1. Les séquences Holocènes prélevées pendant la campagne P.I.C.A.S.S.O, complétées des carottes AMOCINT le long du Gardar et dans la fracture de Charlie Gibbs ont permis d'obtenir deux types d'information en mettant à profit le sédiment non perturbé prélevés grâce au carottier CASQ du Marion Dufresne. Les sites étudiés se trouvent tous dans l'eau de débordement Islande-Faeroe.
Une première étude du transect a permis de montrer la distribution spatiale des traceurs magnétiques (Kissel et al., 2009). Depuis la source en magnétites au nord constituée par le seuil riche en produits terrigènes dérivés des basaltes, jusqu'au sud de la ride de Reykjanes, la concentration en grain magnétique diminue. En parallèle avec cette diminution du flux magnétique, une réduction progressive de la taille des grains magnétiques a été observée (Figure 1). Il s'agit donc de l'illustration d'un transport détritique par la masse d'eau de débordement Islande-Faeroe, à partir du source unique jusqu'en amont avec dépôt progressif des particules d'abord nombreuses et relativement grossières puis plus fines. C'est la première fois qu'un ensemble de résultats magnétiques le long d'un « sediment drift » permet de mettre en évidence cette dynamique. Le corollaire de cette étude est qu'en tout point le long de la masse d'eau, la concentration en grains magnétiques peut être utilisée comme indicateur des changements d'intensité de la masse d'eau de débordement, composante principale de la masse d'eau profonde nord-Atlantique.

Suite à cette étude, grâce à des modèles d'âge très détaillés, l'étude de la variabilité temporelle de la masse d'eau profonde NE Atlantique a pu être étudiée en trois des sites précédents (Kissel et al., 2013). La variabilité à long-terme de l'eau de débordement Islande Faeroe ainsi décrite en ces trois sites répartis du centre du Gardar jusqu'à la fracture de Charlie-Gibbs est remarquablement similaire. Elle montre qu'elle peut être reliée aux différents épisodes climatiques reconnus en Atlantique nord tout en apportant des informations quant aux mécanismes invoqués (Figure 1). La variabilité à court terme, et notamment pendant la période entre 9 et 8 ka B.P. a pu être aussi étudiée et discutée en terme de ralentissement très significatif et changement de profondeur de la masse d'eau principale. Cette étude montre pour la première fois sur trois sites différents une remarquable similarité des résultats quant à l'évolution de la masse d'eau profonde NE Atlantique (Figure 1).

Figure 1: À gauche, diminution en concentration et en taille des grains magnétiques au fur et à mesure de leur transport et de leur dépôt le long du parcours de l'eau profonde Nord-Est Atlantique. Les modèles d'âges ici sont très peu détaillés (Kissel et al., 2009). À droite : variabilité temporelle de la dynamique de l'eau profonde NE Atlantique au cours de l'Holocène basée sur des échelles d'âge très détaillée, à partir de l'étude de trois sites (mêmes couleurs que sur la carte de gauche) (Kissel et al., 2013).

2. Les études de paléoproductivité des carottes au large du Portugal et du plateau de Voering montrent que leurs variations ne sont pas en phase entre les latitudes moyennes et les hautes latitudes notamment pendant l'Holocène et l'interglaciaire 11. Les études au large du Portugal montrent de plus des événements abrupts de forte productivité au moment des transitions (terminaisons 1, 2, 4 et 5) et une productivité plus faible pendant les interglaciaires que pendant les glaciaires. Les changements de paléoproductivité au large du Portugal, principalement liés à la variabilité des flux verticaux de nutriment, sont en accord avec l'enregistrement de d¹³C benthique. Les périodes de faible ventilation sont caractérisées par une forte productivité suggérant ainsi une relation étroite entre la productivité océanique et les changements de l'intensité de l'Atlantic Meridional Overturning. Par ailleurs, en supposant que le Tore Seamount est représentatif du gyre subtropical nord-Atlantique, les nouvelles informations obtenues sur ces relations entre la paléoproductivité et l'intensité de l'Atlantic Meridional Overturning montrent nettement l'importance, pour contraindre les modèles climatiques, d'estimer précisément la biomasse totale dans les zones à faible nutriments.

3. L'étude à haute résolution des isotopes de l'oxygène portés par les foraminifères planctoniques, du rapport Mg/Ca et des assemblages de foraminifères a été menée sur une série à très haute résolution temporelle couvrant le dernier interglaciaire dans l'Eirik drift au sud du Groenland (taux de sédimentation moyen : 34 cm/kyr) (Irvali et al., 2012). Les résultats indiquent que les eaux de surface au sud du Groenland étaient au dernier interglaciaire plus chaudes d'environ 3 à 5°C qu'aujourd'hui.
Ces températures anormalement élevées ont régné pendant la première partie du stade 5^e avant d'être interrompues entre 124 et 126 ka par un épisode froid (Figure 2). Un réchauffement progressif a ensuite eu lieu jusqu'à des valeurs légèrement inférieures aux valeurs pre-événement. Un minimum de d ¹⁸O pendant l'événement froid indique que celui-ci est accompagné d'une arrivée d'eau douce. Il a été ainsi suggéré par Irvali et al. (2012) que dans la zone d'étude, les cycle hydrologique du gyre sub-polaire a subi des variations impliquant des arrivées d'eau douce du Groenland et l'influence du courant froid est- Groenlandais. La nature de ces transitions hydrographiques suggèrent qu'elles reflètent la dynamique de la circulation à grande échelle, amplifiée par les événements de font du Groenland.

Figure 2. Variabilité hydrologique de surface pendant le stade 5^e au sud du Groenland. From Irvali et al. (2012).

4. Les données obtenues sur les carottes AMOCINT prises au large des Açores montrent que la position du Gyre nord Atlantique sub-tropical (STG) a été étroitement couplé à l'intensité de l'AMOC au cours de la dernière déglaciation et de l'Holocène. Pendant les périodes froides (LGM, H1, YD, preboréal et 8.2 ka), le STG était déplacé vers le sud, vraisemblablement en raison de rejets d'eau douce atteignant des latitudes aussi basses que celle de nos sites des Açores à 38°N. De plus, une extension méridionale de la East North Atlantic water (ENAW) a conduit à un refroidissement de 4.5- 6°C par rapport au présent alors que la chaleur était stockée en sub-surface, au moins pendant le YD et que les eaux profondes étaient refroidies d'environ 2°C. Pendant la période chaude du Bølling/Allerød et au début de l'Holocène, le STG était situé plus au nord. Depuis 7 ka, les enregistrements sont stabilisés sur des valeurs modernes, montrant l'influence de la formation de la Labrador Sea Water.

Par ailleurs, des périodes de productivité forte sont observées synchrones avec les périodes d'AMOC réduit et ceci est vérifié à différentes échelles de temps (de l'orbital au décadal) à l'exception du sous- stade 5.5 qui présente une forte productivité. Ceci peut être mis en relation avec un transport de long du courant des Açores de la masse d'eau subantarctique (SAMW), riche en nutriment et avec le front de l'upwelling des Açores.