Enrichissement du lagon sud à partir de remontées d'eau océanique

La mission a débuté à un moment favorable alors que le vent qui soufflait du nord-ouest s'orientait sud-est (alizés). Ensuite, ce vent de sud-est se maintenait autour de 15 Noeuds en moyenne puis s'orientait franchement vers l'est en s'intensifiant à la fin de la mission (30-40 noeuds)  Les mesures de température montrent clairement que les vents entraînent un refroidissement des eaux de surface entre les deux cornes sud. Il s'accompagne d'une remontée de la nitracline vers la surface (Figure 1). La combinaison des alizés et d'une onde interne générée par les courants de marées entraîne également un refroidissement et un enrichissement en sels nutritifs des eaux de profondeur moyenne et de fond au-dessus du plateau récifal. La signature de ces eaux est non seulement caractérisée par une température basse (température de 21°4 à 70 m au fond des eaux du lagon sud qui est comparable à celle rencontrée dans l'océan autour de 150 m de profondeur), mais aussi par une valeur du rapport Azote/phosphore des eaux (N/P) proche du rapport de Redfield (14-16). A 70 m, les concentrations de nitrates peuvent atteindre 2,6 µM. Les profils de fluorescence chlorophyllienne in vivo et les analyses pigmentaires par spectrofluorimétrie (chlorophylles et phycoérythrines) montrent une augmentation de la biomasse phytoplanctonique entre les cornes consécutive à l'enrichissement. Les concentrations en phycoérythrines sont notamment multipliées par 5-10 à certaines stations. D'un point de vue dynamique, des échantillonnages horaires à trois stations fixes suggèrent des croissances brutes de 1-1.35 divisions par jour pour le phytoplancton (Neveux et al, 2010).

Fig. 1 : Remontées des nitrates entre les deux cornes récifales situées au sud de la Nouvelle-Calédonie. L1 = situation au début de la campagne; L2 Situation consécutive à l'intensification des alizés.

Modélisation hydrodynamique de la circulation dans les cornes sud du lagon de Nouvelle-Calédonie

En ce qui concerne la circulation des eaux, une première information a été obtenue grâce au suivi des bouées dérivantes :

• Suivi N° 1 (largage en T4 à marée descendante), les bouées tendent à quitter le lagon sud en se dirigeant vers le chenal des Loyautés puis rebroussent chemin à l'inversion de marée. L'effet des marées descendantes suivantes est moins marqué et les bouées se déplacent vers l'ouestsud ouest. Après 24 h, 3 bouées sont échouées sur les récifs.
• Suivi N° 2 (largage en T4 à marée montante). Là encore l'effet de la marée descendante est peu marqué (ralentissement de la migration vers l'Ouestsud ouest. Après 24 h, l'ensemble des bouées est échoué sur les récifs.

En ce qui concerne le modèle hydrodynamique, il permet d'étudier les deux grands forcings agissant sur le lagon, c'est-à-dire la marée et le vent.  Il a été établi à partir de mesures issues 1) des marégraphes installés en différents points du lagon par le SHOM et l'IRD, 2) des courantomètres doppler mesurant les courants sur une grande partie de la colonne d'eau et placés dans plusieurs endroits du lagon sud, 3) de la bathymétrie des zones mal hydrographiées. Ces données ont été utilisées d'une part pour étudier les courants dus à la marée sous la forme d'ellipse de courant, et d'autre part pour la comparaison directe des courants mesurés et calculés. Dans ce cas, l'effet des deux forçages a pu être comparé. Enfin, les trajectoires issues du modèle ont été confrontées aux trajectoires réelles fournies par les bouées dérivantes.

La comparaison entre les différentes amplitudes et phases des ondes calculées et mesurées à partir des marégraphes est bonne. La propagation des ondes et l'évolution de leur amplitude sont bien représentées par le modèle.
La comparaison à partir des ellipses de marée permet de valider et de montrer que le modèle calcule des courants de marée corrects pour l'onde M2 qui représente une grande partie du signal. Par contre la période sur laquelle ont été réalisées les mesures n'est pas suffisante pour discriminer les autres ondes. Il est nécessaire pour valider le modèle de comparer directement les mesures in situ et les résultats du modèle.

L'ensemble des indices utilisés pour la comparaison des courants instantanés mesurés dans le lagon grâce à des courantomètres doppler avec les  courants calculés par le modèle montre un bon accord entre les deux. Le modèle reproduit donc correctement les courants mesurés même s'il en sous estiment légèrement les valeurs maximales. On peut en conclure que le modèle hydrodynamique est bien calé et validé (Figure 2) en fonction du vent et de la marée puisque ces deux forçages qui ont été introduits dans le modèle conduisent à des résultats conformes.
Les bouées dérivantes et les trajectoires dérivantes montrent généralement une bonne cohérence. Par contre dès que les 2 solutions se séparent trop il n'est plus possible de les comparer.

En conclusion, l'ensemble des tests et comparaisons effectués pour cette étude montre que le modèle représente correctement les données de terrain qui ont été collectées.

Fig. 2 : Courant par marée de vives-eaux à Marée basse + 5 heures (Fond). Carte réalisée dans le cadre du contrat GORO Nickel (contrat N° 1142) et de la campagne ECHOLAG. Source: modèle hydrodynamique Mars3D (IRD-Nouméa). Référentiel géographique:WGS-84

Flux particulaire mesuré à l'aide de pièges à sédiments dans le canal de La Havannah

La campagne de mesures effectuée dans le Canal de La Havannah montre que, pour les trois stations (P/T4B, P/T4C et P/T5B), les flux de matière en suspension sont, dans l'ensemble très comparables d'un site à l'autre mais extrêmement variables à l'intérieur de la période de collecte (Figure 3). Les valeurs qui oscillent de 0,66 à 126,34 g/m²/j en P/T4B, de 1,52 à 93,16 g/m²/j en P/T4C et de 1,31 à 104,52 g/m²/j, présentent des valeurs maximales en milieu et fin de période de collecte, respectivement du 18 au 23/02/07 et à partir du 03/03/07.
 

Fig. 3 : Evolution comparative des flux de particules aux 3 stations du Canal de la Havannah.

Dans le Canal de La Havannah, les fortes augmentations constatées en fin de période de collecte sont à mettre en correspondance avec les quantités très importantes d'eau météoritique tombée au début du mois de mars : 185 à 363 mm/5 jours en fonction du site (3-7/03/07). Dans les trois sites, ces précipitations atmosphériques ont conditionné les flux de particules qui augmentent en réponse au lessivage des bassins versants de la Kwé, avec un léger effet retard. Cette charge particulaire semble demeurer en suspension plusieurs jours dans les eaux du Canal avant de pouvoir être évacuée et/ou sédimentée.

Les quantités de matières en suspension piégées en milieu de période de collecte (18-23/03/07) ne peuvent être reliées à des épisodes pluvieux de grande intensité comme au début mars, mais sont à relier à d'autres mécanismes. En effet, ces mécanismes  font intervenir les phénomènes de remise en suspension des débris récifaux générés par l'action des vents, notamment de secteurs sud,  sur la formation de houles ; la composition géochimique des particules prouve à l'évidence que l'origine marine est largement prépondérante puisque les teneurs en carbonates des MES peuvent dépasser les 90%.      

La modélisation hydrodynamique a pour but non seulement d'apprécier le rôle de l'océan dans la productivité du lagon sud mais aussi de simuler la dispersion des formes chimiques dissoutes et particulaires  qui devraient composer les effluents industriels de l'usine d'extraction du Nickel à Goro (mise en service dans les prochains mois). Un autre aspect très attendu de la modélisation est d'optimiser le suivi de l'environnement marin (création de nouvelles stations de prélèvement ou repositionnement des anciennes stations) dans le cadre de l'Observatoire du Grand Sud élaboré par la Province Sud de Nouvelle Calédonie (http://www.obs-environnement.nc/accueil) pour la surveillance des impacts miniers de Goro et la protection des aires du lagon inscrites sur la liste du Patrimoine UNESCO.

Nature du matériel particulaire collecté à l'aide de pièges à sédiments dans le canal de La Havannah et la baie du Prony

Les MES provenant du Canal de la Havannah (Figure 4) et de la Baie Kwé sont essentiellement constituées de calcite (calcite magnésienne et aragonite), et d'oxy-hydroxydes de fer (goethite et lépidocrocite). En revanche, les MES de la Baie du Prony contiennent principalement des composés détritiques issus des latérites (oxy-hydroxydes de fer et aluminium, kaolinite et gibbsite), les carbonates y sont plus faiblement représentés.
Aucune différence minéralogique significative n'a été observée qualitativement, entre les MES piégées en saison sèche et humide. Les analyses confirment la double origine terrigène et marine des particules annoncée lors de la définition de l'état de référence.

Fig. 4 : Image au microscope à transmission des MES collectées dans le canal de la Havannanh.