Deux études pré-campagne ont examiné d'une part le transport surfacique de l'ACC à partir de données altimétriques sous la trace 104 (Chouaib et al., 2006) et d'autre part la circulation dans la partie sud de cette trace à partir de 5 flotteurs ARGO piégés dans dans le bassin de Ona pendant plusieurs années (Barré et al., 2008). Sous la trace 104, le transport de l'ACC est concentré dans la partie nord du Passage de Drake (Bassin de Yaghan) et le transport surfacique associé au Front Polaire et celui associé au front subantarctique sont anti-corrélés (Chouaib, et al., 2006). Un mode de bassin basse fréquence (mois à pluriannuel) en hauteur d'eau (SSH) a été mis en évidence dans le bassin de Yaghan. Ce mode lié en partie à la position du front polaire conditionne l'existence d'un méandre qui contribue à fermer la circulation dans le bassin de Ona et donc au piégeage des flotteurs Argo (Barré et al., 2008). Les sorties du modèle MERCATOR (version PSI3V1) ont été comparées aux données hydrologiques recueillies pendant la campagne (Stoehr, 2006).
Les données des campagnes hydrologiques ont été placées dans leur contexte spatio-temporel grâce aux données satellitales. Les analyses des données de la campagne de 2006 sont publiées dans l'issue spéciale IPY de Deep Sea Research (Sudre et al., 2011, Barré et al., 2011, Renault et al. 2011, Provost et al., 2011) et ont contribué à un article de synthèse sur le Passage de Drake (Meredith et al., 2011).
La section a donc été répétée au travers le passage en moins de 3 semaines : il est totalement inédit de refaire la même section en allant jusqu'au fond en moins de 3 semaines. Notre idée était de faire de la validation fine de l'altimètre Jason mais les résultats ont été bien au-delà.
La comparaison avec l'altimétrie est détaillée dans Barré et al., (2011). Une méthode de détection des branches des fronts et des tourbillons a partir de l'altimétrie a été mise au point et validée avec les données in situ et les données couleur de l'eau. L'analyse de l'altimétrie a montré l'extrême importance de la topographie. Les tendances à long terme (18 ans) ne sont pas homogènes dans le Passage de Drake: il y a des effets régionaux causés par géométrie et bathymétrie.
La topographie contraint les branches des fronts, les oblige à converger en certains points et à diverger en d'autres. La topographie favorise récurrence de certains méandres et tourbillons. Ces structures récurrentes ont été examinées avec 18 ans d'altimétrie, citons en particulier le dipole quasi-annuel à l'entrée de DP, les tourbillons dans Bassin de Yaghan et de Ona dont la genèse et l'évolution ont été décrits. Les modes principaux de circulation et de leur contenu spectral ont été déterminés.
Haut : Schéma des positions des branches frontales et des tourbillons pendant la campagne DRAKE (positions déduites de l'altimétrie). En orange le front subantarctique (2 branches), en mauve le front polaire (3 branches), en vert le front sud de l'ACC (2 branches, et en noir la frontière sud. Les taches bleues représentent les tourbillons cycloniques majeurs et les taches rouges les tourbillons anticycloniques. Les isolignes de bathymétrie vont de 4000 à 1000 m avec un intervalle de 500 m. La ligne noire diagonale représente la trace de Jason-1.
Bas : Image composite du 17 au 24 janvier 2006 de la concentration en Chlorophyll-a (mg.m3) déduite de MODIS (résolution de 4 km). Les contours noirs représentent les branches de fronts de l'ACC et les tourbillons.
1. Transport
Nous avons obtenu les premières estimations de transport total depuis les années 1970s en particulier grâce à la précision des mesures LADCP collectées par beau temps. Les barres d'erreur sont faibles 8 Sv pour tout l'ACC et moins de 4 Sv pour chaque front. Ces estimations ont été faites à l'aller et au retour.
Malgré la modification de la position et de l'intensité de chaque front, par exemple le transport du PF est divisé par 2 en 10 jours, le transport total n'est pas fortement affecté (145 Sv and 138 Sv). Les valeurs historiques sont dans la barre d'erreur et les estimations de transport total ne permettent pas de distinguer de tendance (Renault et al., 2011).
Transport géostrophique total (en Sv) à travers le Passage de Drake. Les valeurs de 2006 137 ±7 Sv à l'aller et 129 ±7 SV au retour ont de petites barres d'erreur. La valeur moyenne de toutes les valeurs est représentée par la ligne verte et la deviation standard autour de cette moyenne est grisée. On ne peut distinguer de tendance.
2. Masses d'eau
Des différences considérables dans les propriétés (T, S, O2, traceurs) dans toute la colonne d'eau ont été observées entre les 2 sections séparées de 10 jours. Par exemple, même en dessous de 3000 m de l'ordre de 0.2°C en température, 0.01 en salinité, 10 µmol/kg en concentration d'oxygène dissous. Seule une partie de ces différences est attribuable aux mouvements des fronts ou des tourbillons. Une grande partie est due à l'hétérogénéité spatiale des propriétés en amont de la section et l'effet d'entonnoir dû à la topographie (Provost et al., 2011).
Différences en température (a) et salinité (b) entre l'aller et le retour. Les positions des branches des fronts et des tourbillons sont indiquées en rouge pour l'aller en bleu pour le retour.
Il faut donc, tout au moins dans cette région, ne pas interpréter des différences entre sections en terme de signal climatique
Les tourbillons jouent un rôle fondamental au niveau de la ventilation des masses d'eau dans cette région. D'une part dans le bassin de Yaghan les tourbillons contribuent à augmenter le taux de subduction dans le bassin de Yaghan (estimé à plus de 170 m / an) favorisant ainsi la ventilation de l'eau antarctique intermédiaire par l'eau d'hiver. D'autre part, les tourbillons froids peu salés et très oxygénés provenant du sud de la frontière sud recirculent activement dans le bassin d'Ona et contribuent à la ventilation de l'eau profonde circumpolaire.
Les données de courantomètres ont été récupérées lors des campagnes suivantes et ne sont pas mentionnées ici.