I - Imagerie sismique quasi-3d et grand angle d'une lithosphère océanique presque amagmatique de la ride ultra-lente sud- ouest indienne (Momoh et al 2017)
Les résultats du traitement 3D des tirs sismiques 2D le long des profils espacés de 100 m dans une boite de 1.8 km de large et 24 km de long permettent de comprendre la formation de la croûte océanique à l'axe d'une dorsale océanique dans un environnement où les apports magmatiques sont proches de zéro.
Quatre résultats majeurs sont présentés ci-après :
1 - Une série de réflecteurs brillants et de faible amplitude, pentés vers le Sud sous le mur Nord de notre zone d'étude a été imagé et interprété comme la zone d'endommagement du détachement actif axial. Bien que le modèle de vitesse ne contraigne pas le socle du mur de la faille de détachement, à cause de la couverture sismique, nous observons que les vitesses dans le dans le toit du détachement proche de la faille est 0,5-1km/s plus faible que les autres parties du modèle à toute les profondeurs données, suggérant une intense fracturation. La série de réflecteurs parallèles soulignant la supposée zone d'endommagement se situent dans un domaine de 2-2,8 km d'épaisseur et pente de 50 à 60° jusque 5 km sous le plancher océanique. Cette zone de d'endommagement supposée pourrait s'être développée comme un système fini dû à la localisation des contraintes comme une succession de fractures individuelles ou d'une déformation instantanée dans une large zone. Une combinaison des deux scenarios est également possible. Quelle qu'elle soit, nous proposons que cette fracturation pénétrante pourrait expliquer les mécanismes du processus de serpentinisation à l'échelle crustale.
Figure 1: (a) emplacement de la zone d'étude de la dorsale Sud-Ouest indienne (SWIR, 64°E longitude). (b) Carte bathymétrique de la SWIR montrant la frontière entre un couloir de plancher océanique presque amagmatique (zones ombrées sur la carte) et volcanique (en bleu; Cannat et al., 2006). La trace de la faille de détachement axiale active est cartographiée au sommet du mur de la vallée axiale au nord et son émergence en pourpre (violet) (Sauter et al., 2013). (c) Image acoustique rétrodiffusée (située sous la forme d'un rectangle blanc sur la carte bathymétrique de la figure 1b). Les basaltes du plancher océanique volcanique ont une forte réflectivité, tout comme les escarpements du plancher océanique ultra-mafique environnant. L'axe de la dorsale, l'émergence, la faille active et la rupture de l'une des anciennes failles actives sont indiquées comme sur la figure 1b. Un zoom de la zone 3D est représenté par une ligne blanche, avec trois lignes noires indiquant les lignes centrales et limitrophes constituant la zone.
2 - Nous avons aussi imagé plusieurs réflecteurs pentés vers le Nord dans le toit (plaque Antarctique) de cette faille de détachement. Pour ces événements, nous proposons deux hypothèses alternatives : l'une pour laquelle les réflecteurs représentent les zones d'endommagement formées dans le mur du détachement axial penté vers le Nord antérieurement actif et une autre hypothèse est que ces réflecteurs sont formés en réponse à une extension tectonique plus récente et à du magmatisme naissant au toit de l'actuelle faille de détachement active pentée vers le Sud. Nous proposons que l'horizontalité ou le faible pendage discontinu mais cohérent de ces événements réflectifs, localisés également au toit du domaine sous la vallée axiale, peut correspondre à des sills de laves cristallisées dans la croûte et le manteau supérieur. Une interprétation alternative pour les événements les plus profonds pourrait être qu'ils reflètent le contraste entre les zones de serpentinisation localement importantes et la péridotite fraiche.
Les sills volcaniques, s'ils sont présents, sont volumétriquement faibles et il n'y a pas d'indications dans le modèle de tomographie des ondes P de la présence de zones où le matériel est partiellement fondu dans la croûte ou le manteau supérieur du domaine axial.
3 - L'épaisseur crustale dérivée du modèle des ondes P est comprise entre 4 et 5 km, où la portion la plus épaisse est observée au toit proche de la faille de détachement active pentée vers le Sud. La croûte, sur la base des modèles géologiques existants et des données géophysiques de la campagne Sismosmooth, est proposée comme étant composée principalement de péridotites variablement serpentinisées.
Figure 2 : (a) Vue en perspective du volume sismique tridimensionnel traité avec la ligne 13 à l'avant-plan. La boîte affichée mesure 19 km de long sur 1,8 km de large (Figure 1). Elle est vue de l'ESS. b) Vue en perspective tridimensionnelle des dessins au trait des événements interprétés (réflecteurs) choisis dans chacune des 19 lignes du volume sismique tridimensionnel migré dans le temps (c) Identique à la Figure 14b, mais vue de l'est. Quatre catégories distinctes d'événements sont observées : les événements de trempage vers le sud (en violet), les événements de trempage vers le nord (en vert) et deux catégories de réflecteurs subhorizontaux dans les régions peu profondes (cyan) et profondes (orange) des TOP du volume traité. La topographie du fond marin est dérivée du prélèvement de la réflectivité du fond marin à partir du volume migré après sommation, et de l'interpolation des données entre les profils.
4 - Les profils 1D de vitesses provenant du modèle de vitesse des ondes P montrent une vitesse presque linéaire avec la profondeur, similaires à ceux observés sur les planchers océaniques ultra-mafiques de la dorsale Médio-Atlantique à 23°N (Canales et al., 2000). Les valeurs de vitesses, plus profondes de 1 km dans le socle, sont plus élevées dans la zone 23°N de la MAR, ce qui peut être expliqué par une déformation interne moins forte dans les roches ultra-mafiques exhumées et intrusions gabbroiques plus abondantes. Nos profils de vitesses montrent également des similitudes avec les vitesses moyennes des ondes P du socle de la Transition Continent Océan de la marge continentale pauvre en magma de Ibérie-Terre Neuve (Minshull, 2009).
Figure 3 : Croquis intégrant les résultats du volume de sismique réflexion tridimensionnelle et du modèle grand angle de vitesse de l'onde P. Les repères en pointillés violets épais tracent les réflecteurs de fortes amplitudes dans la paroi inférieure de la faille de détachement axial. Les lignes pointillées violettes plus minces indiquent les zones où les réflecteurs de faible amplitude sont persistants avec des pendages similaires vers le sud. Le plan de faille principal (c.-à-d. la limite entre le mur suspendu et la plaque du mur inférieur) est déduit et représenté par une ligne violette continue. Les lignes pointillées vertes sont les réflecteurs plongeants nord représentés dans le domaine axial de la vallée (paroi suspendue de la faille active du détachement). La base de la croûte, que nous proposons comme correspondant à la transition entre la péridotite serpentinisée et le manteau frais, est dessinée sur le contour de vitesse de 7,5 km/s. Ce contour n'est représenté que dans le domaine où il est bien résolu par les données OBS.
II - Structure interne de la lithosphère océanique à l'axe d'une dorsale océanique pauvre en magma à partir des profils de sismique réflexion 2D. (Momoh et al subm.)
La découverte de grands affleurements de roches mantelliques sur le plancher océanique sur 70 km à travers l'axe de la partie Est de la dorsale Sud-ouest Indienne (à proximité de 64°E de longitude) fournit un exemple naturel pour investiguer la structure interne de la partie supérieure de la lithosphère océanique formée dans des conditions particulières (un très faible apport en magma). L'emplacement des roches mantelliques est expliqué par l'exhumation successive le long de failles normales montrant de forts déplacements et conceptualisées comme changeant de polarité.
Nous avons investigué la lithosphère océanique à l'axe et hors axe produite dans ce contexte, en utilisant des données de sismiques réflexion multitraces collectées lors de la campagne SISMOSMOOTH en 2014. Les tirs des lignes perpendiculaires à l'axe ont été localisées élastiquement en utilisant un "binning 3D" alors que les trois lignes perpendiculaires tirées de façon imbriquée avec une source sismique de volume important ont été fusionnée en une seule. À l'aide d'une séquence d'imagerie post-sommation, nous observons plusieurs types de réflecteurs à des profondeurs crustales et infra-crustales, dans la vallée axiale et hors axe. En corrélant nos observations sismiques avec les anomalies gravimétriques résiduelles (Mantle Bouguer) et les observations du fond marin, nous constatons que nos résultats sont explicables dans le modèle faisant l'hypothèse de failles de détachement à polarité alternée (flip-flop).
Les réflecteurs sismiques imagés jusqu'à 5 km dans le sous-sol sont interprétés comme étant dus à des zones endommagées délimitant les failles du détachement axial pentées à 50° aux premiers stades, tandis qu'aux stades avancés, après avoir générés des décalages >10 km, leur pendage est de 25°. D'autres réflecteurs observés dans la croûte sont interprétés comme des failles normales à offset modérés (< 200 m) qui permettent d'accommoder la déformation et l'altération du toit de la faille et la canalisation des faibles quantités de produits de fusion vers le plancher océanique.
Nous interprétons ces réflecteurs et d'autres réflecteurs sismiques observés dans le cadre d'une séquence évolutive à deux phases pendant la durée de vie de deux failles successives du détachement (2 séquences flip flop) : exhumation, flexure du mur de la faille, endommagements, serpentinisation et magmatisme naissant dans le mur de la faille de détachement suivis d'endommagements tectoniques supplémentaires, une altération et le magmatisme naissant dans le toit du prochain détachement.