La campagne Gyrafor-A-2008 avait pour objectif de déterminer la distribution verticale du microplancton carbonaté le long d'un transect entre la gyre oligotrophique SO Pacifique et le Pacifique équatorial. Le but de cette campagne était de pouvoir identifier la distribution spatiale et verticale des espèces cryptiques et morphologiques de foraminifères, qui sont les marqueurs les plus utilisés en paléocéanographie.

Au cours de cette campagne, nous avons échantillonné le long d'un transect Sud-Nord le long du méridien 162°30'E de 26°S à l'équateur. A chaque station, nous avons effectué un profil T,S, chlorophylle sur les 400 mètres sur une profondeur de 0 à 400 mètres. Pour chaque station nous avons prélevé du microplancton carbonaté (foraminifères planctoniques) par des traits de filet stratifiés (MultiNet, maille 100µm) soit verticaux, soit obliques en fonction des conditions de mer. Pour chaque station, un minimum de 9 intervalles de profondeur ont été échantillonné. Ces traits de filet à plancton ont été doublés pour certaines stations afin de pouvoir isoler les cellules de foraminifères planctoniques à bord sous stéréomicroscope, et les préserver dans un tampon pour leur analyse génétique ultérieure. Nous avons également effectué des profils hydrographiques T,S, oxygène dissous aux mêmes stations (de 0 à 500 m), et prélevé des échantillons d'eau de mer à différentes profondeurs correspondants aux échantillons de filet à plancton. Ces échantillons d'eau de mer serviront à déterminer le d18O de l'eau de mer, le d13C du CID, et également à caractériser la nannoflore planctonique. Enfin, nous avons effectué des traits de filet WP2 (maille 63 µm) à toutes les stations afin d'établir la diversité d'un dernier groupe du zooplancton, les radiolaires.

Figure 1 : Carte de la campagne GYRAFOR-A sur l'Alis.

1 - Ecologie des foraminifères planctoniques

Les échantillons et données obtenues lors de la campagne GYRAFOR-A ont permis de déterminer précisément l'écologie des foraminifères planctoniques ainsi que leur taxonomie. Les deux principaux résultats obtenus jusqu'à présent par cette étude, sont (i) la détermination de la profondeur de vie des morphotypes de G.ruber dans l'océan Pacifique Sud. Nous avons pû montrer que le morphotype G.ruber s.s. vit dans la couche de mélange océanique, alors que le morphotype G.ruber s.l. vit plutôt sous la couche de mélange. Cette distribution offre la possibilité de faire des reconstitutions océaniques de la thermocline au cours du passé dans la mer de Corail (Regoli, thèse en cours) ; (ii) la découverte d'un nouveau type de Pulleniatina obliquiloculata vivant exclusivement dans la warm pool et qui offre également la possibilité de contraindre l'extension spatiale de la warm pool au cours du temps (voir 2.3).

Lors de la campagne GYRAFOR-A nous avions pû confirmer l'existence d'une ségrégation verticale des deux morphotypes de foraminifère de l'espèce Globigerinoides ruber. Dans le cadre de la thèse de Fabienne Régoli, celle-ci a appliqué le thermomètre Mg/Ca à ces deux morphotypes dans une séquence sédimentaire couvrant les 800 000 dernières années (Régoli et al., soumis).

2- Diversité cryptique des foraminifères planctoniques

Les études achevées sur les foraminifères prélevés au cours de cette campagne s'intéressent à la caractérisation génétique des foraminifères prélevés. Plusieurs espèces clés en paléocéanographie ont été étudiées : G. sacculifer (André et al., 2013); P. obliquiloculata (Ujiie et al., 2012) et G. ruber (Ujiie et al, in prep.).

• G. sacculifer, une exception chez les foraminifères

Globigerinoides sacculifer, l'espèce de foraminifère planctonique équatoriale à subtropicale la plus abondante dans les eaux de surface et les sédiments, a fait l'objet d'une étude de sa diversité cryptique {Andre:2012di}. Contrairement à toutes les autres espèces de foraminifères, celle-ci ne montre pas de diversité ribosomique marquée, un cas unique chez les foraminifères planctoniques, alors même que cette espèce est ancienne (Miocène). Il n'est donc pas possible d'interpréter les morphotypes de cette espèce comme dérivants de la diversité cryptique, et les causes de cette diversité morphologique ne sont pas encore élucidées.

Figure 2 : Phylogénie de G. sacculifer (André et al. 2013).

• Pulleniatina obliquiloculata

L'étude de la diversité génétique chez P. obliquiloculata a montré la présence dans l'océan Pacifique Ouest d'un type  présent uniquement dans la warm pool - type 2B (Ujiie et al., 2012). La forte diversité ribotypique dans la warm pool, ainsi que la présence endémique de ce type 2B dans la warm pool impliquent une diversification dans des masses d'eau assez homogènes, pour laquelle le mécanisme est encore inconnu et ne semble pas être lié à des épisodes de réorgansation de la circulation océanique majeurs.

Figure 3 : Distribution des types de P. obl. le long du transect de GYRAFOR-A.

• Orbulina universa

Cette espèce a été analysée par R. Morard dans sa thèse qui a développé un modèle de reconnaissance des espèces cryptiques basé sur la distribution de la porosité (Morard et al. 2010). Les tests prélevés dans GYRAFOR ont fait l'objet d'une analyse géochimique qui montre des effets vitaux en fonction de chaque espèce cryptique (thèse R. Morard). Tous les foraminifères prélevés constituent une base de données qui reste exploitable pour les prochaines années. Nous avons terminé la partie génétique pour G. sacculifer, O. universa,  G. ruber, P. obliquiloculata. Les autres espèces restent à être analysées pour des synthèses globales, leur abondance dans l'océan Pacifique ne permettant pas de développer des analyses statistiques robustes.

3. Phylogénie et écologie des radiolaires

Y. Ishitani (SB Roscoff)  a étudié des colonies de radiolaires du groupe des Collodaria extraites à bord de la campagne de GYRAFOR. Les échantillons de GYRAFOR, ainsi que deux autres provenant du Pacifique Nord et Méditerranée ont permis de réviser la phylogénie moléculaire de ce groupe, qui n'est pas fossilisable. Ainsi, au sein des Collodaria, quatre familles sont distinguables et correspondent à des critères liés à la (1) la présence de colonies, (2) la forme du noyau et (3) la présence de coquilles siliceuses (Ishitani et al., 2012).