Le secteur cartographié, d'orientation générale WSW - ENE, s'étend de Dieppe à l'Ouest à Criel-sur-Mer à l'Est, sur une longueur de 16,5 km. Dans le sens transversal, ce secteur a une largeur comprise entre 3,5 km au droit de Dieppe et 3 km au droit de Criel (7 km), soit une superficie totale de 55 km² environ. Au cours de la mission Bencaux, 470 kms d'enregistrements sonar ont été réalisés.
Localisation des profils sonar et sondeur multi-faisceaux réalisés lors de la mission Bencaux de Dieppe à Criel-Sur-Mer.
22 stations ont été échantillonnées à l'aide de la benne Hamon à raison de 3 réplicats par station, d'une surface unitaire de 0,125 m². Les points de prélèvements ont été répartis dans les différents faciès morpho-sédimentaires définis à partir de la mosaïque d'images sonar.
Répartition des prélèvements faunistiques réalisés à la benne Hamon.
1. Compartiment sédimentologique
Le levé réalisé en 2008 confirme les principales caractéristiques mises en évidence lors des levés précédents, comme l'influence du substrat rocheux et l'orientation des transits sédimentaires. Il apporte également des connaissances complémentaires sur les mécanismes sédimentaires. On peut en particulier affiner la zonation du secteur étudié. Ainsi, le compartiment oriental peut être subdivisé en :
- un platier rocheux, qui prolonge l'estran, et se termine vers 2 à 3 m de profondeur par un abrupt rocheux plus ou moins marqué,
- les fonds sableux peu profonds,
- l'alignement des amas caillouteux.
Ces deux ensembles sont susceptibles de s'envaser notablement, mais de manière transitoire
Le volume sédimentaire accumulé en pied d'abrupt est également variable le long de cet abrupt : aux abords ouest de la centrale, le sable est accumulé en volume tel qu'il masque totalement l'abrupt rocheux, et « déborde » sur l'estran, dans la continuité de l'accumulation sableuse observée sur l'estran lui-même (plage de Penly). L'alimentation de la plage et les échanges sédimentaires entre plage et petits fonds sont donc possibles dans cette configuration. La continuité granulométrique entre sables de pied d'estran et des petits fonds marins témoigne de ces échanges.
À l'Est de la centrale de Penly, par contre, la hauteur apparente de l'abrupt est plus importante et les volumes sédimentaires en pied d'abrupt semblent bien moindres, ce qui a pour conséquence des échanges beaucoup plus difficiles, voire absents.
Dans ce secteur des petits fonds de Penly, la bonne correspondance entre l'imagerie sonar et la granulométrie des sédiments, liée à l'utilisation de la benne Van Veen, permet de montrer un début de structuration de la côte vers le large. On observe ainsi :
- des sables fins plus ou moins envasés près de la côte,
- des amas caillouteux parfois surmontés d'une couverture sablo-vaseuse,
- des sables grossiers coquilliers un peu plus au large,
L'évolution du site ou plutôt la « variabilité » de la couverture sédimentaire n'est pas un phénomène continu au cours du temps, et les variations se produisent probablement en un laps de temps assez court, de l'ordre de quelques jours (effet des tempêtes) à quelques mois (mécanismes d'accumulation par beau temps), de manière analogue aux ensablements constatés dans le chenal. L'influence des facteurs météorologiques est probablement importante.
Alors que lors du levé de 2004, la forte extension de sables grossiers modelés par des mégarides de houle, dans des fonds essentiellement sableux en 2000, avait été interprétée comme une destruction par la houle du classement vertical du sédiment, qui amène en surface des sédiments plus grossiers et hétérogènes, à teinte sombre sur les sonogrammes, le levé de 2008 peut être interprété comme un levé « de beau temps ». L'absence quasi-généralisée de sédiments grossiers ridés, l'extension relative des surfaces sableuses, l'aspect diffus de certaines limites de placages sableux, plaident en faveur d'un granoclassement vertical qui s'établit progressivement, en liaison avec des conditions de faible agitation. A cela s'ajoute aussi le nombre important de traces d'engins de pêche, pas ou peu dégradées, qui indiquent un faible remaniement du fond par la houle.
L'identification de fonds grossiers colonisés par des peuplements biologiques de densité suffisante pour être détectés au sonar vient confirmer le développement des peuplements de crépidules sur le site. Ce développement se traduit par une multiplication de petites zones colonisées, plutôt que par l'extension de zones déjà colonisées. Le chalutage intense sur le site pourrait être un facteur de cette dissémination de petites zones colonisées.
Carte des formations superficielles aux abords de Penly réalisée suite à la campagne Bencaux.
Les résultats de ce levé sont intégrés dans la synthèse hydrobiologique du site électronucléaire de Penly (Drévès et al., 2010), dont le chapitre 4, le domaine benthique - le volet sédimentologique, reprend l'ensemble des résultats acquis sur le site depuis 1988. Ce travail de 2008 est aussi utilisé pour caler les résultats du levé de sismique réflexion réalisé en juillet 2010 afin de mesurer les épaisseurs sédimentaires aux abords du site de Penly, jusqu'à une profondeur d'une dizaine de mètres.
2. Compartiment faunistique
La densité faunistique moyenne 2008 est inférieure à celles enregistrées lors des trois campagnes précédentes. Cette diminution concerne surtout les bivalves et les annélides polychètes sédentaires. Le nombre d'individus comptabilisés varie de 45 à 3284 individus par m². Cette étude 2008 confirme l'existence de variations importantes d'abondance de certaines espèces, phénomène déjà constaté suite aux missions précédentes. L'une des explications de ces fluctuations tient dans le caractère hydrodynamique agité de ce secteur côtier. Abstraction faite des cirripèdes, les stations les plus abondantes sont situées respectivement à l'Ouest et à l'Est de la zone étudiée. Les stations les plus abondantes ont toutes un point commun : la présence du mollusque Crepidula fornicata, espèce la plus nombreuse dans les prélèvements de cette mission Bencaux. Son extension géographique se poursuit, ce gastéropode est désormais présent sur toute la zone étudiée.
Les crustacés, les annélides polychètes et les mollusques sont les groupes les plus abondants. Les crustacés, bien représentés sur toute la zone d'étude sont essentiellement représentés par les cirripèdes Balanus crenatus. L'abondance de Lanice conchilega, polychète familier des sables fins plus ou moins envasés est nettement inférieure à celle de 2000. Abra alba, autre espèce caractéristique de ce même peuplement, reste le bivalve le plus nombreux et le plus fréquent sur toute la zone d'étude.
Au niveau des groupes trophiques, les suspensivores dominent largement. C'est à ce groupe trophique qu'appartiennent les cirripèdes et les crépidules. A eux seuls, ils composent respectivement 77 % et 13 % du groupe des suspensivores. 16 % des individus collectés appartiennent au groupe des déposivores. Ce groupe trophique est composé principalement d'annélides polychètes sédentaires (56 %) et de bivalves (35 %) dont surtout Abra alba (34 %). Les carnivores représentent 12 % des individus. Ce groupe est essentiellement composé d'annélides polychètes errants (64 %) et de cnidaires 18 %.
Densité par station (nombre d'individus par m²).
La richesse spécifique reste stable, en effet en 2008 comme en 2004 la moyenne par station s'élève à 23 espèces par m². Au total, 167 taxons ont été observés. La diversité est plus importante chez les annélides polychètes (78 espèces ont été répertoriées composées par 41 errants et 37 sédentaires) suivi par les crustacés (43 espèces, dont 18 décapodes et 17 amphipodes) et enfin les mollusques (27 espèces dont 20 bivalves). La répartition par groupe taxonomique est relativement stable par rapport à la campagne 2004. A noter une légère augmentation de la diversité chez les crustacés décapodes (+ 6) et un appauvrissement chez les amphipodes (- 6 espèces) et les annélides polychètes (- 5 espèces). Au niveau de la diversité des espèces par groupe trophique, les carnivores dominent. Les dépositivores se situent en seconde position. Les suspensivores et les nécrophages présentent une faune moins diversifiée.
La biomasse de matière organique totale est en baisse par rapport aux années précédentes. Les suspensivores, bien représentés par les crépidules et les cirripèdes, dominent. La biomasse de matière organique chez les carnivores représente 35 % de la biomasse totale. Elle est essentiellement composée par la biomasse de l'echinoderme, Asteria rubens. L'analyse faunistique de cette campagne confirme l'organisation de différents peuplements en lien avec la granulométrie du substrat. Ainsi, les 22 stations ont été regroupées en cinq unités :
- Le peuplement des sables vaseux concerne uniquement la station 3, située dans la partie occidentale de la zone d'étude.
- Le peuplement des sables fins à moyens, plus fréquemment rencontré lors des échantillonnages, regroupe dix stations situées sur une bande côtière longeant la centrale de Penly.
- Le peuplement des sables moyens intéresse deux stations situées entre Dieppe et la centrale.
- Le peuplement des sables grossiers est observé pour une station devant la centrale et pour deux stations plus au large.
- Le peuplement des cailloutis est composé de deux stations à l'est de la zone d'étude, de deux stations à l'Ouest près de Dieppe et de deux stations près de la centrale. La faune est plus abondante dans les sables vaseux (nombreux Gastéropodes dont Crepidula fornicata) et les cailloutis (nombreux crustacés : Balanus crenatus). Les sables moyens restent les substrats les plus pauvres. Les peuplements des cailloutis et des sables fins abritent une faune diversifiée, notamment chez les annélides polychètes.
Peuplements en lien avec la granulométrie du substrat.