grande vasière' fait l'objet d'un suivi scientifique permanent et un diagnostic annuel suivi de recommandations pour une gestion durable est réalisé sous l'égide du CIEM. L'exploitation est encadrée notamment par un TAC communautaire instauré en 1987 ; sur la quantité totale allouée, le quota français représente la quasi-totalité (96 % environ). L'expertise scientifique a été pendant longtemps établie sur la base du suivi des captures commerciales de l'espèce sous criée (structure en taille par sexe avec extrapolations basées sur le système national des statistiques des pêches). La DCF ("Data Collection Framework") européenne qui a rendu systématiques depuis la mi-2002 les observations à bord des navires professionnels a amélioré la précision à court terme des diagnostics sur la pêcherie. Néanmoins, l'absence d'une série temporelle indépendante indispensable pour l'application des modèles mathématiques usuels d'évaluation de stocks reste d'actualité. La campagne LANGOLF qui a été initiée en mai 2007 a comme objectif de combler ce manque. Cette campagne a succédé à ORHAGO-printemps qui lors de sa dernière année de réalisation (2006) a été aussi spécialement conçue pour cibler la langoustine. Pour des raisons liées aux spécificités de la langoustine (type sédimentaire, engin de pêche employé), il a été jugé nécessaire d'inaugurer une série indépendante d'observations car les campagnes actuelles de chalutage sur des secteurs avoisinant la 'grande vasière' telle EVHOE (N/O 'Thalassa') ne conviennent pas pour la langoustine en raison de leur période de réalisation (automne) et des horaires de travail inadaptés. En fait, les prises de langoustine présentent un profil saisonnier (meilleure période de fin de printemps/début de l'été) et horaire (meilleur intervalle situé autour du lever et du coucher du soleil).
En 2012, le CIEM a organisé une évaluation dite "benchmark" (évaluation très approfondie de toute la méthodologie et des données utilisées pour le stock) des langoustines du golfe de Gascogne et a intégré la série temporelle LANGOLF 2006-2011 dans la méthode d'évaluation analytique du stock. Cette campagne avait permis de disposer d'une série standardisée pour la période 2006-2013 en complément de la série commerciale de la flottille du Guilvinec du 2ème trimestre (GV-Q2) disponible depuis 1987. Cette campagne a donné, en outre, des éléments pour l'étude de la faune associée, macro-benthique et démersale, et de la structure sédimentaire de la "grande vasière".
L'évaluation du stock de langoustine du golfe de Gascogne était basée par le passé sur un modèle analytique classique fondé sur l'analyse des captures par âge, lesquelles étant construites à partir des longueurs et d'un modèle de croissance. Il est à noter que les données à disposition n'avaient pas permis d'aboutir à des projections de captures validées par le CIEM, seules les tendances fournies par le modèle en âges étant retenues. Jusqu'à présent, l'évaluation analytique et l'avis sur le stock ont été biennaux (années paires).
Dans un contexte de restriction budgétaire, l'Ifremer a mis un terme à la campagne LANGOLF en 2014. Face à cette décision, un groupe de réflexion composé notamment de représentants de pêcheurs et de scientifiques de l'Ifremer a proposé la mise en oeuvre d'une campagne halieutique alternative d'évaluation du stock de langoustine du golfe de Gascogne, via la méthode de vidéo sous-marine. Cette méthode validée par le CIEM permet d'aboutir à des évaluations quantitatives validées.
Le programme "LANFOLF-TV" a ainsi été monté sous l'égide du CNPMEM en partenariat avec l'Ifremer, avec un co- financement de l'association France Filière Pêche (FFP) et de la Direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA) du Ministère de l'écologie.
Engin de pêche
L'engin de pêche est constitué de chaluts jumeaux (deux chaluts reliés par leurs pointes d'ailes au centre) tels que ceux employés par les professionnels à la différence près du maillage du cul ramené à 20 mm étiré afin de permettre la rétention de jeunes individus. Chaque chalut est muni d'un équipement SCANMAR "corde de dos" et "pointes d'ailes" pour la vérification de la géométrie du train de pêche pendant les traits (ouvertures verticales et horizontales), et la définition du moment de début du trait sur le fond. Les panneaux sont équipés du dispositif GEONET permettant d'obtenir des données sur la géométrie de l'engin et sur la température au fond. Grâce à ces dispositifs, il sera possible de calculer la surface effectivement balayée sur le fond par unité d'échantillonnage.
Protocole d'échantillonnage
Sur l'ensemble du secteur, d'une superficie totale de 11680 km² environ, cinq strates sédimentaires en fonction de la teneur en vase et de son origine ont été définies (Fig. 1). La stratification de l'échantillonnage sur la Grande Vasière repose sur les connaissances de la nature des fonds. Le plan d'échantillonnage appliqué comporte au moins 60 stations de chalutage d'une durée de 30 minutes. Ce plan est aléatoire stratifié avec une allocation proportionnelle à un ratio prenant en compte : (1) la surface de chaque strate et (2) un indice relatif à la concentration des navires de pêche: cet indice est obtenu grâce aux observations à bord des navires professionnels (sous la DCF ; cf. plus haut) en considérant que celles-ci (372 marées échantillonnées, soit 1140 traits de chalut sur la période 2003-2011) permettent d'obtenir un estimateur sans biais de la répartition réelle de l'effort de pêche total (tableaux 1 et 2).
Tableau 1 : Répartition (en %) de l'effort de pêche de la flottille langoustinière par strate sédimentaire et par quartier maritime d'origine (GV=Le Guilvinec ; CC+LO=Concarneau & Lorient ; Sud=Le Croisic, Les Sables d'Olonne, La Cotinière).

Tableau 2 : Surfaces (en km²) des strates sédimentaires de la "grande vasière". Type d'allocation en fonction de la surface (poids_surf) et de la répartition de l'effort de pêche (poids_eff) de la flottille commerciale. Nombre de stations de chalutage (N) par strate.


Figure 1 : Stratification spatiale (cinq strates sédimentaires) de la "grande vasière" applicable aux campagnes LANGOLF.
Durée des travaux
La durée pour chaque campagne était de 13 jours effectifs (hors transit) minimum à raison de 4 à 5 traits par jour. L'accessibilité de la langoustine étant conditionnée par un rythme lié au cycle solaire (optimum situé aux alentours du lever et du coucher du soleil), il est nécessaire que les horaires de travail par jour soient scindés en deux parties en fonction de ces contraintes.
Période
Le choix de la période mai-juin pour la campagne dirigée sur la langoustine correspond à la période de plus grande accessibilité de l'espèce, avant que les femelles grainées gagnent leur terrier.