Un premier résultat concerne le mode d'ouverture d'un bassin en pull-part au niveau d'un relais extensif le long d'un grand décrochement. De tels bassins sont connus à Terre (le bassin de la Mer Morte le long de la faille du Levant par exemple), mais très peu sont décrits en domaine de décrochement océanique. Le bassin N20° est un exemple spectaculaire d'un tel bassin. Sa cartographie est maintenant complète (Figure 3) et plusieurs profils sismiques au travers du bassin ont permis de caractériser son architecture et son évolution tectonique. Ce bassin documente les tout premiers stades d'un bassin en pull-apart. Nous avons pu montrer que la dimension du bassin est rapidement beaucoup plus grande que la quantité d'extension imposée par la cinématique, un résultat cohérent avec les nombreux modèles analogiques proposés pour ce type de bassin. Une corrélation fine des séries sédimentaires avec un site DSDP à proximité (recoupé par un de nos profils) a permis d'établir l'histoire de ce bassin depuis sa formation il y a 3 Ma (Figure 4). Ces résultats sont publiés dans Tectonics (Rodriguez et al., 2013).
Figure 3 : Cartographie du bassin N20°, un bassin en pull-apart le long du décrochement dextre actif d'Owen limitant la plaque Arabe et la plaque Inde. Ce bassin enregistre à la fois la tectonique décrochante le long de la frontière, avec de nombreuses failles de croissance, et la sédimentation de l'Indus via un chenal actif qui l'alimente. Son étude apporte des contraintes sur le fonctionnement d'un pull-apart dans les stades jeunes [Rodriguez, M., N. Chamot-Rooke, M. Fournier, P. Huchon & M. Delescluse, 2013. Mode of opening of an oceanic pull-apart: the 20°N Basin along the Owen Fracture Zone (NW Indian Ocean), Tectonics].
Figure 4 : Exemple de profil sismique au travers du bassin N20° montrant l'activité tectonique extensive récente. Les marqueurs principaux sont datés par corrélation et extrapolation des taux de sédimentation obtenus au site DSDP proche [Rodriguez, M., N. Chamot-Rooke, M. Fournier, P. Huchon & M. Delescluse, 2013. Mode of opening of an oceanic pull-apart: the 20°N Basin along the Owen Fracture Zone (NW Indian Ocean), Tectonics].
Un deuxième résultat concerne la formation du fossé de Dalrymple en terminaison nord du décrochement d'Owen. Nous avons cartographié et daté les événements tectoniques à l'entrée de la « queue de cheval » extensive de ce fossé. La combinaison des données multi-faisceaux d'OWEN-2 avec les campagnes antérieures permet une bonne reconnaissance des failles actives (Figure 5). Par ailleurs, sur la base des profils sismiques, le calendrier proposé est assez différent de ce qui était admis jusqu'à présent : une déformation compressive est bien exprimée autour de 8-10 Ma, et la subsidence du fossé est beaucoup plus récente, autour de 2-3 Ma (Figure 6). L'épisode compressif est probablement à relier à celui qui a affecté l'ensemble de la plaque Indienne vers 8 Ma, et qui est encore active aujourd'hui dans l'Océan Indien Central.
Figure 5 : Cartographie du fossé de Dalrymple, à la terminaison nord de la zone de fracture d'Owen. La faille décrochante active se termine par une queue de cheval tectonique extensive, donnant naissance à un fossé subsidant bordé par les reliefs de la ride sud de Murray. Les 2 solutions cinématiques possibles pour le mouvement actuel Inde/Arabie (DeMets et al. 2010 et Fournier et al. 2008 & 2010) indiquent une transtension. [Rodriguez, M., N. Chamot-Rooke, P. Huchon, M. Fournier, S. Lallemant, M. Delescluse, S. Zaragosi & N. Mouchot, 2014. Tectonics of the Dalrymple Trough and uplift of the Murray Ridge (NW Indian Ocean), Tectonophysics].
Un troisième résultat est lié à une réévaluation de l'âge de formation de la Ride d'Owen, et les implications tectoniques et climatiques à l'échelle de l'Himalaya. Le consensus, jusqu'à la mission OWEN-2, était que la ride s'était soulevée au Miocène moyen, vers 20 Ma. L'argument principal était la reconnaissance d'un facies mixte turbiditique et pélagique plus ou moins bien daté par forage, et pouvant indiquer le moment où la ride commençait à se soulever et échappait à la sédimentation de l'Indus. Mathieu Rodriguez a pu montrer dans sa thèse que ce facies ne correspondait pas à un événement tectonique, mais qu'il était lié au fonctionnement normal des systèmes levées-chenaux (Figure 7). Il a montré par ailleurs que l'épisode tectonique majeur était bien autour de 8 Ma, avec un soulèvement non seulement de la Ride d'Owen, mais aussi du Sud Est de la marge Omanaise. Enfin, les nouvelles données d'OWEN-2 ont permis de réinterpréter les variations d'abondance des foraminifères G. Bulloides autour de 8.5 Ma, un proxy communément utilisé pour indiquer une intensification de la mousson et un soulèvement du Tibet. En fait, le soulèvement de la Ride d'Owen au-dessus de la lysocline a simplement modifié les conditions de préservation de G. Bulloides, qui de ce fait n'est plus un proxy pour la mousson. Ce résultat est particulièrement important sur le plan géodynamique, puisqu'il suggère une compression généralisée à tout l'Océan Indien vers 8 Ma, et sur le plan paléo-climatique puisqu'il remet en cause toute une littérature sur l'histoire de la mousson dans la région.