Les mesures de traceurs in-situ ont permis de bien caler les modèles de dispersion à moyen et long terme et d'aboutir à une représentation réaliste de la dynamique des masses d'eaux depuis la semaine jusqu'à plusieurs années (Figure 1). Des données comparables ont été acquises durant les campagnes DISPRO pour valider un modèle de dispersion en champ proche, ces données permettent de valider qualitativement et quantitativement le modèle de dispersion. Les résultats acquis ont permis d'améliorer sensiblement les modèles qui reproduisent le panache de dispersion durant les heures et les jours suivant un rejet soluble en mer macrotidale.

14451 échantillons d'eau de mer ont été prélevés et mesurés en tritium (HTO) durant les campagnes DISPRO (Figure 2). Ces résultats valident l'approche retenue en identifiant clairement la dispersion du panache de rejet de l'usine de La Hague durant les heures qui suivent le rejet. Ces résultats, associés aux mesures courantologiques, ont permis d'améliorer sensiblement le modèle. Les améliorations ont concerné principalement la bathymétrie, le phasage temporel et le coefficient de frottement sur le fond.

Figure 2 : Localisation des prélèvements effectués lors des campagnes DISPRO.

1. Phasage temporel du modèle

Les mesures de courants et de hauteurs d'eau obtenues ont permis d'établir le calage temporel des modèles à 15 minutes près (Figure 4).

Figure 4 : Courants moyens mesurés et calculés par le modèle dans l'anse de Vauville.

2. Amélioration de la bathymétrie

La bathymétrie du modèle a été améliorée en y incorporant les levés obtenus durant les campagnes DISPRO. Une méthodologie a été proposée afin d'automatiser et d'améliorer la représentation de la bathymétrie dans les modèles hydrodynamiques (Bailly du Bois, 2011). La Figure 5 montre un détail de la bathymétrie du modèle avant et après mise à jour. Le jeu de données bathymétriques exploitables concerne l'ensemble du plateau continental nord-ouest- européen

Figure 5 : Bathymétrie du modèle avant et après mise à jour.

3. Ajustement du coefficient de frottement

Avec les paramètres initiaux, le modèle sous-estimait légèrement les vitesses par rapport aux observations, le coefficient de frottement sur le fond a été ajusté. Les écarts entre les vitesses mesurées et simulées sont inférieurs à 10 % dans les zones où l'hydrodynamique est homogène. Ces écarts peuvent être plus importants à proximité des côtes, en raison de la plus grande variabilité et à la moins bonne connaissance de la bathymétrie dans ces zones.

4. Comparaison entre les concentrations en tritium mesurées et calculées

Durant les campagnes DISPRO, plus de neuf rejets ont pu être suivis dans des conditions hydrodynamiques très variables (vent faible à fort, courant portant vers le sud ou vers le nord au moment du rejet). Entre 500 et 1000 mesures de tritium dissous ont été obtenues pour chaque rejet. Le modèle simule la dispersion avec une bonne précision durant les six heures qui suivent le début du rejet. La Figure 6 illustre la capacité du modèle à reproduire les panaches mesurés

Figure 6 : Comparaison entre les concentrations simulées (arrière-plan) et mesurées (séries de points colorés) le 12 juin 2003 entre 16h et 20h.

5. Conclusions

• Les modèles de dispersion permettent la simulation réaliste de la dispersion des rejets de l'usine de retraitement de combustibles nucléaires usés de La Hague entre une heure et un an après le début d'un rejet et jusqu'à 200 km de l'émissaire ;
• Les modèles ne sous- ou ne surestiment pas les concentrations simulées par rapport aux concentrations mesurées ;
• L'essentiel de la dilution se produit durant les 24 heures suivant un rejet. Après 48 heures, les concentrations obtenues sont du même ordre de grandeur que celles résultants des rejets effectués durant les semaines précédentes.
• Le panache mesuré se trouve dans la même zone que le panache simulé ;
• À plus de 30 km de l'émissaire, la comparaison des concentrations ponctuelles mesurées et simulées à l'échelle de la Manche montre un écart moyen de 6% avec un écart-type de 44%.
• La base de données collectée durant le projet Dispro totalise 14451 mesures de tritium dissous, ainsi que de nombreuses mesures physiques (bathymétrie, courants, marégraphes). Ces données font de la région du Cap de La Hague l'une des mieux connues du point de vue de l'hydrodynamique et de la dispersion de substances solubles.
• Une boite à outils pour la construction et la validation de modèles a été constituée à partir des données collectées durant les campagnes DISPRO, elle est mise à la disposition de la communauté scientifique (Bailly du Bois et al, 2012).