Le site du « Grand Herbier de la Côte Orientale » (secteur 2 du littoral de la Corse, Meinesz et al., 1990) couvre plus de 70 733 ha, Il est découpé en cinq sous-secteurs (secteurs 2A, 2B, 2C, 2D et 2E). La campagne POSIDCORSE a permis de finaliser sa cartographie par rapport à la campagne précédente (CORALCORSE) (Figure 2).

Figure 2 - Mosaïques d'images acoustiques réalisées au cours de la campagne POSIDCORSE.

Le secteur « Grand Herbier de la Côte Orientale » est caractérisé par la présence d'un herbier à Posidonia oceanica qui présente une extension particulièrement importante de 20 425 ha (38% des herbiers de Corse soit 64% des fonds entre 0 et -40m) mais il a également été possible d'identifier une présence importante d'une autre magnoliophyte marine, également protégée, Cymodocea nodosa qui constitue de larges herbiers (797,6 ha) en bordure de littoral (-10 à 15 m) à proximité des fleuves côtiers ou du débouché des lagunes côtières (Figure 3). L'herbier à Posidonia oceanica est caractérisé par la présence de nombreuses intermattes et de structures érosives naturelles très intéressantes pour la compréhension de la dynamique de cet herbier mais également par de nombreuses traces anthropiques (chalutages, ancrages, déblais de dragage). Au niveau de sa limite inférieure, située généralement ente -34 m et -40 m, cet herbier présente des structures très différentes (limites franches, clairsemées ou régressives) et plusieurs taches de Cymodocea nodosa sont observées en avant de la limite.

Figure 3 - Cartographie des biocoenoses et types de fond du "Grand Herbier de la Côte Orientale".

Les associations à rhodolithes sont également présentes mais leur extension semble beaucoup plus limitée qu'au niveau du Cap Corse (Bonacorsi, 2012), notamment du fait d'une teneur en fraction fine plus marquée dans les sédiments de la côte orientale et sans doute liée à des apports fluviatiles. La présence de beach-rocks, unique à l'échelle de la Corse, est bien identifiée au niveau des sonogrammes ; ces formations ont été vérifiées avec le ROV durant la campagne et des structures similaires, moins profondes ont fait l'objet d'investigations en plongée.

La caractérisation de la matte et notamment son épaisseur a pu être expérimentée avec succès par sismique réflexion lors de la campagne POSIDCORSE 2015 grâce à l'utilisation de trois systèmes d'acquisition : le Sparker (1 kHz), le sondeur de sédiments (SDS) EDO (« Manta ») (2,5 kHz) et le SDS PeskAvel (3,5 kHz). L'application de cette méthode géophysique non-destructrice a permis d'obtenir une représentation détaillée des couches sédimentaires le long du littoral oriental de la Corse. À notre connaissance, cette acquisition (~1 380 km de profils sismiques) constitue l'un des plus important effort d'investigation mene? dans le cadre d'un inventaire des stocks de Carbone Bleu à l'échelle de la Méditerranée (Lo Iacono et al., 2008 ; Tomasello et al., 2009).

Au regard des résultats obtenus, les vitesses de l'onde acoustique dans la matte (n = 367) est estimée entre 1 631,9 et 1 696,8 m.s^-1 (moyenne : 1 664,4 m.s-1). Les résultats ont montré que les épaisseurs de mattes, estimées en moyenne à 251,9 cm, étaient plus importantes en zones peu profondes (-10 m à -20 m), près de l'embouchure des fleuves côtiers (e.g. Golo, Tavignano et Travo-Solenzara) et des graus des lagunes (e.g. Diana et Urbino), où des mattes atteignant 867 cm d'épaisseur ont pu être relevées, et localement en partie profonde (entre -30 m et -40 m). En se basant sur la surface occupée par les herbiers à Posidonia oceanica et les épaisseurs relevées sur le site d'étude (Figure 4), le volume de matte a pu être estimé à 403,5 ± 49,4 millions de m³ (ratio: 2,2 m³ / m²).

Figure 4 - Epaisseurs de matte le log de la côte orientale de la Corse (A) et incertitude sur la mesure par Krigeage (B)

Enfin, plusieurs impacts anthropiques de nature à dégrader la matte de Posidonie ont été identifiés. Ces pressions sont particulièrement préoccupantes car susceptibles d'entrainer non seulement une régression de l'herbier, et donc une diminution de la fixation de carbone, mais également un démantèlement de la matte et une libération du carbone qui y est stocké. Il s'agit de l'ancrage de grandes unités (tankers, navires de croisière, grande plaisance) à l'origine de l'ouverture de véritables tranchées dans l'herbier, et du chalutage qui érode le sommet des mattes (Figure 5).

Figure 5 - Extrait de sonogramme et photographie en plongée d'une trace d'ancrage.