L'accident de Fukushima constitue, à ce jour, le plus important apport accidentel de radionucléides au milieu marin. Il a entrainé des concentrations particulièrement élevées dans l'eau, les espèces vivantes et les sédiments, qui seront mesurables à moyen et long termes à proximité des côtes, et à l'échelle de l'ensemble du Pacifique Nord. Cet accident montre la nécessité de disposer d'outils opérationnels permettant de reconstituer et de prévoir rapidement le devenir des radionucléides rejetés en mer pour évaluer l'impact de la radioactivité sur les écosystèmes marins. Disposer de méthodes d'évaluation fiables de l'impact sur le milieu marin d'un rejet accidentel passe par une amélioration des connaissances sur : (1) les processus à l'interface continent-océan ; (2) la dispersion des radionucléides rejetés dans les masses d'eau ; (3) la fixation et le transport des radionucléides par la phase particulaire à différentes échelles spatio-temporelles ; (4) le transfert des radionucléides dans les chaînes trophiques ; (5) la sensibilité et la vulnérabilité des écosystèmes impactés. Ces cinq domaines de recherche constituent le cadre du projet ANR AMORAD (Amélioration des modèles de prévision de la dispersion et d'évaluation de l'impact des radionucléides au sein de l'environnement ; ANR-11-RSNR-0002) auquel est rattachée la campagne TRAMAT.
L'évolution des concentrations mesurées en milieu marin à proximité de l'installation accidentée confirme ce qui avait été observé en Manche et Mer d'Irlande : la rémanence à moyen et long terme des concentrations de polluants est contrôlée en grande partie par la dynamique du transport sédimentaire. Une fois les polluants fixés par les matières en suspension, les particules susceptibles de sédimenter peuvent garder leurs traces durant des années, avec de dynamiques de transports qui leur sont spécifiques. Les radionucléides émis de manière contrôlée par l'industrie peuvent être des marqueurs de choix pour suivre ces déplacements.
La compréhension du transport des radionucléides par la phase particulaire passe par : (1) la modélisation hydro-sédimentaire dans les régions proches des sources de contamination (à plus court terme) ou plus lointaines (à plus long terme) ; (2) une amélioration des modèles par la prise en compte de processus observés in situ et encore mal connus ; (3) la confrontation des résultats des modèles aux mesures in situ. L'observation in situ de la phase particulaire bénéficie maintenant de nombreux outils de mesure ponctuelle ou intégrée tels que le DYSPI (DYnamic Sediment Profiler Imagery développé conjointement par l'IFREMER et l'IRSN) (Blanpain et al., 2009), l'AQUASCAT (profileur de sédiments en suspension, AQUATEC GROUP®) (Moore et al., 2013), le LISST (granulomètre in situ, SEQUOIA®) (Pedocchi et García, 2006), le traçage des particules par la mesure des radionucléides qu'elles portent (Boust, 1999), ou encore l'échantillonnage stratifié dans les faciès à l'équilibre hydrosédimentaire (prélèvements par plongeurs).
Références :
Blanpain, O., du Bois, P.B., Cugier, P., Lafite, R., Lunven, M., Dupont, J., Le Gall, E., Legrand, J., Pichavant, P., 2009. Dynamic sediment profile imaging (DySPI): a new field method for the study of dynamic processes at the sediment-water interface. Limnology and Oceanography: Methods, 7, 8-20.
Boust, D., 1999. Distribution and inventories of some artificial and naturally occurring radionuclides in medium to coarse-grained sediments of the channel. Continental Shelf Research, 19, 1959-1975.
Moore, S.A., Dramais, G., Dussouillez, P., Le Coz, J., Rennie, C., Camenen, B., 2013. Acoustic measurements of the spatial distribution of suspended sediment at three sites on the Lower Mekong River. The Journal of the Acoustical Society of America, 133, 3227-3227.
Pedocchi, F., García, M.H., 2006. Evaluation of the LISST-ST instrument for suspended particle size distribution and settling velocity measurements. Continental Shelf Research, 26, 943-958.