Un total de 101 opérations de dragages et de chalutages a été réalisé. Les tris effectués après tamisage dans l'eau ont permis de séparer la faune jusqu'à la maille de 1 mm et de séparer les principaux groupes zoologiques. Les mollusques ont fait l'objet d'une attention particulière d'une part parce qu'ils seront barcodés et d'autre part pour sélectionner les cônes et les térebres pour leurs venins. Ainsi 114 spécimens vivants de cônes et et de térebres appartenant à 22 espèces ont été capturés. Certains d'entre eux ont été disséqués à bord pour isoler l'appareil venimeux. Les spécimens et leurs venins ont été conservés en azote liquide. Les venins sont étudiés par des techniques de résonance magnétique nucléaire permettant de classer les molécules selon leur poids et d'établir pour chaque espèce une « signature moléculaire ». Une fois isolée, chacune de ces centaines de molécules est étudiée pour sa toxicité. Le génome complet de certains cônes est en cours d'obtention. De nombreuses espèces de mollusques ont fait l'objet d'une fixation spéciale destinée au projet Barcode of life. Une collection de crustacés a été constituée. Les autres organismes ont également été récoltés et ont ensuite été intégrés aux collections du MNHN.
Études des venins de cônes de grandes profondeurs de Nouvelle-Calédonie
Les cônes (Gastropoda: Conidae) sont des mollusques marins venimeux dont il existe plus de 700 espèces connues. Leur venin, qui est extrêmement complexe, a fait l'objet de nombreuses études biochimiques, aboutissant à la découverte de nombreux peptides biologiquement actifs. Ces travaux ont conduit à la mise sur le marché en 2005 du Prialt, un médicament utilisé comme anti-douleur. Malgré leur intérêt potentiel, les cônes profonds sont restés hors du champ de recherche des biochimistes qui ne savent pas comment accéder à ce matériel biologique. CONCALIS est donc une campagne réunissant des experts de la biodiversité marine et de la recherche médicale dans un projet pluridisciplinaire. Cette étude est réalisée avec les Laboratoires Atheris (Genève) dans le cadre du projet européen CONCO. Elle a pour objectif l'échantillonnage de cônes vivants, à des profondeurs de 100-1000 mètres, pour étudier la nature de leurs venins. Les résultats attendus de cette recherche sont la découverte de nouvelles familles de molécules d'intérêt biomédical, afin d'identifier des peptides naturels candidats au développement de nouveaux médicaments. Des études comparatives des venins et de leur composition par spectrométrie de masse (chémotaxonomie et évolution moléculaire) ont réalisées, avec un feed-back vers la caractérisation moléculaire des différentes espèces de cônes.
Au total, près de 150 spécimens vivants de cônes et autres Conoidea appartenant à 31 espèces différentes ont été échantillonnés. Les spécimens et leurs venins ont été conservés en azote liquide. Le venin de plusieurs spécimens a été traité et sous-fractionné par chromatographie liquide en phase inverse pour les soumettre à des tests d'activités biologiques. Les glandes à venins de cinq espèces ont été soumise à un séquençage transcriptomique des ARN messager (NextGen RNAseq) afin d'obtenir une cartographie exhaustive de ce que la glande produit en peptides. En particulier, le venin de Comitas murrawolga (Turridae extrêmement rare dont le venin n'avait jamais été exploré) a révélé une forte activité biologique sur le récepteur à acétylcholine de type apha-7 lors de tests d'activité par électrophysiologie. Le peptide a été isolé et sa structure élucidée par séquençage chimique d'Edman et grâce au transcriptome de sa glande à venin comme appartenant à une nouvelle famille structurelle avec 39 acides aminés et structuré par 3 ponts disulfures. Le peptide a été synthétisé, comparé à la forme naturelle et soumis à des tests d'activité biologique approfondis révélant une sélectivité pour le récepteur alpha-7 avec une puissante activité (IC50) de 110 nM. La structure tridimensionnelle du peptide est actuellement en cours d'élucidation par spectroscopie de résonance magnétique nucléaire. Ces travaux ont été présentés lors de plusieurs conférences internationales et feront l'objet d'une publication dans un journal à fort facteur d'impact. À terme, ces recherches renseigneront sur la variabilité intra- et inter-espèces, ainsi que sur la pression sélective qu'un biotope peut exercer sur l'hypervariabilité des venins. Une question qui se pose est notamment de savoir si la profondeur est un facteur sélectif dans la composition moléculaire des venins.
Résultats récupération des casiers
Deux problèmes ont été rencontrés : les bouées étaient déjà remontées en surface, de plus les casiers en acier inoxydable étaient largement dégradés. En ce qui concerne la faune, la colonisation n'était pas très abondante. Nous avons trouvé des mollusques (principalement des patelles), des crustacés (galathées et amphipodes), des annélides, des oursins. On n'a rien trouvé sur l'os de baleine, les cornes de cerfs et les becs de nautile. Les plumes étaient presque complètement dégradées. La carapace de tortue était fortement colonisée par des petites moules (ci-dessous).
Les bois étaient les substrats les plus colonisés. Ils étaient assez diversement dégradés (certains étaient intacts, d'autres très dégradés, et suivant les bois le type de dégradation n'est pas le même). Vu l'état de certains bois mais le peu de faune dessus, une impression générale est que la faune est passée et déjà partie. Seule une des essences a été colonisée par les bivalves foreurs. Ces échantillons sont venus complétés les expériences précédemment menées en Nouvelle-Calédonie et au Vanuatu. Ces échantillons ont notamment permis de montrer que les espèces de mytilidés associées au bois coulés pouvaient indifféremment utiliser les débris végétaux ou animaux.