Malgré un contexte sismique classé comme modérément actif, une crise de sismicité majeure frappe la région de Mayotte depuis mai 2018. Plus de trente séismes de magnitude supérieure à 5.0 ont été enregistrés ainsi que des signaux très basses fréquences monochromatiques enregistrés par de nombreuses stations sismologiques mondiales. Ce phénomène de grande ampleur est associé à une importante déformation de l'ile (subsidence et déplacement horizontal) et à un volcanisme sous-marin actif exceptionnel au large de l'est-Mayotte découvert lors des travaux « de suivi de crise ». L'île est actuellement sous surveillance (programme REVOSIMA).

Mayotte est considérée comme étant l'ile la plus ancienne de l'archipel des Comores, d'âge Miocène à Holocène. L'archipel, d'origine volcanique, est situé entre le bassin de Somalie à croûte océanique d'âge Crétacé et le bassin des Comores d'âge Mésozoïque dont la nature crustale est encore largement débattue. La cause du volcanisme des Comores reste elle-même controversée, entre point chaud et anomalie thermique régionale associés à une composante tectonique et au jeu de grandes failles lithosphériques. La connaissance géologique limitée du territoire maritime de la région des Comores n'a pas permis de statuer sur le contexte géologique et géodynamique de cette région, laissant sans réponse les questions suivantes : sur quelle architecture de bassin se construit la nouvelle structure volcanique sous-marine active, et sur quel type de croûte/lithosphère s'est installé l'archipel des Comores ? Où se situe la Transition Océan-Continent dans le nord du Canal du Mozambique ? Quelle est la cause de cette crise sismo-volcanique de grande ampleur ? S'agit-il d'un phénomène purement magmatique ou en relation avec un événement tectonique (activation ou réactivation de structures) ? Quel est le rôle de l'héritage ? Comment s'inscrit cette crise actuelle dans la géodynamique régionale du Canal du Mozambique ? L'archipel des Comores est il associé à une limite de plaques et/ou à une zone de déformation intraplaque diffuse ? Comment s'inscrit cette déformation actuelle dans le contexte géodynamique régional?

La campagne SISMAORE vise à combler ce déficit de connaissances régionales, une condition indispensable pour comprendre l'activité actuelle sismo-volcanique exceptionnelle et la replacer dans un schéma plus global. La campagne s'appuie sur les dernières observations effectuées onshore et offshore pour le suivi de crise (projets TELLUS INSU/CNRS MAYOTTE, REVOSIMA). En complément de ces programmes de « suivi de crise », tous concentrés dans l'est-Mayotte, SISMAORE a un caractère stratégique plus régional et cible plus particulièrement les bassins sédimentaires autour des iles volcaniques de l'archipel, lieux d'enregistrements privilégiés de la déformation actuelle et ancienne. La campagne SISMAORE apportera des données essentielles aux travaux financés dans le cadre du projet COYOTES (ANR  2020-2024), incluant trois thèses, un post-doc, sept Masters II et une quarantaine de participants, mais aussi quelques analyses.

Pour répondre aux questions posées, nous proposons une acquisition de données géophysiques et géologiques à l'échelle régionale dans l'archipel des Comores, en ciblant plus particulièrement la plaine abyssale autour de la zone sismo-volcanique active Est Mayotte.

L'acquisition de nouvelles données géophysiques permettra d'imager le fond-marin jusqu'à la base de la croûte, en utilisant trois types de sismique de pénétration et résolution complémentaires. Les profils sismiques de type sondeur de sédiments (SDS) et de type sismique rapide (SISRAP) imageront en détail l'architecture de la couverture sédimentaire (au moins superficielle) et permettront d'identifier et de caractériser les structures tectoniques et/ou volcaniques, dont certaines seraient liées aux séismes récents et/ou historiques. Ces données viendront compléter les observations à terre des déformations tectoniques récentes observées sur les différentes iles (Mayotte, Anjouan). Les profils sismiques multitraces (SMT) régionaux imageront l'ensemble de la couverture sédimentaire mais aussi le socle jusqu'au Moho. Associés aux levés gravimétriques et magnétiques, ces données renseigneront sur la structure crustale des bassins des Comores et de Somalie, sur la transition entre ces deux bassins ainsi que sur les relations bassins/archipel volcanique des Comores. Les données géologiques (carottages, dragages) fourniront la lithologie et les âges des structures et des dépôts superficiels, et serviront à la quantification des mouvements verticaux et à la compréhension des flux sédimentaires récents. Nous profiterons des carottages pour effectuer des mesures de flux de chaleur pour tenter d'apporter des informations sur la structure thermique de la lithosphère. Les données SISMAORE à l'échelle régionale complèteront les données acquises lors des campagnes MAYOBS et idéalement celles prévues lors des campagnes Geo-flamme (2021) et MyVista Refraction ride ciblées sur la zone sismo-volcanique active de Mayotte.

Dans l'objectif de mieux comprendre le contexte géodynamique de l'Archipel des Comores, indispensable à la gestion des risques de cette région dont l'actuelle crise sismo-volcanique de Mayotte, la campagne d'acquisition SISMAORE, financée par la FOF, le BRGM et le projet ANR-COYOTES, s`est déroulée du 23/12/2020 au 11/02/2021 à bord du navire océanographique Le Pourquoi Pas?. L'équipe embarquante est multi-organismes et multi-Instituts nationale et internationale : BRGM, ISTEP-Sorbonne Université, BGR, CNRS, ENS-Paris, EPOC, GET, GeoAzur, Ifremer, IPGP, LOG, Université de La Réunion, UCA/LMV, IPGS-EOST-Université Strasbourg, Université des Comores. Cette campagne a bénéficié d'un soutien des équipes à terre.