L'ensemble des données continues à terre et en mer a été validé, en particulier les corrections horaires. La mise en forme pour les travaux de sismique active et de sismologie passive a été réalisée en 2008 et 2009.
Une liste de 500 séismes localisés par les réseaux terrestres en France et en Italie a été constituée pour servir de base à l'extraction des segments d'enregistrement d'événements (Fig. 2). Les traces correspondant à toutes les stations du réseau terrestre et marin ont été extraites, rangées sous forme de base de données dans le logiciel SEISAN et analysées. La densité du réseau et surtout les données des OBS permettent une localisation plus fiable de certains de ces événements (Fig. 3). Une attention particulière a été apportée aux quelques événements ayant eu lieu en mer pour lesquels les données permettent nettement une meilleure localisation.

Une étape suivante de ce travail a été l'évaluation des capacités de détection offertes par le réseau GROSMarin, en particulier en mer. Pour cela, une analyse systématique a été réalisée avec un algorithme de détection d'événements par analyse spectrale sur base d'ondelettes développé au laboratoire (Sukhovich et al., 2011). Ce travail a mis en évidence 41 événements microsismiques non détectés par les réseaux à terre, ce malgré une activité sismique très faible pendant toute la durée de l'expérience. Ceci souligne donc l'intérêt d'une détection conjointe de la sismicité à terre et en mer qui est un des piliers du projet.

Fig. 2. Séisme du 25 juillet 2008 à 11h49 sur les composantes verticales de quelques stations terrestres italiennes et françaises et quelques OBS. Le séisme est dans les Alpes italiennes, mais très visible sur l'ensemble du réseau.

Fig. 3. Carte préliminaire de sismicité sur la zone Alpes du Sud-Marge Ligure durant l'expérience GROSMarin. Les cercles figurent les événements localisés par les réseaux permanents français. Les losanges figurent les événements localisés par les réseaux français et italiens et localisés à l'aide de toutes les stations terrestres et marines utilisées durant l'expérience. Les événements détectés dans les deux cas sont liés par un segment, illustrant la différence de localisation résultant de l'utilisation du réseau dense complet.

Un autre volet de l'exploitation des données sismologiques porte sur l'analyse et l'exploitation des événements télésismiques par le réseau GROSMarin. Dans la cadre de la thèse de C. Joubert sur le développement et l'utilisation des capteurs sismologiques MERMAID (direction : G. Nolet et A. Deschamps ; soutenance : février 2015), une tomographie lithosphérique dans une région comprise entre la Corse et les Alpes du Sud est en cours de réalisation. Les données de la campagne GROSMarin, en particulier les données marines, sont utilisées avec les données des réseaux locaux permanents français et italiens pour compléter les données enregistrées par 3 capteurs MERMAID déployés en Mer Ligure au début de l'année 2014 et qui ont dérivé vers le Golfe du Lion. Pendant la période couverte par l'enregistrement passif de GROSMarin, 70 séismes de magnitude supérieure à 5.6 ont eu lieu à des distances télésismiques. Parmi ceux-ci, 26 événements ont été sélectionnés et sont exploités dans l'inversion (qui repose sur un total de 200 environ couvrant une dizaine d'années). La publication de ces résultats devrait se faire durant l'année 2015, à la suite de la soutenance.

Fig. 4. Diagramme de couverture de la zone de jonction Alpes- Ligure-Corse par les ~200 événements télésismiques utilisés dans l'inversion tomographique en cours de réalisation par C. Joubert dans le cadre de sa thèse. 26 de ces événements ont été enregistrés par le réseau GROSMarin qui contribue significativement à densifier la couverture dans la bassin ligure.

Concernant les acquisitions sismiques de GROSMarin, un travail substantiel a été fait durant la thèse de S. Simon, dont il a fallu reconstituer le fil afin de le finaliser. Ce travail comprend le pointé des données de tirs sur les 17 OBS remontés (4 stations perdues) et sur 29 stations terrestres, soit un total de 177600 temps de première arrivée. Les résultats de bonne qualité obtenus par inversion linéarisée de ce jeu de temps d'arrivées l'avaient été à partir d'un modèle 3D ad-hoc reprenant une structure de type océanique dans le bassin et de type continental à terre avec une zone de transition intermédiaire. Cette approche a été objectivée de la façon suivante : une série de 220 inversions tomographiques a été réalisée à partir de modèles de départ 1D paramétrés en termes d'épaisseurs crustales et sédimentaires ainsi que de vitesses variables au toit et à la base de ces couches (continuité des vitesses, discontinuités des gradients). À partir des modèles résultants ont été tiré un modèle d'écart-type et un modèle moyen. Ce modèle moyen « objectif » a été utilisé comme modèle de départ de l'inversion finale. Celle-ci a permis une réduction du résidu moyen à 110.50 ms. Le modèle d'écart-type fournit un estimateur des zones du cube de vitesses plus ou moins bien contraintes. Les résultats de cette approche sont synthétisés sur la Fig. 5. Ces résultats montrent clairement le soulèvement de la marge de ~1km environ à l'Est (isocontours à 6 km/s sur les profils transverses à 107.5 et 120 km). Ils montrent également l'épaississement crustal sous la marge jusqu'à une épaisseur de 20-25 km à la ligne de côte ainsi que la faible variabilité latérale de la structure, en particulier dans le bassin où un ré-entrant du domaine océanique sur le domaine transitionnel était proposé sur la base d'études précédentes et n'est pas confirmé par la nôtre. Une version préliminaire de ce travail a fait l'objet d'une première publication (Dessa et al., 2011). Reste à réaliser les tests finaux de résolution dans ce modèle et à croiser les résultats avec des données coïncidentes de sismique réflexion (campagne MALIS, Rollet et al., 2002). Nous comptons être en mesure de soumettre ces travaux à publication courant 2015.

Enfin, un dernier axe de nos travaux actuels porte sur le développement d'un modèle crustal de la jonction Alpes- Ligure sous Géomodeller? (géomodeleur du BRGM). Ce travail consiste à intégrer l'ensemble des contraintes publiées disponibles sur la zone afin de constituer un modèle structural précis (Fig. 6) en étendant vers le bassin Ligure le modèle élaboré par Dimitri Schreiber (UNS) durant sa thèse (Schreiber et al., 2010). Ce modèle est ensuite être converti en vitesses sismiques en utilisant l'ensemble des contraintes trouvées dans la littérature, reposant sur de l'exploration sismique ou sismologique, dont en particulier notre modèle de vitesse de GROSMarin, décrit ci-dessus. Un modèle régional 3D des vitesses est ainsi constitué, rassemblant l'ensemble des contraintes publiées, et doit servir à localiser la sismicité avec plus de précision que les localisations réalisées jusqu'ici avec un modèle 1D moyen, faiblement représentatif des variations structurales de région. Une première approche de ce travail a été réalisée par S. Simon et le modèle obtenu a déjà servi à une relocalisation de la sismicité de la dernière décennie ; celle-ci a été obtenue avec la méthode MAXI (Theunissen et al., 2011) dans le cadre du programme SI- Hex (Resp. : N. Béthoux pour la zone Alpes du Sud-Ligure). Comme pour le reste des travaux de S. Simon, ceci a dû être repris après son départ. Pour  cela,  nous  collaborons  avec  les  développeurs  du  logiciel  Géomodeller (G. Courrioux et A. Guillen) afin d'y implémenter des algorithmes géostatistiques qui prennent en compte l'hétérogénéité et la diversité des contraintes de vitesses disponibles. L'objectif est de créer un modèle lithosphérique régional, évolutif, appelé à s'enrichir à mesure que de nouvelles contraintes y seront intégrées.

Fig. 5. (A) « Boîte » tomographique cartésienne 3D avec le dispositif d'acquisition et la bathymétrie/topographie. Le rectangle en tireté figure la zone bien contrainte couvertes par les tirs et les récepteurs et à laquelle sont restreints les profils figurant sur les panneaux (B) et (C). (B) Série de profils perpendiculaires à la marge coupés à travers le modèle de vitesse tomographique aux coordonnées indiquées sur le repère local figuré en (A) ; les modèles de vitesses sont dans la colonne de gauche et à droite, les modèles d'écarts-types sur ces vitesses. (C) Série de profils horizontaux coupés à travers le modèle aux profondeurs indiquées, avec modèles d'écarts-types correspondants.

Ce travail est maintenant bien avancé. Le modèle résultant est utilisé pour localiser la sismicité avec un accent particulier sur la période d'instrumentation de GROSMarin, afin d'évaluer l'apport du réseau en mer en termes de précision de la localisation (meilleure couverture azimutale) et d'influence du modèle de vitesse utilisé en fonction de cette couverture azimutale. Une publication est actuellement en cours de rédaction sur ce volet spécifique de SI-Hex et de GROSMarin (Béthoux et al., in prep).

Fig. 6. Modèle lithosphérique de la zone de la zone Alpes du Sud-Bassin Ligure incluant la Corse, développé sous Geomodeller et incluant l'ensemble des contraintes structurales disponibles sur cette zone. Ce modèle, converti en vitesses sismiques - grâce entre autres à notre modèle tomographique sur la marge Nord-Ligure - doit permettre une amélioration significative de la qualité des localisations d'événements sismiques.