Le gisement de la Mondrée à Biéroc est actuellement le seul habitat submergé du Paléolithique moyen connu en Europe, par environ - 20 m, présentant un état de conservation remarquable, ce qui confère à ce site une valeur toute particulière et une renommée internationale (Fig. 1).

Il se caractérise principalement par la présence d'un niveau principal d'occupation vers -17/- 20 m de profondeur, situé en sub-surface ou faiblement recouvert par les dépôts sédimentaires holocènes, et d'un deuxième niveau, environ 0,40 m plus profond, repéré par carottage manuel avec une implantation semblant moins étendue dans l'espace. Le niveau supérieur, vers -17 m/-20 m, très partiellement observé en fouille fine comporte une grande densité de silex taillés, parfois groupés en amas illustrant le débitage de rognons de silex visant à produire des éclats de forme prédéterminée par la méthode Levallois (schéma opératoire attesté par les sondages conduits en 2002). Associé à un niveau organique qui conservait des pollens attestant d'un environnement ouvert en contexte frais (Clet-Pellerin, 1988 ; Coutard, 2003 ; Coutard et Cliquet, 2005 ; Cliquet et al., 2009). Les datations OSL obtenues pour 3 échantillons à partir de l'analyse de grains de feldspaths situent les niveaux d'occupation vers -70 ka, ce qui correspond à la limite des stades isotopiques 5a et 4, en accord avec les interprétations palynologiques (Mercier et al., à paraître).

Ce site situé à l'Est du cap Lévi, au pied des roches de Biéroc, avait donc déjà fait l'objet d'investigations mais qui s'étaient avérées insuffisantes pour bien caractériser le gisement ; notamment en ce qui concernait :

• son intégration au sein du territoire parcouru par les chasseurs-cueilleurs néandertaliens. Il convenait de mieux caractériser la configuration de l'Anse de la Mondrée durant son ou ses occupations au Paléolithique moyen (morphologie et modelé de la vallée, nature et épaisseur des sédiments de remplissage de la vallée, implantation par rapport au cours d'eau) ;
• la morphologie des niveaux d'habitat au sens strict, en pied de falaise, de l'éboulis au plan spatial et de la nature et l'épaisseur des sédiments associés.

Fig. 1 : Localisation de la zone d'étude

Les données acquises lors de cette campagne devaient donc permettre de :

• dresser une cartographie de l'anse de la Mondrée et des éléments structurants de l'habitat paléolithique : la barre granitique de Biéroc et les éboulis observés en plongée (grâce au sonar interférométrique, bathymétrie).
• déterminer la puissance des sédiments qui constituent le remplissage de l'exutoire de l'ancienne vallée des Moulins (sismique chirp) et faire des hypothèses sur la nature des sédiments superficiels à partir des faciès sismiques et acoustiques (sismique Chirp, imagerie sonar et cartographie Roxann).

Cette reconnaissance générale très haute résolution de l'anse de La Mondrée devait également servir à préparer une campagne de prélèvements de carottes permettant d'échantillonner et dater des niveaux témoins de l'occupation successive du site.

Dans un premier temps, les données ont permis de constituer un état de référence des fonds de l'anse de la Mondrée. Un MNT bathymétrique, une mosaïque d'imagerie acoustique et une carte de la répartition des formations superficielles ont ainsi été établis (Fig. 2A, B, C). Les fonds de l'anse de la Mondrée sont compris entre 0 et -32 m de profondeur et s'inclinent vers le nord selon une pente de l'ordre de 1 degré. La relative monotonie des fonds est perturbée par la présence :

• d'affleurements rocheux ;
• d'un important banc sableux dont la base se situe par environ -20 m de profondeur. Il est constitué en surface par des sables très coquilliers affectés par une dynamique de dune ;
• d'un léger ressaut morphologique individualisant une zone de replat (entre -25 m et la limite de la zone reconnue) à l'aspect plus rugueux et affectée de petites dunes et mégarides ainsi que de dépressions métriques bordées de bourrelets sédimentaires dont l'origine n'est pas connue (débris d'épaves perturbant la dynamique sédimentaire ?).

Les éboulis de pied de falaise qui avaient été décrits en plongées ont bien été observés sur l'imagerie acoustique sur le gisement archéologique (Fig. 2D).

Fig. 2 : MNT Bathymétrique (A), Mosaïque d'imagerie acoustique (B), Carte de la nature sédimentaire des fonds marins (C), Mise en évidence des éboulis de pied de falaise sur le gisement, zoom sur la mosaïque d'imagerie acoustique (D).

Les dépôts du gisement paléolithique de Biéroc-La Mondrée sont de faibles épaisseurs, « poche » de sédiments au pied de la barre de Biéroc, globalement bien préservés des phénomènes d'érosion périglaciaires et de la transgression holocène (Fig. 3A et 4).

Deux incisions fluviatiles (paléo-vallées glaciaires) ont été identifiées dans la stratigraphie (Fig. 3B) ; la première s'écoulant le long des roches de Biéroc et la seconde plus à l'est, au coeur de la baie. Elles ont depuis été comblées par la sédimentation holocène.

Fig. 3 : Profil de sondeur de sédiment passant sur le gisement et montrant la préservation de niveau sédimentaire anté-LGM (A) et localisation du profil sur le MNT des profondeurs du toit du substratum (B).

Une couverture sédimentaire probablement anté-LGM (Late Glacial Maximum) semble avoir été préservée sur la zone levée (à l'échelle de l'anse de la Mondrée) notamment dans l'axe des paléovallées (Fig. 4).

La faible épaisseur sédimentaire de dépôt anté-LGM (notamment sur le gisement) et la difficulté d'accès au gisement (proximité des écueils rocheux) compromettent la faisabilité d'une campagne de carottage afin de pouvoir identifier une succession de niveaux d'occupation.

Fig. 4 : Cartes des isopaques de la couverture sédimentaire anté-LGM (A) et des épaisseurs sédimentaires totales sur le gisement (B).

Le gisement devait se situer environ une dizaine de mètres au-dessus de la rivière et à moins de 300 m de celle-ci. Sur la base des analyses palynologiques, le site avait été attribué au MIS 5a ; le niveau marin était alors plus bas d'environ 20 m (Edwards et al., 1997 in Shackleton et al., 2003) et la ligne de rivage devait se situer à environ 500 m du site (Fig. 5).

Mais en considérant les résultats de datations OSL réalisées en 2010 et donnant un âge de 70 000 ans aux sédiments sur lesquels reposent les artéfacts, le niveau marin était positionné environ 80 m plus bas que l'actuel (Siddall et al., 2003). Si la proximité du site avec le cours d'eau n'est pas remise en question ; la ligne de rivage devait être distante de plus de 30 km, le site dominant ainsi une vaste plaine, permettant l'accès aux affleurements du Crétacé supérieur qui pourraient être la source des silex découverts sur le gisement. Un ré-examen du mobilier lithique qui avait été prélevé sur le site ainsi qu'une étude gîtologique des silex afin de déterminer leur provenance sont en cours ; les résultats sont attendus pour le printemps 2020  (Fig. 6).

Fig. 6 : Évocation du contexte paléo-environnemental de l'anse de la Mondrée il y a 70 000 ans.