La campagne GYRAFOR B 2007 a permis de valoriser le transit du Marion-Dufresne de Kaohsiung (Taïwan) à La Réunion. Les objectifs scientifiques de cette campagne étaient de collecter du plancton carbonaté dans une gyre subtropicale afin d'étudier la distribution verticale des espèces morphologiques et cryptiques de foraminifères planctoniques, ainsi que celle des coccolithophoridés. Durant cette campagne, 21 stations ont permis de collecter 2766 cellules de foraminifères pour leur analyse génétique, 166 échantillons de plancton pour l'analyse morphologique et géochimique, plus de 50 bouteilles d'eau pour l'analyse des isotopes stables et 103 filtres pour l'analyse des coccolithophorides.

La première contribution de cette campagne a été la mise en oeuvre du filet MultiNet midi à bord du Marion Dufresne, alors que les équipes françaises n'avaient pas encore l'expertise de cette technique en routine. Au cours de cette campagne, nous avons développé une approche adaptée au Marion, en adaptant le MultiNet avec des protections spécifiques. Si à la fin de la campagne, tous les filets à bord étaient déchirés en raison de la houle, nous avons néanmoins réussi à obtenir suffisament de matériel pour l'étude de l'écologie du microplancton carbonaté. Depuis cette première mise en oeuvre, le filet a été déployé en routine au cours des campagnes OISO (3 campagnes), FORCLIM (4 campagnes), GYRAFOR-A et MONOPOL.

Figure 1 : carte de localisation des stations de la campagne GYRAFOR-B.
 

1. Ecologie des foraminifères planctoniques

Les comptages de foraminifères le long du transect ont permis de mettre en évidence les principaux paramètres contrôlant la distribution des foraminifères planctoniques. Les espèces les plus abondantes dans l'océan Indien subtropical sont G. menardii, G. sacculifer et P. obliquiloculata. L'abondance totale des foraminifères décroît drastiquement d'Est en Ouest, de 2500 foraminifères/m³ dans l'océan Indien oriental contre seulement 770 ind/m3 à l'Ouest. Cette tendance est corrélée à un approfondissement de la thermocline et du maximum profond de chlorophylle.

Les assemblages de foraminifères ne montrent pas de patron de distribution très caractéristique en profondeur : la plus grande partie des foraminifères vit en effet dans la couche de mélange de surface, avec des pics d'abondance juste au dessus du maximum profond de chlorophylle, mais en restant dans la couche de mélange. Nos résultats sont contradictoires avec les études précédentes qui indiquaient au contraire un maximum d'abondance des foraminifères au niveau du maximum profond de chlorophylle. Ainsi, les espèces P. obliquiloculata et G. menardii qui sont utilisées couramment en paléocéanographie pour reconstruire les variations environnementales dans la thermocline, vivent préférentiellement dans les eaux mélangées de surface et subsurface, et ne sont donc pas forcément les meilleurs indicateurs de la thermocline.

La synthèse des comptages faits dans l'océan Indien le long du transect de GYRAFOR-B doit être publiée avec les comptages effectués dans le Nord de l'océan Indien, des foraminifères issus de la campagne MONOPOL 2012, campagne effectuée dans l'Hémisphère Nord pendant la même saison, ce qui permet de s'affranchir de l'effet de saisonnalité.

2. Diversité cryptique des foraminifères planctoniques

Les études achevées sur les foraminifères prélevés au cours de cette campagne s'intéressent à la caractérisation génétique des foraminifères prélevés. Plusieurs espèces clés en paléocéanographie ont été étudiées : G. sacculifer (André et al., 2013); P. obliquiloculata (Ujiie et al., 2012) et G. ruber (Ujiie et al, in prep.).

• G. sacculifer, une exception chez les foraminifères

Globigerinoides sacculifer, l'espèce de foraminifère planctonique équatoriale à subtropicale la plus abondante dans les eaux de surface et les sédiments, a fait l'objet d'une étude de sa diversité cryptique {Andre:2012di}. Contrairement à toutes les autres espèces de foraminifères, celle-ci ne montre pas de diversité ribosomique marquée, un cas unique chez les foraminifères planctoniques, alors même que cette espèce est ancienne (Miocène). Il n'est donc pas possible d'interpréter les morphotypes de cette espèce comme dérivants de la diversité cryptique, et les causes de cette diversité morphologique ne sont pas encore élucidées.

Figure 2 : Phylogénie de G. sacculifer (André et al. 2013).
 

• Pulleniatina obliquiloculata

L'étude de la diversité génétique chez P. obliquiloculata a montré la présence dans l'océan Indien de 2 types différents (Ujiie et al., 2012). Ces deux types ne correspondent pas à des niches écologiques clairement déterminées, et par exemple le type 1 a été trouvé à la fois dans la couche de mélange de surface et dans la thermocline (Fig. 3).
Tous les foraminifères prélevés constituent une base de données qui reste exploitable pour les prochaines années. Nous avons terminé la partie génétique pour G. sacculifer, O. universa,  G. ruber, P. obliquiloculata. Les autres espèces restent à être analysées pour des synthèses globales, leur abondance relative dans l'océan Indien ne permettant pas de développer des analyses statistiques robustes.

Figure 3 : Distribution de P. obl. type 1 le long du transect de GYRAFOR-B.
 

3. Coccolithophoridés

Tous les échantillons prélevés à bord ont été préparés, mais les filtres ne conservaient plus de coccolithes/coccolithophoridés. La cause est sans doute un séchage incomplet des filtres. Au cours de la campagne GYRAFOR-A, le protocole a été modifié avec l'ajout d'un dessicant permettant la préservation des coccolithophorides.