31 stations réparties dans les divers habitats (0-60 m de profondeur) caractérisant la zone ont été échantillonnées principalement en scaphandre autonome. Les petits fonds des platiers côtiers ont été prospectés en PMT. Les habitats échantillonnés sont essentiellement des habitats coralliens, récifs frangeants, récifs externes, formations récifales de lagon, des fonds de lagons, des algueraies et des herbiers de phanérogames. Ils reprennent les 14 unités morphologiques majeures inventoriées dans l'Atlas des récifs coralliens de Nouvelle-Calédonie [Andréfouët S, Torres-Pulliza, D. 2004 ; Atlas des récifs coralliens de Nouvelle-Calédonie, IFRECOR, Nouvelle-Calédonie, IRD, Nouméa, avril 2004, 26p +22 pl.]. La prospection a concerné les récifs et littoraux autour de l'île des Pins et le Banc de la Torche, plateforme récifale immergée par 50 m de fond et située au sud de l'île des Pins. Quelques stations ont également été prospectées à l'occasion des transits : à l'aller au sud de la passe de la Sarcelle et au retour à la Corne Sud à l'occasion de la relève des thermographes. La prospection intensive de sites jusque là peu étudiés a permis de récolter un abondant matériel renfermant de nombreux taxons originaux. La plupart des taxons anciens ont été récoltés à nouveau.
Avant cette expédition, les travaux sur la flore marine des récifs coralliens et des lagons de l'île des Pins étaient très fragmentaires et généralement anciens. Les plus anciennes collections sont celles constituées par Eugène Vieillard (1819-1896), et décrites par Kuetzing au milieu du 19ème siècle. La flore est caractérisée à la fois par des espèces tropicales et des espèces tempérées voire de régions froides telles l'Australie du sud et la Nouvelle-Zéalande avec des genres originaux comme Apjohnia et Melanthalia restreint à ces régions. On note une forte abondance de Rhodophyta (plus de la moitié des taxons) et une bonne représentation des Pheophycées traduisant l'affinité tempérée de cette région.
Les travaux de taxonomie sur cette flore sont loin d'être achevés compte tenu de la richesse spécifique et l'abondance insoupçonnée d'espèces nouvelles. Les travaux taxonomiques ont été réalisés en priorité sur les Phaeophycées (algues brunes) et notamment sur les la famille des Sargassées (Sargassum et Turbinaria) sur l'ordre des Dictyotales. Les sargasses de l'Ile des Pins ont été entièrement reconsidérées dans la révision générale du genre en NC (Mattio et Payri, 2009). L'espèce S. turbinarioides endémique à cette région a pu être récoltée et validée à l'aide d'analyse ADN.
L'ordre des Dictyotales s'est avéré particulièrement riche et diversifié dans les eaux tempérées de l'Ile des Pins. Des analyses morphologiques combinées aux analyses moléculaires (Bittner et al, 2008) ont révélé la présence de plusieurs espèces nouvelles dans les genres Padina, Dictyopteris et Distromium et de deux nouveaux genres en cours de description qui regrouperont des espèces endémiques de Lord Howe Island, récoltées en abondance au banc de la Torche (sud de l'IDP) à l'Ile des Pins et dans le Lagon Sud (canal de la Havannah et Canal Woodin) et placées dans les genres Distromium et Dictyopteris. Le genre Padina a fait l'objet d'une analyse phylogénique à l'échelle mondiale et renferme une demi-douzaine de nouveaux taxons pour la seule Nouvelle-Calédonie (Silberfeld et al, 2013). Les Chlorophyta sont relativement bien diversifiées avec plusieurs espèces appartenant aux genres Ulva et Umbraulva ce dernier genre abondant dans les récoltes profondes a été révélé par des analyses d'ADN (Frédéric Mineur données non publiées). Les deux familles tropicales et subtropicales Caulerpacées et Halimedacées sont abondantes, aussi bien sur les formations coralliennes que dans les fonds de lagons et font l'objet d'une étude particulière. Le genre Codium est bien représenté à l'Ile des Pins, les spécimens ont été intégrés à une analyse phylogénétique mondiale et les données concernant la Nouvelle-Calédonie sont en cours de publication en collaboration avec H. Verbruggen de l'Université de Ghent en Belgique. Les résultats ont fait l'objet d'une communication au IPC9 congres à Tokyo (Payri et Verbruggen, 2009). Enfin, les Rhodophyta ont fait l'objet de plusieurs études particulières : le genre Laurencia travaillé dans le cadre de la thèse de J. Martin-Lescanne ; le genre Gracilaria du groupe textorii, pour lequel plusieurs taxons ont été récoltés en NC et à l'Ile des Pins en particulier (Liu et al., 2009, Lin et al. 2012) enfin le genre Melanthalia. Dont la répartition est restreinte au sud de la Nouvelle-Calédonie, la Nouvelle-Zélande et l'Australie (Nelson et al,2013). Ces récoltes ont permis de réévaluer à l'aide de l'outil moléculaire, le travail taxonomique réalisé par Kuetzing sur les collections anciennes de Vieillard et repris récemment par Millar et Prudhomme van reine (2006). Enfin, les deux nouveaux taxons Pinnatiphycus menouii et Sebdenia cerebriformis signalés aux Loyauté et dans le lagon Sud ont été récoltés à l'Ile des Pins (N'Yeurt et Payri, 2006, 2008). Le travail taxonomique à réaliser sur cette classe est encore important compte tenu de l'abondant matériel biologique et nécessitera de nouvelle récolte et du matériel propre aux analyses ADN.
Bien que l'exploitation du matériel ne soit pas achevé, on peut dire que la flore marine de l'Ile des Pins s'apparente à celle récoltée dans le lagon Sud de la Grande-Terre avec plusieurs taxons signalés jusqu'à ce jour comme endémiques de Lord Howe et représente assurément la flore la plus riche et la plus originale de la Nouvelle- Calédonie.
Cette campagne a permis d'enrichir d'une part les collections de l'IRD et du Muséum national d'histoire naturelle et d'autre part la base de données de l'INPN du MNHN.