L'interprétation des signaux acoustiques enregistrés par les hydrophones autonomes a débuté dès le mois de novembre 2003, soit un mois après la fin de la campagne du RSS Discovery qui avait permis de récupérer les instruments. L'interprétation du catalogue de l'ensemble des événements a été conduite selon deux axes de travail principaux:

1. les périodes au cours desquels des séismes de plus forte magnitude avaient été enregistrés par les réseaux sismologiques mondiaux le long de la Dorsale Médio-Atlantique Nord ont été plus particulièrement examinées. Cette première approche a permis de valider les performances du réseau: les hydrophones ont permis de détecter et de localiser avec précision environ trente fois plus d'évènements, de magnitude > 2.5, que n'ont détecté les stations à terre. Des résultats nouveaux ont été obtenus sur la sismicité de la Dorsale de Reykjanes (Goslin et al., 2004; Goslin et al, 2005; Goslin et al.,2012).

2. Les signaux acoustiques enregistrés par les réseaux SIRENA et Sud-Açores, mouillés sur les flancs de la Dorsale Médio-Atlantique au nord et au sud du Plateau des Açores, ont été conjointement interprétés sur la période de fonctionnement simultané de ces deux réseaux (mi-mai 2002 à mi-avril 2003). Cette interprétation fournit un spectaculaire jeu de données (3042 évènements en dix mois!) permettant de déterminer les distributions spatiale et temporelle de la sismicité de faible magnitude sur l'ensemble de la section de la Dorsale Médio-Atlantique influencée par le point chaud des Açores (Dziak et al., WHOI, 2004; Goslin et al., WHOI, 2004; Goslin et al., AGU Fall Meeting, 2004; Goslin et al., 2012).

• La section de la Dorsale Médio-Atlantique située au nord de la Zone de Fracture Bight (représentant la majeure partie de la Ride de Reykjanes) apparaît comme la section la plus active au cours des seize mois d'observation. Six séquences sismiques ont été observées au cours de cette période, avec des durées allant de 1 à 4 jours. 917 évènements forment quatre de ces six séquences, la plus active totalisant 304 évènements en un jour et demi (alors que seuls 16 événements ont été détectés par les réseaux de stations à terre). (Goslin et al., 2004). On doit noter que ces six séquences représentent plus de la moitié des séquences observées au cours d'une période de 13 ans (1990-2003) par les réseaux mondiaux. Si la sismicité de la Dorsale de Reykjanes apparait relativement continue dans le temps, les crises sismiques majeures de cette dorsale lente apparaissent très irrégulièrement distribuées à notre échelle d'observation. Ce résultat est l'un de ceux qui justifient la poursuite des observations à long terme de la sismicité des dorsales lentes.

Pour la plus importante des séquences (qui a débuté le 6 oct. 2002), le nombre cumulé de répliques suivant l'évènement principal (mainshock) peut être décrit par une Loi d'Omori Modifiée, indiquant qu'un mécanisme tectonique est probablement à l¿origine de cette séquence. Il en est de même pour la première partie de la séquence de répliques du 1^er févier 2003. À l'inverse, les distributions temporelles du nombre des répliques constituant les deux autres séquences majeures conduisent à proposer une origine magmatique pour ces séquences. Nos résultats montrent donc que deux segments adjacents de la dorsale de Reykjanes peuvent être le siège de processus différents, tectoniques ou magmatiques, séparés par des intervalles de temps très courts (Goslin et al., 2005).

• Les travaux sur les essaims de séismes sont actuellement poursuivis sur onze essaims détectés uniquement par le réseau d'hydrophones SIRENA (Perrot et al., 2009; Goslin et al. 2012). 11 essaims comprenant chacun plus de 15 séismes ont été détectés et localisés entre 40°N et 50°N durant le déploiement du réseau SIRENA. Le nombre maximum d'évènement pour un essaim est de 40. La distribution des ''niveaux à la source'' (source levels ou SL) en fonction du temps à l'intérieur de chaque essaim permet une première distinction entre les essaims d'origine tectonique et ceux d'origine magmatique, ces derniers montrant des SL plus constants dans le temps. De plus, les essaims se produisant en ''contexte tectonique » montrent une distribution ''choc principal/répliques'', dont le nombre cumulé d'évènement en fonction du temps suit une Loi d'Omori Modifiée. La localisation des essaims tectoniques et magmatique est bien corrélée avec des régions où l'anomalie de Bouguer réduite au manteau (MBA) (Maia et al., 2007) est positive et négative, indiquant la présence d'une croûte mince/froide et épaisse/chaude respectivement.

Ces résultats montrent que l'analyse des données enregistrées par les réseaux d'hydrophones autonomes permet de caractériser les processus actifs à l'axe de la Dorsale Médio-Atlantique, dans une vaste gamme de longueurs d'ondes spatiales et temporelles.

• Environ 30 plus d'événements (3042) que ceux listés dans les catalogues des réseaux mondiaux (98) ont été localisés entre 10°N et 60°N -soit sur une section de la Dorsale Médio-Atlantique longue de plus de 5500 km -, avec des magnitudes comprises entre 2.5 et 4.5, entre le 1er juin 2002 et le 31 mars 2003 (Dziak et al., WHOI, 2004; Dziak et al., AGU, 2004). 829 séismes se sont produits à l'intérieur du réseau SIRENA (40°N-51°N) et 971 à l'intérieur du plus vaste réseau Sud-Açores (17°N-33°N).

Figure : Event catalog statistics: 6008 events. First event detected 1 June 2002 09:20:08.9 ; last even detected 19 Sept 2003 01:26:00.0.
Event locations: -54.09° < lat < 68.70° ; -089.26° < lon < 18.72°.
Event source levels: 186.99 dB < SL < 245.44 dB.

• La distribution de la sismicité le long de la dorsale peut-être caractérisée, au premier ordre, en calculant un histogramme du nombre de séismes en fonction de la latitude de leur épicentre. Un tel histogramme montre une tendance remarquable à grande longueur d'onde: le taux de sismicité diminue à l'approche des Açores et de l'Islande (atteignant un minimum de 10 évènements/d°) et culmine à 70 évènements/d° au voisinage de la zone de fracture Gibbs. Le niveau de la sismicité régionale est globalement plus faible au sud des Açores, avec des valeurs moyennes de 30 à 40 évènements/d° , qu'au nord du Plateau, où les valeurs moyennes sont toutes comprises entre 40 et 60 évènements/d°. La distribution des taux de sismicité est asymétrique, reflètant une influence également asymétrique du point chaud des Açores sur la Dorsale Médio-Atlantique. Ce schéma à grande longueur d'onde reflète bien celui des hétérogénéités de densité - et donc de température - observées dans le manteau supérieur en analysant les modèles de géoide et les modèles tomographiques globaux.

La distribution de la sismicité est également bien corrélée, aux grandes longueurs d'onde, à la profondeur à âge zéro de l'axe de la dorsale, à l'épaisseur de la croûte à l'axe, déduite de l'anomalie de Bouguer réduite au manteau (MBA), ainsi qu'aux anomalies de vitesse des ondes S dans le manteau supérieur, à une profondeur de 100 km. Ces observations confirment que le niveau de sismicité caractérise les variations de l'état thermique et rhéologique de la croûte le long de l'axe de la dorsale. Cet état étant lui- même lié au régime thermique du manteau supérieur, la distribution spatiale de la sismicité peut-être utilisée comme un observable supplémentaire pour caractériser l'influence des points chauds d'Islande et des Açores sur la dorsale lente médio-atlantique. Enfin, on doit noter que la sismicité est très variable dans le temps sur la période d'observation considérée de 16 mois (Goslin et al., AGU, 2004; Goslin et al., 2012).

• En résumé, l'interprétation conjointe des signaux acoustiques enregistrés par les réseaux d'hydrophones autonomes SIRENA (déployé au cours de la campagne SIRENA1-2002 et récupéré au cours de la campagne SIRENA2/D274-2003) et Sud-Açores, a permis de réaliser une surveillance de la sismicité de la Dorsale Médio-Atlantique sur plus de 50° d'extension en latitude. Cette section de la Dorsale comprend la totalité de la longueur sur laquelle elle est influencée par le point chaud des Açores.

Les distributions dans le temps et dans l'espace de la sismicité observée apportent des informations nouvelles sur les processus de l'accrétion à l'axe de cette dorsale lente et sur le régime thermique régnant dans le manteau supérieur sous-jacent.

L'utilisation d'hydrophones autonomes mouillés dans le canal SOFAR apparait comme une technique particulièrement performante pour l'observation à long terme de l'activité sismique des domaines océaniques (zones d'accrétion et domaines intraplaques).

3. Des outils méthodologiques ont été adaptés ou développés en utilisant les données des SIRENA. Il s'agit d'outil de conversion d'ondes élastiques en onde acoustique (Balanche et al.,2009) pour étudier l'efficacité de la conversion des ondes. Un outil de détection a été mis au point par A. Suckhovich et al. (soumis 2013) pour caractériser les types d' ondes enregistrées par les hydrophones dont les séismes.

Les rapports préliminaires des campagnes Sirena1 & Sirena 2/D274 et deux sites web destinés à un large public peuvent être consultés en suivant des liens depuis la page d'accueil de SIRENA : http://perso-sdt.univ-brest.fr/~goslin/reseaux_d_hydrophones/sirena