L'amélioration des connaissances sur l'écosystème pélagique du golfe de Gascogne issue de PELGAS résulte de l'accumulation d'observations au cours de la série de campagnes. Nous allons donc présenter les principaux résultats obtenus par thème, plutôt que par campagne.

1. Hydrologie du golfe de Gascogne

Les mesures in situ de l'hydrologie du golfe de Gascogne réalisées lors de PELGAS ont permis de mettre au point une méthode de cartographie des masses d'eau qui permet d'identifier des « paysages hydrologiques » (Planque et al. 2006). Les dynamiques spatio-temporelles de ces paysages hydrologiques ont été analysées de 1990 à 2003 (Villalobos 2008) et sur une climatologie température et salinité (Bobyclim) basée notamment sur les données CTD de PELGAS (Gailhard-Rocher et al. 2012). Cette dernière étude a produit une cartographie des paysages hydrologiques dont la dynamique saisonnière est semblable.

Les paysages hydrologiques ont été proposés pour figurer dans la liste des indices hydrologiques (item 'habitats pélagiques') du bon état des écosystèmes marins européens (Gailhard-Rocher et al. 2012).

Les données hydrologiques issus des profils CTD, des capteurs de coque et de bouées instrumentées lâchées durant la campagne PELGAS ont contribué à étudier la circulation de surface (Charria et al. 2013 ; Reverdin et al. 2013) et les blooms d'algues toxiques (Batifoulier et al. 2013), ainsi qu'à valider les sorties du modèle hydrodynamique MARS3D (Lazure et al. 2009), puis de son extension écosystémique ECOMARS (Huret et al. 2013) dans le golfe de Gascogne. Ces modèles permettent maintenant de replacer la situation hydrologique observée pendant PELGAS dans la dynamique saisonnière des masses d'eau. Ils fournissent également les données permettant de détecter les tendances hydrologiques à long terme dans lesquelles s'inscrivent les campagnes, au moyen d'un système de surveillance statistique des indicateurs hydrobiologiques issus d'ECOMARS (Woillez et al. 2010).

Une étude visant à replacer les campagnes PELGAS annuelles dans le cycle saisonnier de l`écosystème a été réalisée, afin de définir les ¿dates écologiques¿ auxquelles avaient eu lieu chaque observation de chaque campagne annuelle. Les résultats ont montré que la date et la durée de la campagne pouvaient engendrer des biais dans les observations de certains paramètres en évolution rapide, notamment la température de surface. L`utilisation des ¿dates écologiques¿ des campagnes au lieu de leurs dates calendaires a également permis d`affiner la description de la phénologie et de la distribution spatiale de la ponte des anchois et des sardines (Huret et al. 2018).

2. Communautés planctoniques

Les données hydrobiologiques collectées lors de PELGAS ont contribué à mettre en évidence l'influence du panache de la Gironde sur la production primaire du golfe de Gascogne (Labry et al. 2002) et notamment la présence d'un bloom précoce de microphytoplancton en hiver (Labry et al. 2001). Les données PELGAS ont permis de cartographier les communautés phyto et zooplanctoniques printanières du golfe de Gascogne à plus large échelle (Petitgas et al. 2006). Intégrées aux données collectées lors d'autres campagnes coordonnées, les données PELGAS ont permis de montrer que la dynamique des chaînes trophiques planctoniques du golfe de Gascogne était similaire à celle des autres océans tempérés, à l'exception de la présence du bloom de microphytoplancton en hiver et d'une limitation en phosphate (Marquis et al. 2007).

Dans un souci d'automatisation de l'échantillonnage et donc d'augmentation concomitante du volume des habitats zooplanctoniques observés, l'échantillonnage optique (LOPC) et acoustique (sondeurs de coque et profileur vertical) a été développé. Une cartographie du spectre de taille du zooplancton du golfe de Gascogne observé lors des campagnes PELGAS a été réalisée en combinant les données de LOPC et de pêche planctonique au WP2 (Vandromme et al. 2014). Une thèse débutée en 2011 vise à préciser les premières tentatives de caractérisation acoustique des couches diffusantes acoustiques (Trenkel and Berger 2010) en combinant les données acoustiques multifréquences acquises en continu le long des radiales et les données hydro-biologiques collectées ponctuellement en station lors de PELGAS, afin de caractériser à méso-échelle les couches méso-zooplanctonique du golfe de Gascogne. Les particules pélagiques de l'embouchure de la Gironde aux accores on à cette fin été caractérisées à fine échelle au moyen de multiples capteurs (acoustiques, optiques, filets etc.) durant PELGAS 2012 et 2013 (Doray et al. 2012).

Le développement par Ifremer lors de la campagne d'un imageur à méso-zooplancton en flux, le Zoocam (Colas et al. 2018), a permis de ré-analyser avec une méthodologie standard tous les échantillons de zooplancton collectés au filet WP2 depuis 2004 (Grandrémy et al. 2023). La ré-analyse de ces données historiques a permis de cartographier les communautés de zooplancton dans le golfe de Gascogne au printemps, et de mettre en évidence que les patrons spatiaux moyens du zooplancton sont influencés par le forçage bottom up de l'hydrologie et un contrôle top-down des petits poissons pélagiques (Grandrémy et al. 2023).

3. Dynamique des populations d'anchois et de sardines du golfe de Gascogne, gestion des stocks

• Évaluations d'abondance et gestion des stocks

PELGAS produit chaque année un indice d'abondance acoustique des groupes d'anchois, de sardines, de sprats et de chinchards observés au cours de la mission. La campagne fournit également des biomasses par classes de taille et d'âge pour l'anchois et la sardine. La précision de ces indices d'abondance est évaluée à partir des données de la campagne et la méthode d'évaluation (Doray et al. 2010) est améliorée sur la base d'études sur la réflectivité acoustique individuelle des petits poissons pélagiques (Doray et al. 2011) la classification multifréquence des cibles acoustiques (Trenkel and Berger 2010) ou l'attribution des densités acoustiques de poissons aux chalutages d'identification (Petitgas et al. 2003). Les indices d'abondances des anchois et des sardines du golfe de Gascogne issus de PELGAS sont combinés à ceux fournis par la campagne BIOMAN de l'AZTI, qui évalue à la même période les mêmes stocks à partir des données de ponte. Une méthode combinant les indices d'abondances issus de PELGAS et BIOMAN a été proposée, afin de juger de détecter d'éventuels biais dans les estimations et d'améliorer leur fiabilité (Petitgas et al. 2009). Les indices issus de l'acoustique et des ?ufs sont combinés dans le modèle de dynamique de populations BBM, au sein du groupe de travail CIEM WGHANSA, afin de produire une évaluation de biomasse d'anchois du golfe de Gascogne. Le groupe formule ensuite des recommandations de gestion à la Commission Européenne qui fixe le niveau du TAC annuel. L'abondance du stock d'anchois du golfe de Gascogne a toujours montré une grande variabilité, liée aux fluctuations importantes du recrutement (individus âgés d'un an).

Figure 1 : Estimation de la biomasse du stock d'anchois du golfe de Gascogne par méthode acoustique (triangles), par les oeufs (cercles) et par le modèle de dynamique de population BBM (ligne).

Le recrutement du stock d'anchois a été faible depuis 2002, avec un plus bas niveau historique en 2005, qui a entraîné la fermeture de la pêcherie. La pêche a été ré-ouverte en 2010, suite aux bons recrutements enregistrés par les campagnes PELGAS et BIOMAN. Un indice d'abondance de la sardine présente dans le golfe de Gascogne au printemps est également évalué à partir des données PELGAS, mais le stock n'est pas soumis à une gestion par TAC.

La biomasse de sardine est également très variable d'une année sur l'autre. Une partie de cette variabilité doit provenir du fait que les migrations printanières de la sardine (probablement en provenance de la mer Celtique ou de plus loin) ne sont pas terminées au moment de la campagne PELGAS. La mission n'observe donc pas nécessairement la totalité du stock de sardines chaque année. Malgré tout, les cohortes peuvent être suivies au cours des années, ce qui suggère que la campagne PELGAS échantillonne suffisamment de sardines dans le golfe de Gascogne au printemps pour capturer les grandes tendances de la dynamique de sa population.

• Contributions à la gestion de stock spatialisée

Du fait de l'homogénéité et de la bonne résolution de la couverture spatiale du golfe de Gascogne qu'elle réalise, la campagne PELGAS permet de caractériser finement les patrons spatiaux des stocks de petits poissons pélagiques. Ces patrons spatiaux ont été analysés afin de faire progresser la gestion spatialisée des stocks de petits poissons pélagiques.

Construit à partir des données de chalutage des campagnes acoustiques depuis 1983, un modèle spatialisé de la dynamique de la population de l'anchois a montré que celle-ci dépendait principalement de la fertilité des poissons de 1 an présents dans une zone située devant l'estuaire de la Gironde (Petitgas and Vaz 2005). Cet habitat de ponte « essentiel » a été cartographié avec précision, et une procédure de gestion spatialisée de la pêcherie d'anchois, alternative à la gestion actuelle, a été proposée aux instances impliquées dans la gestion du stock.

L'impact sur la population d'anchois et l'activité de pêche de scénarios de gestion spatialisés, incluant une fermeture saisonnière de la pêche dans l'estuaire de la Gironde, a été testé par simulation avec le modèle spatialisé ISIS. Les résultats de ce modèle, largement paramétré avec des données issues de PELGAS, ont confirmé l'importance du recrutement dans la dynamique de la population d'anchois du golfe de Gascogne, sans mettre en évidence d'effet significatif de la fermeture de la zone Gironde (Lehuta et al. 2010).

• Déterminisme du recrutement de l'anchois

Du fait de l'influence du recrutement sur la dynamique de la population d'anchois, la campagne PELGAS a servi de plate-forme privilégiée pour l'étude du déterminisme du recrutement de cette espèce.

Des simulations de dérive de larves issues de données de dérive de bouées larguées pendant PELGAS et des sorties du modèle MARS3D ont été combinées aux croissances des larves et juvéniles d'anchois dérivées des otolithes prélevées lors  de PELGAS. Cette combinaison a permis de construire un modèle biophysique individu-centré (IBM) de croissance et de survie des larves et juvéniles d'anchois (Allain et al. 2003 ; Allain 2004). Ce modèle a ensuite permis de prédire l'indice de recrutement de la population d'anchois à partir de 3 ans de prévisions hydrologiques de MARS3D (Allain et al. 2007b)et d'investiguer l'influence des conditions environnementales et de la dynamique de ponte sur la survie larvaire (Allain et al. 2007a).

Les données de ponte, de distributions verticales d'oeufs et de larves, d'énergie-densité et d'isotopes issues de PELGAS ont ensuite contribué à définir les hypothèses de simulations de dérives larvaires plus réalistes, conduites avec le nouveau modèle ECOMARS. Ces simulations réalisées sur une longue période (1996-2007) ont permis de déterminer les facteurs influant le plus sur la dispersion des larves à différentes échelles spatiales et temporelles. Les facteurs testés étaient les déplacements verticaux des larves, la durée de la dérive, la dynamique de ponte et de la variabilité hydrologique saisonnière et inter-annuelle (Huret et al. 2010b). Le même modèle IBM a été utilisé pour tester l'effet de scénarios climatiques sur la dispersion des larves d'anchois (Huret et al., 2009, Lett et al., 2010).

Des facteurs limitants du recrutement de l'anchois, comprenant à la fois des indices hydrologiques issus d'ECOMARS et des indices décrivant la ponte des adultes, ont été identifiés annuellement à chaque étape du cycle de vie de l'anchois . L'analyse combinée des facteurs limitant le recrutement de 1986 à 2009 confirme l'importance de la période larvaire, qui est souvent limitante. Les facteurs limitants du recrutement changent au cours de la série, ce qui confirme la nature multiple du déterminisme du recrutement de l'anchois (Petitgas et al. 2011b).

Enfin, un modèle IBM de l'ensemble du cycle de vie est en développement auquel contribuent les données PELGAS sur les oeufs, les larves et les adultes d'anchois ainsi que les données sur le zooplancton et les prédateurs.

4. Distribution spatiale, habitats et cycles de vie des petits poissons pélagiques du golfe de Gascogne

• Distribution spatiale

Les données acoustiques, halieutiques et hydrobiologiques géoréférencées collectées lors de PELGAS ont permis de modéliser la distribution spatiale de petits poissons pélagiques du golfe de Gascogne à divers stades de développement.

Le suivi systématique de la distribution spatiale des oeufs d'anchois et de sardine durant PELGAS a permis de montrer que la ponte de l'anchois était plus fragmentée dans les années 2000 que dans les années 1960-70 et que la ponte s'étendait désormais plus vers le nord (Bellier et al.  2007). Des structures agrégatives imbriquées résultant de l'expression du comportement grégaire des petits poissons pélagiques adultes espèces face au forçage environnemental ont été mises en évidence à plusieurs échelles (banc, cluster de bancs, cluster de clusters) (Petitgas 2003). Des « populations acoustiques », regroupant des adultes d'espèces dont le bancs ont des caractéristiques proches sur les « images acoustiques » ont été définies (Petitgas et al. 2003) et leur dynamique spatio-temporelle étudiée à partir des données collectées de 1990 à 2003 (Villalobos 2008)

La distribution moyenne des petits poissons pélagiques adultes du golfe de Gascogne a également été cartographiée par classe de taille et par espèce à partir des données PELGAS (Certain et al. 2011, Doray et a. 2018b).

• Habitats

Les patrons spatiaux des petits poissons pélagiques du golfe de Gascogne observés lors de PELGAS ont été mis en relation avec les paramètres environnementaux, afin de définir les habitats de ces espèces.

La probabilité de présence des oeufs a été modélisée en fonction des paramètres hydrologiques collectés durant PELGAS, afin de définir l'influence des conditions environnementales sur la distribution des zones de ponte potentielles. Cette étude a montré que les habitats potentiels de ponte d'anchois étaient essentiellement déterminés par un jeu réduit d'indices hydrologiques (température de fond, température de surface et profondeur de la couche de mélange), et que ces paramètres pouvaient être utilisés pour prédire la dynamique temporelle des habitats potentiels de ponte à partir des sorties du modèle MARS3D  (Planque et al. 2007).

La dynamique spatio-temporelle des habitats réalisés des adultes d'anchois, i.e. les zones où des anchois ont été effectivement observés, a été modélisée comme une somme de fonctions orthogonales (EOF) à partir des données PELGAS (Petitgas 2008). L'existence de relations statistiques entre ces EOFs et l'abondance globale de la population et des indices environnementaux a été démontrée (Petitgas et al. 2014) et exploitée afin de simuler les habitats qu'occuperaient l'anchois du golfe de Gascogne en réponse aux effets du dérèglement climatique (Petitgas et al. 2009b).

Une méthode de cartographie par krigeage des histogrammes de taille de poissons a été mise au point à partir des données de pêche de PELGAS (Petitgas et al. 2011a) Appliquée à l'anchois du golfe de Gascogne, elle a permis de montrer que les gros anchois (>16cm) étaient majoritaires (>60 % des effectifs) dans les distributions en taille du Sud du golfe, alors que les anchois plus petits (<12 cm) partageaient systématiquement leurs habitats avec des anchois de plus grande taille.

Une étude a été réalisée afin de définir des communautés de petits poissons pélagiques stables dans le temps, ainsi que leurs zones de distribution caractéristiques, à partir des données collectées pendant PELGAS (2000-2015) (Doray et al. 2018a). La comparaison des patrons de distribution récurrents des communautés de poissons et de leur environnement hydrologique a permis de définir les caractéristiques physico-chimiques de leurs habitats au printemps.

Des données de longueur, croissance et énergie-densité collectées lors de PELGAS (Dubreuil and Petitgas 2009; Gatti et al. 2018) ont été utilisées pour calibrer un modèle bioénergétique de l'anchois (Pecquerie et al. 2009; Gatti et al. 2017).et de la sardine (Gatti et al. 2017) du golfe de Gascogne. Ce modèle permet de prédire les habitats potentiels de l'anchois sur une base physiologique (Pecquerie et al. 2009), i.e. et d'explorer ses migrations de reproduction, à partir de sorties du modèle ECOMARS (Politikos et al. 2015).

• Cycles de vie des petits poissons pélagiques du golfe de Gascogne

PELGAS a également servi de plate-forme pour collecter des données sur la structuration génétique des populations d'anchois et de sardine du golfe de Gascogne. Les résultats ont permis de mettre en évidence :
(i) l'apparition de différences génétiques liées à l'âge des individus ;
(ii) l'apparition de différences allozymiques (phénotypes) associées à une distribution géographique d'individus issus de la même année de reproduction ;
(iii) le changement de structure génétique des cohortes au cours du temps (effet possible des variations du recrutement) ;
(iv) une séparation des individus des stations côtières et du large sur la base du locus IDH-2* (Laurent 2005).

Chez la sardine, à l'échelle du golfe de Gascogne, l'analyse de la structure génétique a montré une absence de structuration spatiale et temporelle. Cependant, les mêmes analyses effectuées sur des échantillons provenant des zones adjacentes suggèrent des populations bien différenciées entre le golfe de Gascogne, la Méditerranée, le Maroc, les îles Açores et Madère, mais la frontière entre le golfe de Gascogne et Gibraltar reste à confirmer (Laurent 2005). Les données et connaissances sur l'anchois du golfe au printemps issues de PELGAS ont été intégrées dans deux synthèses sur les cycles de vie des petits poissons  pélagiques de la façade atlantique européenne (Petitgas et al. 2010); (Petitgas et al. 2011c).

À la suite de résultats montrant l'impact des dates de ponte et des conditions hivernales de l'année n sur la ponte (période, durée, quantité) de l'année n+1 (Pecquerie, 2007 ; Pecquerie et al., 2009), ainsi que l'impact de cette ponte (Période, durée) sur la survie larvaire et par suite sur le recrutement, il s'est avéré nécessaire de développer un modèle de l'ensemble du cycle de vie de l'anchois. Celui-ci a pour objectif de coupler le modèle IBM 3D larvaire (Huret et al., 2010), étendu à l'ensemble du cycle de vie, au modèle bioénergétique DEB (Pecquerie et al., 2009). Ce dernier est en cours de développement et utilise exhaustivement les données PELGAS sur les oeufs, les larves et les adultes d'anchois ainsi que les données sur le zooplancton et les prédateurs.

Les méthodes d'étude et connaissances sur le cycle de vie de l'anchois dans le golfe de Gascogne issues de PELGAS ont enfin été valorisées pour formuler des hypothèses expliquant l'expansion de cette espèce en mer du Nord (Petitgas et al. 2012).

• Baisse de la condition des anchois et sardine du golfe de Gascogne

Une forte baisse de la condition (poids moyens) des anchois et sardine du golfe de Gascogne a été détectée pour la première fois lors d'une analyse systématique des séries d'indicateurs fournis par la campagne (Doray et al. 2018c). Cette baisse de condition, particulièrement marquée chez les poissons d'âge 1 et 2, avec disparition des individus plus âgés, fait écho aux observations similaires réalisées en Méditerranée (Saraux et al., 2019; Van Beverenet al., 2014). Les données de la campagne PELGAS ont été utilisées dans des études ultérieures visant à déterminer les processus biologiques à l'origine de cette baisse de condition (Véron et al. 2020a,b; projet Defipel).

5. Mégafaune

Les données collectées lors de PELGAS, combinée à des données de survols aériens ont permis de cartographier les mammifères et oiseaux marins présents dans le golfe de Gascogne au printemps (Certain 2007).

La distribution des oiseaux marins est variable selon les groupes taxonomiques. Les fous de Bassan et les mouettes sont distribués largement sur l'ensemble du golfe de Gascogne, tandis que les guillemots sont associés à la zone côtière à proximité des panaches fluviaux. Les goélands sont observés principalement dans la partie nord du golfe, à proximité des côtes (Certain 2007).

Concernant les mammifères marins, le dauphin commun et le grand dauphin sont les deux espèces les plus fréquemment observées. Ces deux espèces montrent une ségrégation spatiale nette : le grand dauphin est abondant au niveau des accores et de la moitié externe du plateau continental, tandis que le dauphin commun abonde de la côté à l'isobathe des 100m, puis, au dessus du talus continental et au-delà. Le secteur central, dit de la grande vasière, est notablement sous peuplé en petits cétacés (Certain et al. 2008).

Une analyse rétrospective des séries temporelles d'abondance de la mégafaune observée pendant PELGAS a mis en évidence une augmentation de l'abondance d'environ un tiers des espèces, une diminution d'un autre tiers, et une stabilité du tiers restant entre 2004 et 2016. L'abondance relative des espèces distribuées au large, dont tous les cétacés étudiés, a légèrement augmenté (Authier et al. 2018).

6. Fonctionnement de l'écosystème pélagique du Golfe de Gascogne

Les travaux menés au sein de l`équipe PELGAS ont permis de produire en routine deux types de produits écosystémiques standards à partir des données de la campagne PELGAS :

• des cartes des paramètres collectés dans les différents compartiments, moyennés chaque année sur une maille standard;

• des séries d`indicateurs d`état et spatiaux, dérivés du processus d`évaluation de biomasse des petits poissons pélagiques et des cartes standards.

L`existence de ces produits écosystémiques standards a permis de développer des méthodes visant à analyser simultanément des informations collectées dans différents compartiments de l`écosystème. Le premier objectif était de mettre en évidence des patrons spatiaux récurrents dans tous les compartiments (ou paysages pélagiques), afin de cartographier l`écosystème pélagique du golfe de Gascogne, et d`émettre des hypothèses sur les interactions entre compartiments. Des paysages pélagiques présents de façon récurrente dans le Golfe de Gascogne au printemps ont ainsi été mis en évidence, à partir des cartes standards de PELGAS (2009-2014), et leur variabilité temporelle a pu être estimée (Petitgas et al. 2018a). Cette étude a ouvert des perspectives pour la caractérisation et la surveillance de patrons spatiaux au sein des écosystèmes, la définition d'indicateurs permettant d'évaluer l'impact des activités humaines sur la structure spatiale des écosystèmes et l'analyse du Golfe de Gascogne comme un méta-écosystème.

Le second objectif de l'analyse intégrée des données écosystémiques de PELGAS était de proposer une contribution concrète à la problématique de l'évaluation de l'état des écosystèmes marins, à partir d'indicateurs issus de campagnes écosystémiques intégrées. Des indicateurs de l`état de l`écosystème ont été définis à partir de 143 indicateurs candidats issus des données PELGAS, et les grandes tendances de leur dynamique temporelle ont été caractérisées de 2000 à 2015 (Doray et al. 2018c). L'étude a permis de sélectionner 26 indicateurs ayant présenté les tendances temporelles les plus continues dans chacun des compartiments principaux de l'écosystème. Les indicateurs sélectionnés ont confirmé l'importance des apports fluviaux, de la température de fond, de la concentration en chlorophylle et en mésozooplancton dans le forçage « bottom-up » de l'écosystème pélagique du Golfe de Gascogne. D'après les indicateurs retenus et leurs tendances, les populations de petits poissons pélagiques ont suivi des trajectoires distinctes au cours des 15 années analysées dans cette étude. Seuls les poids moyens des anchois et sardines d'âge 1 et 2 ont présenté des tendances à la baisse similaires. Cette diminution synchrone des poids moyens pourraient indiquer l'existence de compétition densité-dépendante pour la nourriture entre les jeunes adultes d'anchois et de sardine. Cette étude a montré la quasi absence de corrélation significative entre les indicateurs issus de PELGAS résumant l'évolution de l'écosystème pélagique et des indicateurs de pression de pêche et du dérèglement climatique dans le Golfe de Gascogne. Ces résultats suggèrent que la pression de pêche exercée sur les petits poissons pélagiques dans le golfe est modérée. Ils confirment que le dérèglement climatique global a pour l'instant des effets relativement limités sur l'écosystème pélagique du golfe de Gascogne, en comparaison de la variabilité saisonnière (Doray et al. 2018c).

PELGAS a également alimenté en données et concepts plusieurs études ou modèles s'intéressant au fonctionnement global de l'écosystème pélagique du golfe de Gascogne. La plupart des études ont été consacrées aux interactions entre niveaux trophiques de l'écosystème.

Des exercices de modélisation utilisant les données PELGAS ont permis d'intégrer le connaissances sur  le transfert de carbone du plancton vers les petits poissons pélagiques (E. Marquis et al. 2007 ; Elise Marquis et al. 2011). Ces études ont montré que la quantité de carbone transférée du plancton vers les niveaux trophiques supérieurs était assez constante, mais que les destinataires variaient largement en fonction de la structure de la communauté planctonique. Les petits poissons pélagiques bénéficieraient ainsi d'un maximum de transfert de carbone dans le cas de chaînes trophiques planctoniques dominées par de petites cellules autotrophes, alors que les chaînes dominées par de grosses cellules phytoplanctoniques bénéficieraient d'avantage aux communautés benthiques, avec des pertes de carbone importantes par sédimentation (E. Marquis et al. 2007 ; (Marquis et al. 2011). Des travaux suggèrent également que les bas niveaux trophiques et le compartiment détritique contrôleraient les flux d'énergie dans les écosystèmes benthiques, démersaux et pélagiques du plateau continental du golfe de Gascogne (Lassalle et al. 2011). La productivité du mésozooplancton et son influence sur la population d'anchois lors de PELGAS ont également été étudiées à partir de marqueurs biochimiques (Bergeron and Koueta 2011),(Bergeron et al. 2013) .

PELGAS a fourni les données de contenus stomacaux et de distributions spatiales des adultes et des oeufs nécessaires à la réalisation d'une étude sur la prédation sur les oeufs d'anchois. Cette étude a conclu que le cannibalisme des anchois adultes sur leurs propres oeufs était faible et permis de caractériser les chevauchements alimentaires entre anchois, sardine et sprat (compétition intra-guilde). Le degré de superposition entre les distributions d'oeufs d'anchois et de sardines était négativement corrélé avec le recrutement d'anchois, ce qui pourrait confirmer l'existence d'une prédation intra-guilde des sardines sur les oeufs d'anchois (Ollivier et al. 2012).

Aux niveaux trophiques supérieurs, des échantillons biologiques des proies de cétacés collectés lors de PELGAS, associés à l'examen des contenus stomacaux de cétacés échoués, ont été utilisés dans une étude sur le contenu énergétique des proies des cétacés (Spitz 2010). Ces travaux ont ensuite permis l'estimation des prélèvements de poissons pélagiques théoriquement réalisés par les prédateurs supérieurs. Le croisement des informations d'abondance de petits cétacés des survols, des compositions spécifiques issues de PELGAS, des besoins énergétiques de ces espèces et de la valeur énergétique de leurs proies ont également permis d'estimer que les petits cétacés du plateau continental prélèveraient entre 40 et 80 000 tonnes de poissons par an (merlu, sardine, tacaud, chinchard et anchois). Il reste cependant à définir explicitement quand et où ont lieu les interactions trophiques entre petits pélagiques et prédateurs supérieurs.

Un début de réponse a été apportée par une étude sur la corrélation spatiale entre les distributions de biomasse de petits poissons pélagiques et les distributions d'abondances de prédateurs supérieurs observées lors de PELGAS de 2003 à 2008 (Certain et al. 2011). Ces auteurs ont mis en évidence des corrélations spatiales entre les distributions moyennes de certaines espèces de petits pélagiques et les distributions moyennes de certains prédateurs. Ces associations spatiales proies-prédateurs étaient de plus cohérentes avec les paysages hydrologiques du golfe. La corrélation spatiale entre proies et prédateurs au sein de ces associations était cependant très variable à l'échelle de l'année. Cette forte variabilité temporelle dénote vraisemblablement l'existence d'interactions trophiques complexes entre les petits poissons pélagiques et leurs prédateurs, certainement influencées à la fois par les dynamiques des populations respectives et par le forçage de l'environnement.

Lambert et al. (2019) ont montré que la co-occurence spatiale à fine échelle de la mégafaune et de leurs proies (petits poissons pélagiques) pendant PELGAS était influencée par leurs traits fonctionnels, et que les proies avaient un comportement d'évitement en présence des cétacés, mais pas des oiseaux.

Des échantillons biologiques prélevée lors de PELGAS ont été utilisés dans une étude de la variabilité spatio-temporelle des isotopes stables issus de tous les niveaux trophiques et d'une grand variété d'habitats du golfe de Gascogne (Chouvelon 2011) Cette étude a noté une grande variabilité des compositions isotopiques aux niveaux spécifiques, spatiaux et temporels, ce qui invite à récolter les échantillons isotopiques dans des zones et des périodes temporelles très circonscrites, faute de quoi, on risque de confondre les effets des variabilités spatio-temporelle et inter-spécifiques (Chouvelon et al. 2012).

Les estimations de biomasse d'adultes et les cartes de distribution d'oeufs d'anchois issues de PELGAS ont été utilisées afin de calibrer et valider le modèle complexe de simulation de pêcherie ISIS-FISH (Lehuta et al. 2013), puis d'évaluer l'efficacité de scénarios de gestion de la pêcherie d'anchois (Lehuta et al. 2010). L'impact potentiel des pêcheries sur les cétacés a également été étudié au moyen de modèles de réseaux trophiques basés sur des données collectées lors de PELGAS (Lassalle et al. 2012).

7. Intégration de la campagne

La campagne PELGAS est rattachée au « Système d'Information Halieutique » du département Ressources Biologie et Environnement de l'Ifremer. La campagne est menée dans le cadre de la Data Collection Framework européenne, afin de fournir les données utiles à la gestion des pêches communautaires. Les résultats sont utilisés par les groupes de travail du Conseil International pour l'Exploration de la Mer (CIEM) WGHANSA, qui évalue les stocks de sardine, anchois, et chinchard et WGWIDE qui évalue les stocks de maquereau, merlan bleu, etc.

La campagne est coordonnée au niveau international dans le cadre du groupe de travail CIEM WGACEGG, auquel participent la France, l'Espagne, le Portugal, le Royaume-Uni et l'Irlande. Ce groupe de travail a pour mission de standardiser les méthodes d'évaluation de biomasse par acoustique et oeufs (Doray et al. 2021) et de mettre en commun les résultats, afin de proposer des cartes d'abondance d'adultes et d'oeufs de petits poissons pélagiques homogènes couvrant le plateau continental de Gibraltar à l'Irlande. Le groupe produit également des cartes d'autres indicateurs écosystémiques déjà collectés dans le cadre des différentes campagnes : paramètres hydrologiques et abondance de prédateurs supérieurs (ICES 2011).

8. Perspectives

L'approche écosystémique de PELGAS, novatrice à ses débuts, se retrouve aujourd'hui en phase avec la nouvelle Directive cadre Stratégie pour le Milieu Marin (DCSMM) européenne qui vise à estimer globalement la « bonne santé » des écosystèmes marins.

L'objectif à court terme de PELGAS est d'une part de collecter des données pour les descripteurs de la DCSMM et d'autre part de produire des indicateurs de l'état de l'écosystème pélagique du golfe de Gascogne. La campagne peut en effet  fournir, en plus des évaluations de stock de petits pélagiques, des données brutes et des séries d'indicateurs supplémentaires sur l'hydrologie, les sels nutritifs, le phytoplancton, le zooplancton, la distribution spatiale des petits poissons pélagiques (adultes et oeufs) et la mégafaune sur l'ensemble du plateau du golfe de Gascogne et à l'échelle de l'éco-région.

Une approche fonctionnelle pourrait être appliquée à l'étude des interactions entre tous les compartiments de l'écosystème, afin de mettre les corrélations statistiques à l'épreuve des processus écologiques. Cela nécessiterait de collecter de nouvelles données, notamment sur les mouvements des organismes.

L'originalité de la campagne PELGAS est de collecter en routine des données dans tous les compartiments de l'écosystème pélagique du Golfe de Gascogne (Doray et al 2018a). L'analyse compartiment par compartiment de ces données a permis de produire les nombreuses connaissances sur le fonctionnement spécifique de chacun des compartiments résumées ici et l'impact de la pêche. Cependant l'existence de cette base de données unique de données écosystémiques a également permis de réaliser une analyse trans-compartiments pour caractériser globalement la dynamique spatio-temporelle de l'écosystème pélagique du Golfe de Gascogne au printemps. Cette approche innovante a nécessité le développement de méthodes de comparaison et d'analyse intégrée des données cartographiques et des indicateurs tirés des données PELGAS. Les résultats ont été publiés en 2018 dans un numéro spécial de Progess in Oceanography.

Parallèlement, des campagnes de recherche technologique « PHOENIX » ont été menées  par l'équipe PELGAS afin de continuer à tester et développer de nouveaux capteurs (acoustique large bande, corps remorqué ondulant, etc.) et méthodes de traitement (imagerie planctonique ...) plus automatiques, afin d'augmenter encore la quantité de données écosystémiques collectées en routine lors de PELGAS. La campagne pourra ainsi continuer à remplir son double rôle : sentinelle de l'écosystème pélagique Gascogne dans un monde changeant et pourvoyeuse de données, de connaissances et de concepts pour alimenter les modèles écosystémiques.