Le plateau marginal de Demerara prolonge vers le large la marge continentale du Suriname et de la Guyane française, à des profondeurs de 1000 à 3000 m. La structure de ce plateau est issue d'une histoire géologique polyphasée, avec la formation successive d'une marge divergente orientale au Jurassique, puis au Crétacé des marges divergente à l'Est et transformante au Nord. La nature du soubassement du plateau a été révélée en 2016 par les résultats de deux campagnes à la mer : DRADEM (dragages) et MARGATS (sismique multitrace et grand angle). Elles ont montré que la marge Jurassique était une marge divergente magmatique, le socle du plateau étant constitué d'un empilement de corps magmatiques sur plus de 20 km d'épaisseur. Les échantillons recueillis indiquent que le magmatisme était associé à un point chaud actif à 173 Ma. Les reconstructions cinématiques suggèrent qu'il s'agit du même point chaud qui se trouvait au centre de la Central Atlantic Magmatic Province (CAMP) à 200 Ma.

A l'image d'un plateau océanique, la croûte du plateau marginal de Demerara s'est donc construite par l'accumulation de matériaux magmatiques, non pas au milieu d'un océan mais sur un pied de marge continentale divergente. Ce plateau marginal représente de plus un exemple très particulier où le même point chaud aurait successivement contrôlé les deux épisodes de rifting à la fin du Lias puis au Crétacé inférieur.

Le plateau de Demerara présente également des processus de surfaces spécifiques. Il forme un saillant bathymétrique à la jonction entre Atlantique équatorial et Atlantique central. Cette morphologie dévie et accélère les courants de fonds (North Atlantic Deep Water (NADW) notamment), qui contrôlent un système sédimentaire dominé par les contourites. Il en résulte des structures bathymétriques de très grandes tailles (champs de rides longitudinales, comètes géantes) dont la répartition et les modes de développement semblent contrôlés par la morphologie héritée de glissements gravitaires successifs (en aval d'une cicatrice d'arrachement que l'on peut suivre sur 350 km de long), et peut-être par des sorties de fluides actives.  Les archives sédimentaires existantes permettent de reconstituer les variations d'intensité de la NADW sur les derniers 100000 ans, ce qui éclaire la dynamique de la circulation océanique dans ce domaine tropical notamment lors des transitions glaciaire-interglaciaire.

L'objectif de la campagne DIADEM (DIves At DEMerara) est de tester les hypothèses de formation du plateau de Demerara et de ses structures superficielles à partir d'observations et d'échantillonnage au fond (Nautile et carottes) ou à proximité du fond (AUV). Il s'agit en priorité de :

• cartographier et dater les roches magmatiques affleurant sur la pente du plateau, et les replacer dans la série sédimentaire pour vérifier le modèle d'évolution lié au point chaud, et reconstituer l'influence de ce dernier en particulier sur les mouvements verticaux du plateau et sur les différents épisodes de déformation;
• combiner cartographie haute résolution, mesures hydrodynamiques et échantillonnage pour caractériser les irrégularités morphologiques qui contrôlent la sédimentation récente, comprendre leur répartition et les processus sédimentaires associés dans un contexte de fort courant de fond;
• recueillir une archive sédimentaire et paléo-océanographique au-delà des derniers 100 000 ans, via des carottes longues positionnées dans le corps de la levée contouritique.

Les données recueillies permettront également d'explorer les sorties de fluides d'un probable volcan de boue, ainsi que celles supposées être associées aux glissements gravitaires et aux formations de canyons sur la pente.