La campagne PEACETIME a permis d'étudier le long des 4300 km parcourus, à la fois la basse atmosphère et la colonne d'eau dans des régions biogéochimiques contrastées de la mer Méditerranée sous l'influence de différentes masses d'air et soumises à des dépôts atmosphériques contrastés. La section suivante résume les résultats principaux acquis et associés à des publications.

La majorité des publications issues de PEACETIME sont/seront dans la Special issue | Atmospheric deposition in the low-nutrient-low-chlorophyll (LNLC) ocean: effects on marine life today and in the future (BG/ACP inter-journal SI).  https://bg.copernicus.org/articles/special_issue1040.html.

Bilan des publications: au total le bilan sera d'une trentaire d'articles qui sont détaillées dans les rubriques suivantes:  R1 (19 articles publiés (y compris dans d'autres revues que la Special Issue)), R16: 2 en révision et 1 soumis. Il y a encore des publications en cours au moment de l'écriture de ce rapport: rubrique R20 (7 papiers seront soumis à la Special Issue (clôture Juin 2021) et 2 à d'autres journaux). 

Atmosphère, microcouche de surface et émissions vers l'atmosphère.

Des mesures atmosphériques en continu nous ont permis de documenter la composition de la basse troposphère dans des zones contrastées allant de la lointaine mer Ionienne aux îles Baléares en passant par la mer Tyrrhénienne et le détroit de Messine caractérisé par un fort trafic maritime (Figure 1 et Desboeufs et al, en prép.).

Figure 1. La plate-forme PEGASUS à bord du Pourquoi Pas ? pendant PEACETIME, lors d'une navigation vers le Stromboli. 

L'analyse des trajectoires des vents locaux et des masses d'air a montré l'influence de masses d'air distinctes (provenant d'Europe de l'Est et de l'Ouest, ainsi que du Sahara), et de divers niveaux de concentration, permettant de caractériser les conditions atmosphériques de fond, polluées ou impactées par les poussières sahariennes. Le niveau de "background" des polluants atmosphériques a été quantifié en Méditerranée hauturière et discuté en termes de réactivité atmosphérique (Desboeufs et al., en prép.,). L'oxyde de brome (BrO) et les oxydes d'iode (IO) ont été modélisés pour être présents dans l'atmosphère marine méditerranéenne, cependant leur détection n'a pas encore été démontrée. Les premières observations de la présence généralisée de BrO et IO ont été rapportées au-dessus de l'atmosphère méditerranéenne. Ces niveaux d'oxydes d'halogènes peuvent avoir un impact considérable sur le bilan global de l'ozone troposphérique au-dessus de la Méditerranée et affecter les niveaux de polluants et d'oxydants dans les villes côtières méditerranéennes (Garcia-Nieto et al., en prép.). Les fractions particulaires et dissoutes de deux événements de dépôt humide collectés à bord, - dont l'un est le dépôt humide de poussière à la station FAST - ont été caractérisées (Desboeufs et al., en prép.). Les flux de métaux traces provenant des dépôts secs et humides étaient significativement plus faibles que ceux rapportés dans la littérature sur les sites côtiers, soulignant la pertinence des mesures en mer pour quantifier avec précision les apports atmosphériques réels en haute mer (Fu et al., en prép.). La signature anthropique de la composition chimique des aérosols, en particulier pour les métaux traces, était évidente même dans les zones les plus éloignées, montrant une influence anthropique claire dans le "background" atmosphérique méditerranéen (Fu et al., in prep.).

Grâce à un échantillonnage discret de la micro-couche de surface (SML), il a été démontré que l'interface entre l'atmosphère et l'océan accumule des micro-organismes eucaryotes et procaryotes (Zanker et al., 2021). Même si la diminution de l'abondance du phytoplancton et des bactéries dans la SML suggère que les conditions deviennent plus hostiles pour les microbes allant d'ouest en est dans la mer Méditerranée, la matière organique semi-labile comme les microgels et les glucides totaux sont toujours présents à la surface. Alors que la diversité des neustons pourrait diminuer, sélectionnant des protistes plus adaptés à l'oligotrophie, certaines espèces pourraient encore être capables de prospérer, comme certains champignons à la surface de la mer Ionienne (Zanker et al., 2021). Une augmentation rapide de l'abondance des particules de gel dans la SML a été observée à la station FAST directement après le dépôt de poussière, ce qui indique une influence potentielle des processus atmosphériques sur la dynamique de la matière organique à l'interface air-mer (Engel et al. en prép.). Il a également été démontré que la SML était très importante pour l'échange de certains métaux provenant des aérosols, dont le temps de résidence dans la microcouche de surface était très différent selon les éléments chimiques (de l'ordre de quelques minutes pour le fer à plusieurs heures pour le cuivre) (Tovar-Sanchez et al., 2020). Les concentrations les plus élevées de métaux traces (et de bactéries) dans la SML ont été observées après la pluie saharienne dans la station FAST. Les concentrations totales de certains métaux réactifs (c'est-à-dire Cu, Fe, Pb et Zn) étaient positivement corrélées avec l'abondance bactérienne, suivant la même tendance décroissante vers l'est. Cela indique probablement que la bactériologie joue un rôle clé dans le contrôle des concentrations et du devenir de ces métaux dans la SML (Tovar-Sanchez et al., 2020). Il est intéressant de noter qu'une forte corrélation négative a été trouvée entre la concentration de Ni et l'abondance des bactéries hétérotrophes dans la SML, tout au long du transect, ce qui pourrait être lié à un effet de toxicité.

L'émission d'aérosols de l'océan vers l'atmosphère était également au centre du projet PEACETIME. Au cours de la campagne, Freney et al. (2021) ont montré que la composition des embruns reflétait les conditions oligotrophes rencontrées le long du transect, avec une teneur moyenne en matière organique de 22±6 %. Bien que cette faible teneur ait peu varié tout au long du transect, elle était surtout corrélée à la concentration en carbone organique particulaire de l'eau de mer et pouvait être prédite à l'aide de cette variable. De plus, le contenu organique des embruns a pu être distingué en plusieurs classes organiques, chacune d'entre elles ayant des propriétés spécifiques liées au climat. Par exemple, la classe des aérosols organiques mixtes (MOA), particulièrement liée à l'abondance des cellules de nanophytoplancton, a un impact sur la tension superficielle de l'eau de mer, qui détermine à son tour le nombre de particules marines d'embruns émises et de noyaux de condensation de nuages émis dans l'atmosphère (Sellegri et al. 2021). Ni la composition chimique, ni le nombre d'émissions d'embruns et de noyaux de condensation de nuages n'ont été influencés de manière significative par l'occurrence de la pluie sahariene pendant la station longue FAST. La capacité de ice nucléation des embruns marins n'a pas non plus été influencée, bien que la capacité de ice nucléation de la SML ait été considérablement plus forte (Trueblood et al., 2021), en relation avec l'enrichissement en fer et le nombre de cellules bactériennes dans la SML pendant cet événement.

Caractéristiques biogéochimiques et physiques mesurés par les instruments

Une quantification à haute résolution de la distribution des particules par le LOPC (Laser Optical Particle Counter) a révélé un transport potentiel à longue distance dans la partie centrale de la mer Ionienne, rassemblant des particules provenant des masses d'eau du nord de la mer Ionienne et des eaux modifiées Atlantiques (Berline et al., in rev.). Le rôle joué par la diffusion verticale dans l'enrichissement en nutriments des Eaux Levantines Intermédiaires a été évalué (Taillandier et al., 2020), ce processus étant particulièrement pertinent à l'intérieur des 'staircases' thermohalins. Grâce à une fréquence de profilage élevée sur une période de quatre ans, les observations des flotteurs BGC-Argo ont révélé la continuité temporelle des schémas de stratification rencontrés lors de la campagne PEACETIME, et leur impact sur les transferts verticaux et latéraux de nitrate entre le réservoir profond et la zone productive de surface (Taillandier et al., 2020). À partir des cycles diurnes des propriétés optiques mesurées par les flotteurs-profileurs BGC-Argo dans l'ensemble de la colonne d'eau, il a été possible de dériver des estimations de la production biologique (Barbieux et al., in prep.), révélant que le maximum de chlorophylle de subsurface (SCM) a contribué de manière substantielle (~ 40 %) à la production biologique de l'ensemble de la couche productive pendant la période estivale en mer de Ligurie. Dans la mer Ionienne, le SCM a contribué de manière moins importante à la production estivale qu'en mer Ligure, mais toujours de manière non négligeable (~ 20%). Par conséquent, les travaux de Barbieux et al. suggèrent que, puisque la couche SCM peut contribuer de manière substantielle à la production totale de la colonne d'eau dans les eaux oligotrophes méditerranéennes, elle peut être ignorée par les estimations dérivées des données de chlorophylle a de surface mesurées par les  satellites de couleur de l'océan.

Biogéochimie à partir des échantillonnages discrets

La distribution verticale de la chlorophylle, de la biomasse de carbone phytoplanctonique et de la production primaire, ainsi que de la production bactérienne, en se concentrant sur le maximum profond de chlorophylle (DCM), a été établie le long du transect (Marañón et al., 2020). Le DCM était également un maximum de production primaire, avec une contribution accrue des diatomées, qui ont maintenu des taux de renouvellement de la biomasse similaires à ceux trouvés dans les eaux de surface bien éclairées. La production bactérienne a eu tendance à atteindre un pic à la surface et au niveau ou au-dessus du DCM, et la demande en carbone a dépassé la production primaire dissoute. Parmi les producteurs primaires, l'accent a été mis sur les diazotrophes (Ridame et al., en prép.). Les taux de fixation de diazote intégrés (0-100 m) ont rencontré une faible variabilité spatiale entre les différents bassins méditerranéens, sauf à la station 10, dans le bassin algérien où les flux étaient exceptionnellement élevés pour la mer Méditerranée (jusqu'à 72 nmol N. L-1. d-1 à 60 m). A cette station, la communauté diazotrophique était dominée par UCYN-A qui représentait plus de 90% de la population de nifH (Ridame et al., en prép.). Les phylotypes spécifiques se sont répartis avec les couches de profondeur, UCYN-A1 étant le plus abondant dans les eaux de surface (<10 m) et l'abondance relative d'UCYN-A4 augmentant avec la profondeur (de 60-90 m), tandis qu'un mélange des différents phylotypes a été observé à 200m. Les activités ectoenzymatiques (phosphatase alcaline, aminopeptidase et b-glucosidase) ont été déterminées pour des systèmes enzymatiques de haute et de basse affinité dans quatre couches sélectionnées (surface, maximum de chlorophylle profond, noyau de LIW et couche mésopélagique supérieure) (van Wambeke et al., 2021). Les taux d'hydrolyse in situ de l'aminopeptidase des N-protéines dissoutes représentaient environ 48% de la demande en N des bactéries hétérotrophes dans les couches épipélagiques (van Wambeke et al., 2021). Dans la SML, la contribution de cette source de N à la demande en N des bactéries hétérotrophes était en moyenne 1,4 fois plus élevée que le dépôt atmosphérique sec total (organique + inorganique) déterminé au même moment (van Wambeke et al., in rev.). Des mesures simultanées entre bassins des concentrations nanomolaires de phosphate, du dépôt atmosphérique et de l'activité de la phosphatase alcaline sont présentées dans Pulido-Villena et al., sub. Pour la première fois, la contribution relative des flux diapycnaux et des apports atmosphériques aux stocks de phosphate dans la couche mélangée de surface est évaluée et comparée au phosphate fourni par l'hydrolyse du phosphore organique pour satisfaire les besoins en P. Le flux diapycnal de phosphate vers la SML était particulièrement faible à FAST et était inférieur de deux ordres de grandeur au flux dissous atmosphérique (Pulido-Villena et al., sub.). Les flux de diffusion verticale à travers les nutriclines vers la couche appauvrie de surface étaient beaucoup plus élevés (Taillandier et al., 2020, Pulido-Villena et al., sub.) ; cependant, ces nutriments n'ont pas été injectés jusqu'à la couche mélangée moins profonde qui a été plutôt directement affectée par le dépôt atmosphérique comme cela a été montré à ION et FAST après le dépôt humide (van Wambeke et al., in rev.). Grâce à un échantillonnage à haute fréquence et à des mesures de nutriments au niveau nanomolaire, l'impact rapide et court de ces pluies sur la dynamique des cycles biogéochimiques de N et P et sur l'activité biologique a été étudié (van Wambeke et al., en révision et Figure 2).

Figure 2. Représentation synthétique des processus biogéochimiques et des échanges entre couche mélangée de surface (ML) et couche « nutrient depleted » en dessous (NDLb) avant la pluie et évolution après la pluie. Une cascade trophique complexe et contrôlée dans le temps au sein du réseau alimentaire microbien a été observée grâce à l'observation simultanée dans l'atmosphère et la colonne d'eau, avant, pendant et après un événement de dépôt humide.

En étudiant les assemblages de taxons zooplanctoniques dans le bassin Tyrrhénien quelques jours après un événement de poussière et à FAST avant et après un événement de poussière, PEACETIME a offert la première observation in situ des réponses du mésozooplancton aux dépôts naturels de poussière saharienne (Feliu et al., 2020). Les changements dans la structure taxonomique du mésozooplancton semblent être un indicateur pertinent de cette réponse, avec une phase initiale sans réelle dominance des taxons, puis un état perturbé de la communauté avec une forte dominance de certains taxons herbivores et l'apparition d'espèces carnivores, et enfin un état de récupération vers un système plus stable avec une diversification de la communauté (Feliu et al., 2020).

Processus mésopélagiques

Des mesures simultanées des concentrations en particules dissoutes et (en suspension), ainsi que de la fraction descendante (pièges à sédiments PPS5), ont été utilisées pour estimer le temps de résidence de l'Aluminium et du Fer dans les trois longues stations soumises à des conditions de dépôt atmosphérique contrastées (Figure 3 and Bressac et al., sub.). Cette étude confirme l'important dépôt de poussières qui a affecté une large zone quelques jours avant notre arrivée en mer Tyrrhénienne. Les résultats sont discutés et mis en relation avec l'origine (saharienne vs. anthropique), l'ampleur (2 à 3 ordres de grandeur de différence), et le moment (quelques jours avant vs. pendant l'occupation) des événements de dépôt atmosphérique. À la station FAST long, l'échantillonnage effectué à haute résolution temporelle/verticale pendant un événement de dépôt de poussière humide a permis d'estimer in situ les taux de dissolution du Fe et de l'Al et l'ampleur des processus post-dépôt (par exemple, le balayage) (Bressac et al., sub.).

Figure 3. Distribution longitudinale du fer dissous pendant PEACETIME. Les couches de surface sont enrichies en DFe, illustrant le flux atmosphérique et l'accumulation dans la couche mixte de surface pendant la période de stratification. (d'après Bressac et al., soumis).

Bressac et al. (2019) ont comparé la consommation concomitante d'oxygène, les taux de reconstitution du DFe et des ligands liant le Fe en mer Méditerranée (PEACETIME) et dans l'océan Austral (EDDY, SOTS), deux provinces biogéochimiques contrastées caractérisées par des contributions différentes de matériel de coulage biogénique et lithogénique. Les efficacités de régénération du fer mésopélagique ont été fortement influencées par la composition des particules, avec des valeurs 10 à 100 fois plus élevées dans les eaux subantarctiques à faible teneur en poussière par rapport aux sites méditerranéens à forte teneur en poussière. Ces efficacités de régénération très variées entraînent différents schémas verticaux de reconstitution du DFe dans les provinces océaniques. D'autres analyses effectuées par Whitby et al. (2020) ont démontré l'importance de l'eHS dans le soutien du DFe fourni par la dégradation des particules, et ont mis en évidence la façon dont l'élimination microbienne des ligands de l'eHS avec une consommation croissante de POC pourrait influencer la quantité de DFe réapprovisionnée par la reminéralisation bactérienne.

Le baryum biogénique particulaire (Baxs) dans la couche mésopélagique (100-1000 m de profondeur) formé pendant la dégradation de la matière organique par les procaryotes hétérotrophes, a été utilisé comme un proxy pour la reminéralisation du carbone organique particulaire (POC) (Jacquet et al., in rev.). Une importante variabilité spatiale de la reminéralisation du POC a été mesurée, étant par exemple plus importante et plus profonde en Algérie et dans le bassin Ionien par rapport au bassin Tyrrhénien. Un impact lithogénique plus élevé sur le signal Ba (>20%) a été trouvé aux stations 4, 5 et TYR (250-450m) (basé sur la correction de l'Al) et pourrait être lié au fort événement de poussière qui s'est produit quelques jours avant notre arrivée.

Impact actuel et futur des dépôts de poussière : résultats des expériences à bord.

L'impact du dépôt de poussières dans les conditions climatiques actuelles et futures a été évalué par des expériences de perturbation réalisées pour la première fois en pleine mer Méditerranée au cours de la croisière PEACETIME. Les expériences ont été menées dans de grands réacteurs climatiques (300 L) (Figure 4) aux stations longues afin de tester l'impact du dépôt de poussière sur les stocks et les processus biogéochimiques et de comparer ces impacts dans des eaux libres contrastées. La température et le pH ont été pris en compte afin de tester les effets dans les conditions climatiques actuelles et futures.

Figure 4. Réacteurs climatiques à l'intérieur d'un conteneur à bord pendant PEACETIME.

Le protocole expérimental comprenait deux contrôles non modifiés, deux réacteurs enrichis avec un analogue de poussière saharienne et deux réacteurs enrichis avec l'analogue de poussière et maintenus dans des conditions plus chaudes (+3 ºC) et acidifiées (-0,3 unité de pH). Gazeau et al. 2021, présentent la configuration générale des expériences et les impacts de l'ensemencement en poussière et/ou du scénario de changement climatique futur sur les nutriments et les stocks biologiques. Les effets du dépôt de poussières sur les stocks biologiques étaient très différents entre les trois stations et ne pouvaient être attribués à des différences dans leur degré d'oligotrophie mais plutôt à l'état métabolique initial de la communauté (Figure 7). En outre, les conditions futures d'acidification et de réchauffement n'ont pas modifié de façon radicale la composition de l'assemblage autotrophe, tous les groupes bénéficiant de conditions plus chaudes et acidifiées, ce qui laisse supposer une exacerbation des effets des dépôts de poussières atmosphériques à l'avenir (Figure 5). Comme pour les stocks, les effets sur les taux biologiques étaient très différents entre les trois stations (Gazeau et al., sub.). Les taux de production et les activités enzymatiques des procaryotes hétérotrophes ont augmenté de façon significative dans les trois stations après la simulation du dépôt de poussières, surtout dans les conditions climatiques futures. La mortalité bactérienne globale (par broutage et lyse virale) était accrue après l'ajout de poussière dans les conditions climatiques futures (Dinasquet et al., en prép.). La composition des communautés microbiennes (procaryotes et eucaryotes) s'est modifiée au fil du temps en réponse aux perturbations, par rapport aux communautés témoins qui sont restées relativement stables. Aucun effet visible du dépôt de poussière sur les taux de production primaire n'a pu être observé à la station TYR, alors que des améliorations nettes ont été observées aux deux autres stations (Gazeau et al., sub., et figure 5). Enfin, comme pour les bactéries, le pH et la température ont exacerbé ces effets à ces stations (ION et FAST). L'ajout de poussière a induit une forte augmentation des taux de fixation de N2 qui était similaire dans les conditions climatiques actuelles et futures à TYR et ION (Ridame et al., en prép.). Ces expériences ont également permis d'étudier le devenir de certains éléments lithogènes associés à la poussière, permettant une première évaluation directe du faible pourcentage de dissolution du thorium (~ 1%) et du protactinium ( < 6 %) après le dépôt de poussière saharienne dans l'eau de mer (Roy-Barman et al., 2021). Des effets imprévus de la température et/ou du pH sur la libération du thorium et des terres rares dans l'eau de mer ont conduit à une libération plus faible de Th et à une libération plus importante des REE legères dans les conditions de climat futur. Des réponses contrastées ont été observées : l'aluminium a continué à se dissoudre au cours de l'expérience alors que le thorium et les terres rares légères initialement libérés dans l'eau de mer ont été scavengées sur les particules.

Figure 5. Résultats des expériences d'ajout de poussière réalisées en mer Méditerranée hauturière. (seuls 4 paramètres sur les 20 mesurés sont présentés). Les changements relatifs maximaux étaient la plupart du temps plus élevés par rapport à une compilation des résultats d'expériences réalisées dans des eaux côtières. Le résultat principal est que l'ajout de poussière exacerbe l'état métabolique initial des eaux testées. En vert : résultats pour les conditions futures de température et de pH : alors que la libération de nutriments par les poussières s'est avérée similaire aux conditions actuelles, la très forte augmentation des stocks et des flux indique une nette exacerbation des impacts des poussières dans le climat futur. (voir Gazeau et al., accepté et Gazeau et al., sub.)

Conclusion

L'expédition océanographique PEACETIME conduite au printemps 2017 a été conduite le long d'un gradient longitudinal de 20° à travers la mer Méditerranée occidentale et centrale, pendant la saison caractérisée par une forte stratification, une faible productivité et une forte probabilité de dépôt de poussière humide. Ces conditions étaient nécessaires pour remplir les objectifs du projet visant à quantifier les processus biogéochimiques en jeu après un dépôt atmosphérique et son impact sur le fonctionnement des écosystèmes. Différentes situations atmosphériques ont été rencontrées au cours de la campagne. En particulier, trois situations contrastées en termes de dépôt atmosphérique ont caractérisé les stations de longue durée, permettant l'acquisition d'un ensemble de données dans différentes conditionsin situ dynamiques et biogéochimiques, permettant d'explorer la réponse chimique et écosystémique au dépôt. Grâce à une stratégie adaptative basée sur un large panel d'observations en temps réel de l'atmosphère et de l'océan et de modèles de prévision, la trajectoire de la campagne a été optimisée au jour le jour. En particulier, il a été possible d'atteindre à temps une zone située à plus de 800 km où un événement a été prévu et effectivement observé et échantillonné. Les observations in situ ont pu être complétées de manière très pertinente par trois expériences d'ajout de poussières, dans les conditions actuelles et du climat futur. Toutes les études réalisées à bord ont impliqué des scientifiques de différentes disciplines, ce qui rend ces résultats véritablement interdisciplinaires.

PEACETIME est une contribution importante aux programmes internationaux SOLAS et IMBER. Cette campagne, labélisée "process study" par le programme international GEOTRACES amène des éclairages nouveaux sur les processus à l'interface atmoshère-océan pour de nombreux traceurs clés de GEOTRACES, dans les coditions actuelles et futures du climat méditerranéen. 

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