Les extractions de granulats marins font parties des principales activités s'exerçant depuis de nombreuses années sur le domaine côtier et la France est actuellement le 5ème pays européen par les volumes extraits annuellement (ICES WGEXT annual report 2018). Pour autant l'acceptabilité des projets d'extraction est très souvent sujette à polémique notamment en raison de ses effets (destruction du benthos, création d'un panache turbide, etc.) et de ses impacts potentiels sur les milieux (modifications des habitats, perturbation de la dynamique sédimentaire et incidence sur l'évolution du trait de côte, etc.). Si les effets des extractions ont fait l'objet de nombreuses études (Dalfsen et al., 2000 ; Birchenough et al., 2010 ; Degrendele et al. , 2010 ; Froján et al., 2011 ; Hussin et al., 2012 ; de Backer et al., 2014 ; de Jong et al., 2014 ; de Jong et al., 2015 ; Waye-Barker et al., 2015 ; Cooper and Barry, 2017 ; Desprez, 2000 ; Desprez et al., 2009 ; Le Bot et al., 2010 ; Duclos et al., 2013), peu se sont intéressées à la résilience des sites d'extraction à l'issue des travaux (Kenny et al., 1994 ; Boyd et al., 2004 ; Cooper et al., 2008 ; Foden et al., 2009 ; Frojàn et al., 2011 ; Desprez, 2000 ; Le Bot et al., 2010).

Le site d'extraction du Pilier, situé au large de l'estuaire de la Loire, a été travaillé entre 1986 et 2017, période pendant laquelle plus de 40 Mm³ de sables et graviers ont été prélevés, ce qui a conduit à la création d'une souille de près de 2,5 km² et atteignant au maximum 7-8 m de profondeur à l'ouest de la concession. Les suivis environnementaux mis en oeuvre réglementairement (levés financés par les concessionnaires et réalisés par des bureaux d'étude), dont un levé de fin de travaux réalisé en 2017, ont montré des modifications de la nature des sédiments superficiels en raison d'une part de la présence dans le gisement de sédiments plus grossiers en profondeur et mis à jour suite à l'extraction et d'autre part d'un affinement de la granulométrie ayant conduit à un changement de communauté benthique. Ce site était un des premiers sites d'extraction, d'envergure, fermé à l'extraction et sur lequel plus aucun prélèvement de granulats n'allait donc être réalisé. Il semblait de ce fait particulièrement bien adapté pour démarrer un programme d'acquisition de connaissance sur la capacité de résilience d'un site soumis à pression anthropique.

Ce projet visait donc à acquérir les données nécessaires afin de suivre et d'observer la capacité (ou non) de résilience physique et biologique d'un site soumis à pression anthropique.

Les travaux réalisés correspondaient à une reproduction à l'identique (ou avec quelques adaptation selon contraintes rencontrées) des opérations menées lors des campagnes réalisées aux automne 2020, 2021 et 2022 et aux printemps 2021 et 2022 afin d'obtenir des données de suivi répétitives pour l'observation de la résilience du site.

Il s'agissait de procéder à l'acquisition de données acoustiques bathymétriques (SMF EM2040) et de réflectivité des fonds (Sonar à balayage latéral Klein 3000) avec une couverture complète sur l'ancien site d'extraction et un champ de dunes situé à l'est du périmètre ainsi que des profils disjoints vers le large, pour suivre les apports amonts à la souille, et en direction de la côte afin d'évaluer l'évolution de la dynamique sous influence ou non de la souille ainsi que les éventuels apports issus de la Loire. Des prélèvements à la benne Shipeck ont également été réalisés pour la calibration des images acoustiques. 56 points de bennes ont été réalisés aux mêmes positions (en 2020, 2021 et 2022) afin de suivre l'évolution de la nature des fonds sur ces stations. Afin d'avoir une estimation des types de dépôts accumulés et de leur épaisseur nous avons mis en oeuvre un carottier Küllenberg (en mode gravitaire et piston) et un carottier d'interface Fantacore (pas de Ronanberg lors des missions en 2022) sur des stations définies comme prioritaires pour la caractérisation de la faune benthique ou les objectifs du projet (zone de forte perturbations, zone d'accumulation).

L'évolution de la faune benthique a été suivie sur 7 stations (avec CTD et vidéo) prélevées avec une benne Day (avec 7 réplicats) et sélectionnées selon les caractéristiques suivantes :

• Dans la concession au sein de la souille principale atteignant 8 mètres d'excavation (x2) ;
• Dans la concession et au sein du tout premier périmètre ayant été autorisé à l'extraction dès 1986 (x1) ;
• Dans la concession et à proximité des derniers secteurs ayant été exploités (x1);
• Hors de la concession, dans un secteur soumis à influence de dépôt du panache turbide (x1) ;
• Hors de la concession, en limite périphérique dans une zone où des phénomènes de rééquilibrage des pentes de la souille peuvent être attendus (x1) ;
• Hors de la concession, sur une station dite de référence localisée en amont des apports sédimentaires du large (x1).

Afin de caractériser les processus hydro-sédimentaires, nous souhaitions pouvoir combiner des mesures haute fréquence des processus sédimentaires (flux de matière en suspension et flux charriés) aux mesures basses fréquences de la dynamique sédimentaire appréhendées grâce aux relevés bathymétriques successifs.

A l'automne 2020, nous n'avions pas été en mesure de déployer le mouillage sur zone, en raison de la perte du matériel au cours de la mission SOLIBOB et qui devait, après reconditionnement, être déployé sur le site. De plus, seuls 2 jours de travaux sur zones (au lieu de 4) avaient pu être réalisés en raison de mauvaises conditions de mer. Toutefois une stratégie d'acquisition avait été mise en oeuvre (dans l'urgence) et avait permis de récolter :

• Des mesures des paramètres de température, salinité, turbidité, MES et tailles des particules en deux points fixes dans et hors de la souille à différents moments de la marée;
• des mesures de courant à l'aide d'un ADCP tracté en traversant la souille par la zone la plus profonde d'ouest en est, à différents moments de la marée;
• des mesures expérimentales de mesure du charriage de sable ont été réalisées à l'aide d'un hydrophone déployé sur le fond chargé « d'écouter les grains de sable ». La structure, également munie d'un turbidimètre, a été déployée juste à l'extérieur de la souille pendant les 2 journées de travail.

A l'automne 2021 un mouillage (un retour du Comité Local des pêches, nous avait informé du risque de croche pour un mouillage déployé hors concession, lié à la pratique du chalutage sur le site d'étude), comprenant un ADCP, un turbidimètre et un altimètre avait été déployé au centre de la souille et des profils CTD à la même position pendant 1 cycle de marée (13h) et durant 2 journées consécutives avaient été réalisés. Ce mouillage a été récupéré au printemps 2022.