1. Cartographie détaillée des zones de failles décrochantes EPGFZ et SOFZ

Nous avons exploré les portions sous-marines des zones de faille Enriquillo-Plantain Garden (EPGFZ) et Septentrionale-Oriente (SOFZ) le long de la bordure Nord de la plaque Caraïbe en utilisant les relevés bathymétriques multifaisceaux (Fig. 2 et 3) et la sismique rapide.

Figure 3 : Carte bathymétrique de la zone de faille Septentrionale-Oriente (SOFZ) et interprétation tectonique. La segmentation des failles provient des complexités des différentes géométries des failles (fault bends and small jogs). W.P. Deep: Windward Passage Deep. Les failles actives sont en rouge et les inactives ainsi que les structures pré-existantes d'événements tectoniques antérieurs en noir. À terre, sur l'île d'Hispaniola, les principales rivières sont montrées en bleu. (Leroy et al 2015).

Les données bathymétriques apportent la lumière sur une zone sous-marine autrefois peu connue entre Haïti et la Jamaïque (200km de la EPGFZ) et entre Haïti et Cuba au nord (300 km de la SOFZ). Les structures premières de la limite de plaques sont une série de segments de failles décrochantes associés à des rides de pression, des coins compressifs, des sauts et des décalages, formant des coudes, indiquant une tectonique très active. Plusieurs segments distincts de 50-100km de long coupent des structures pré-existantes héritées de régimes tectoniques antérieurs ou contournent des morphologies récentes formées sous le régime décrochant actuel (Fig. 4).

Figure 4 : (a) vue 3D depuis le Sud- Ouest de la partie offshore de la zone de faille EPG. Deux segments de la faille montrant une trace linéaire active (flèches noires), 3km de part et d'autre, coupent à travers la bathymétrie pré-existante. Les lignes pointillées indiquent la localisation du profil sismique (cf Leroy et al 2015). (b) Bathymétrie détaillée le long des deux traces parallèles de failles. Le segment ouest, au nord, est mis en lumière grâce à un étroit éperon décrochant. Le segment central vers le sud montre des rides de pression de 1.5km de long, 150m de large et 15 m de haut. (c) Image de réflectivité de la trace active du segment ouest recoupant la structure transpressive proéminente (coin compressif). (Leroy et al 2015).

2. Stratigraphie sismique du passage de la Jamaïque, entre Haiti et la Jamaïque

Nous avons imagé les différentes structures du passage de la Jamaïque grâce aux profils de bathymétrie haute résolution et aux profils de sismique réflexion. Nous proposons d'interpréter des structures en hémi-grabens (blocs basculés) hérités de l'épisode de rifting de l'ouverture du fossé de Cayman. Nous étendons vers l'est la limite des blocs basculés. Ces hémi-grabens ont été déformés et plissés après l'épisode de réarrangement cinématique régionale, il y a 20 Ma. Dans la partie Sud des ces blocs basculés, un domaine crustal distinct a été mis en évidence, caractérisé des réflecteurs internes forts, parallèles, que nous avons relié à la présence des réflecteurs typiques "Carib beds" de la province Ignée Géante Caraibe (CLIP) (Fig. 5).

L'activité de la faille EPGFZ conduit à la formation d'un bassin asymétrique relié au mouvement décrochant de la faille EPGFZ. Toutes les structures pré-existantes montrent une défomration compressive pendant l'activité de la faille à travers le Passage de la Jamaïque reliée à la tectonique transpressive de cette frontière de plaque.

Figure 5 : Zoom des profils de sismique réflexion montrant des discordances entre les unités sismiques. a: discordances et onlaps (flèches rouges) entre le socle acoustique (SB) et l'unité U1, et entre les unités U2 et U3. b: discordances et onlaps (flèches rouges) entre les unités supérieures U3 et U4. Les lignes verticales rouges indiquent la position actuelle de EPGFZ. (Corbeau et al 2016a).

Finalement, la trace de la EGFZ ne semble pas influencée par la tectonique pré-existante, car les deux domaines crustaux ne constituent pas une zone de faiblesse pour la localisation de la faille (Fig. 6). La géométrie de la faille semble prédominée à la rhéologie.

Figure 6 : Schéma structural du Passage de la Jamaïque montrant nos interprétations structurales. J: Jamaica; H: Hispaniola. U. N. Rise: Upper Nicaraguan Rise, L. N. Rise: Lower Nicaraguan Rise. EPGFZ: Enriquillo-Plantain-Garden Fault Zone, CLIP: Caribbean Large Igneous Province. (Corbeau et al 2016a).

3. Transpressive la frontière de plaque Nord Caraïbe ? Comment ?

Les données de la campagne Haiti-sis montrent le mouvement décrochant primaire, où plusieurs caractéristiques illustrent le mouvement senestre de cette zone de faille. Un raccourcissement secondaire est documenté. Il augmente en magnitude vers l'est du Passage de la Jamaïque. Cependant, notre estimation des taux de raccourcissement dans les bassins, entre 0.01 mm/yr et 0.04 mm/yr, sont considérablement plus faibles que les valeurs obtenues par les modèles de blocs du GPS [Benford et al., 2012]: 2.7 mm/yr dans la partie ouest du Passage de la Jamaïque (à la longitude du bassin de Morant) et 3.2 mm/yr dans la partie est (à la longitude du bassin Matley).

L'évidence de raccourcissement est également fournie par des plis, des chevauchements et des chevauchements aveugles actifs dans le golfe de la Gonâve, où la composante compressive estimée est aussi très faible (moins de 3% du raccourcissement) (Fig. 7).

Nos observations sont aussi en faveur d'une composante compressive faible de la transpression régionale. Cette composante compressive est accommodée par de multiples plis et chevauchements distribués sur toute la limite de plaque plutôt que partitionnée sur les failles bordières principales (Corbeau et al 2016b).

Figure 7 : Structures principales de la zone d'étude basée sur la carte bathymétrique 25-m-resolution de HAITI-SIS1 & 2. La partie gauche montre le Passage de la Jamaïque avec la trace de la zone de faille Enriquillo-Plantain-Garden en rouge. La partie droite montre le Golfe de la Gonâve avec les chevauchements en noir. Localisation des Figures du papier (Corbeau et al 2016b). J=Jamaica. Segmentation de la EPGFZ vient de Leroy et al. (2015). (Haitisis bathymétrie (http://dx.doi.org/10.17600/12010070) et GEBCO 1-minute arc).

Le long de la trace la plus récente de la faille SOFZ, nous avons mesuré un décalage décrochant de 16.5km, qui indique une activité stable depuis ~1.8 Ma (Leroy et al 2015), si l'actuel taux de déplacement GPS de 9.8±2mm est resté constant pendant tout le Quaternaire (Fig. 8).

Figure 8 : Vue en carte de la prolongation de la faille Septentrionale (nommée SOFZ) au nord d'Haïti (voir Leroy et al 2015 pour la localisation exacte). Notez la linéarité de la trace de la faille, le canyon parallèle à la faille et les trajectoires vers le bas et le haut de deux chenaux décalés (flèches larges verticales). Notez également le décalage de 16.5km du chenal portant la flèche rouge. Ce chenal, au sud de la faille, fait face à un chenal coupé et surélevé au nord de la faille (flèche oblique verte) et au sud, un chenal est parallèle au premier (flèche orange verticale).
Pour la partie ouest du chenal décalé (flèche bleue verticale), le canyon descendant est coupé et pourrait se connecter à plusieurs canyons au sud. La taille de la flèche bleue augmente avec l'offset résultant. La plus grande flèche pointe le décalage possible de 16.5 km d'un chenal. Les chenaux décalés (400-800m de profondeur) incisent la plateforme vraisemeblement carbonatée, qui affleure en République Dominicaine (Calais et al 1992). Au nord de la faille, des larges parties de la plateforme montrent un aspect rugueux avec des trous peu profonds, qui suggèrent un terrain karstique immergé. Des terrasses étagées pourraient indiquer un soulèvement graduel du bloc nord-est relativement au mur sud de la faille. Les rivières actuelles à terre sont dessinnées (traits plus épais  pour les majeures) et la carte marine disponible au large de Capa Haitien permet de faire le lien terre mer. (Leroy et al 2015).