1. Une marge transformante segmentée

À l'échelle de la marge transformante Guyane-Surinam, l'acquisition de nouveaux profils de sismique a permis de mettre en évidence la variabilité latérale de la marge. Trois domaines ont notamment été identifiés : les domaines A et C purement transformants marqués par des plis et une transition continent-océan très étroite. Un domaine B, montrant des blocs basculés et une transition continent-océan plus large. Ce domaine est interprété comme une zone de relai (sorte de bassin en pull-apart) et l'origine des blocs basculés est encore discutée : blocs basculés associés à de l'amincissement crustal ou blocs basculés gravitaires éventuellement postérieurs à l'océanisation ?

Figure 3 : Carte structurale déduite des observations IGUANES et GUYAPLAC. Le fond de carte est une carte gravimétrique corrigée de l'effet de la colonne d'eau (tiré de Loncke et al., 2016, GSL).

2. Analyse Haute résolution : un gain de résolution majeur

Pendant la campagne, la majeure partie du plateau sous-marin Guyanais a été cartée avec une résolution jamais égalée sur le site (25m au sol). Cette nouvelle cartographie permet de caractériser avec une grande précision 3 grands types de structures sous-marines déjà reconnues sur les données GUYAPLAC :

• des cicatrices d'arrachement associées à des glissements sous-marins ;
• des dépressions allongées par des courants de fond vers le SE ;
• des rides sous-marines associées à des courants ou des glissements sous-marins.

Ce gain de résolution permet d'aborder ces objets avec une nouvelle vision. Les dépressions géantes identifiées sur GUYAPLAC ont une structure modelée par de forts courants de fond et il est fort probable que ces dépressions soient en réalité des « flute cast » géantes, se localisant le long de blocs indurés associés à des glissements ou sorties de fluides (Tallobre et al., 2016). Les dépressions s'organisent presque toutes le long d'alignements parallèles à la direction de plus grande pente (Figure 4). Pour ce qui est de la cicatrice d'arrachement principale du complexe glissé identifié sur les données GUYAPLAC, celle-ci n'est pas continue en surface et elle est parfois associée à d'importantes dépressions allongées de 500*200m. La nature discontinue de cette cicatrice révèle probablement que certaines parties du complexe glissé ont été réactivées récemment.

3. Un complexe glissé géant

En profondeur, un empilement de plusieurs masses glissées superposées a érodé le plateau sous-marin de Demerara sur 500 m de haut et au moins 7000 km². Ce complexe glissé particulièrement imposant s'enracine sur des niveaux potentiellement soumis à des surpressions de Fluide (base du Paléocène). Les lignes régionales Guyane-Surinam montrent que le même phénomène a lieu latéralement le long de tout le plateau de Demerara. Le plan de décollement basal semble être toujours le même : base du paléocène, décrit comme un niveau de faible perméabilité permettant de concentrer du méthane en profondeur (leg ODP 207). Les glissements observés sont donc régionaux. Ils sont comparables en ampleur aux glissements habituellement observés le long de marges grasses (Loncke et al., in prep pour Geology ; Pattier et al., 2015). L'étude de ce type d'objets permettra de mieux comprendre les mécanismes de déclenchement et d'évolution des glissements en contexte de marge transformante - et les risques naturels associés (glissements sous-marins, tsunamis, etc.).

4. Analyse des dépressions allongées

Il existe d'autre part des corrélations systématiques entre la localisation des dépressions (pockmarks ?  Flute- casts ?) et des masses glissées : tous les champs de dépressions se mettent en place au-dessus de masses glissées dans des domaines où les débrites les plus récentes sont quasiment à l'affleurement. Les carottes prélevées au droit des dépressions sont pour majorité constituées de matériel sédimentaire extrêmement compacté suggérant des processus de dégazage ou dewatering. Les anomalies d'alcalinité sont cependant faibles hormis le long du champ Matoutou et il n'y a eu aucun enregistrement de panache actif dans la colonne d'eau au droit des dépressions investiguées (Loncke et al., 2016). Les carottes n'ont montré aucune trace pouvant témoigner de sorties de gaz récentes. Il est donc proposé que ces dépressions correspondent soit à des pockmarks « à eau », soit à des pockmarks fossiles retravaillés par les courants profonds, soit à des figures de courant associées au passage de courants profonds (voir paragraphe suivant) (Tallobre et al., 2016).

Figure 4 : Bathymétrie EM122 Iguanes permettant d'identifier plusieurs alignements ou champs de dépressions. Sont aussi visibles la cicatrice d'arrachement du complexe glissé et des rides sédimentaires probablement associées à des courants de contour.

5. Mise en évidence de contourites

Un dernier résultat important de cette campagne est que des courants de contour semblent affecter de façon très importante la sédimentation du plateau, au moins depuis le Miocène. Les données haute résolution montrent en effet que la cicatrice d'arrachement principale du complexe glissé guide un chenal de contour et permet la mise en place d'un grand corps contouritique en aval de la cicatrice (M2 Tiphiane Riou, Fanget et al., prêt à soumettre). Le mouillage installé en fond de mer a permis de mettre en évidence un courant vers le SE dont les vitesses peuvent atteindre 30cm/s (Tallobre et al., 2016). Toutes les dépressions sont allongées parallèlement à cette direction. Des rides longitudinales sont également observées parallèlement (Figure 4). Les carottes montrent aussi un certain nombre d'indices en faveur d'une sédimentation contrôlée par des courants de contours (alternance de niveaux fortement oxygénés et plus sédimentés, glauconie, forte bioturbation, (Tallobre et al., 2016, Tallobre et al., soumis). Les interactions entre structure de la marge, glissements et contourites sont à investiguer plus en détails.