Les résultats obtenus lors du programme reposent sur des techniques de pointe : l'utilisation du ROV Victor 6000 de l'IFREMER qui permet de visualiser les structures biologiques et géologiques et d'effectuer des prélèvements et mesures sur des structures précises et bien décrites ; les technologies de mesure in situ ont été largement employées puisque 2 landers (autonomes ou manipulables par le ROV) ont été utilisés pour effectuer des mesures par micro-électrodes ou en utilisant des chambres benthiques capables de mesurer les flux d'échange à l'interface eau-sédiment. Un travail important de caractérisation de la matière organique, de détermination des espèces bactériennes et de faune a été mené sur les sédiments et les organismes prélevés au cours de la campagne pas des carottiers multitubes et des carottiers Calypso. Ceci permet de lever le voile sur le fonctionnement de ces écosystèmes sans doute uniques dans l'océan (cf ci-dessous).

Dans le tableau ci-joint figurent les opérations effectuées pendant la campagne. Le ROV Victor 6000 a été utilisé sur les stations A, C et F avec son module de route pour le relevé bathymétrique et photographique OTUS (pour la répartition de la faune) et avec son module de base pour effectuer les reconnaissance visuelles, les prélèvements par carottier-tube, carottier-lame, filet, aspirateur et préleveur d'eau PEP, ainsi que pour déployer les appareils de mesures DMPS (profileur micro-électrode) et CALMAR (chambre benthique) sur les habitats choisis.

Les résultats obtenus sur la campagne sont d'excellente qualité. Nous avons pu dresser une carte bathymétrique à haute résolution sur 3 zones le long du chenal actif, ce qui a permis un travail en profondeur sur les structures sédimentaires et les processus de dépôt et redistribution au sein du complexe des lobes (cf Article de B. Dennielou en préparation pour le volume spécial DSRII). Par ailleurs, ce travail de cartographie haute résolution a été associé aux mesures de vitesses de sédimentation et aux techniques d'échantillonnage dans un article de présentation pour le volume spécial DSRII (Fig. 2 ; Rabouille et al., en révision). Dans ce même article, les différents habitats échantillonnés pendant la campagne sont présentés : agrégats de bivalves vésicomyidés, sédiments réduits et tapis bactériens (Fig. 3). Un travail plus systématique a été également effectué par A. Sen à l'IFREMER-Brest à partir de mosaïques obtenues par la caméra OTUS pour permettre de quantifier et caractériser les structures biologiques visibles (cf Sen et al., en préparation pour DSRII).

Fig. 2 : Carte bathymétrique haute résolution de la zone A située à l'entrée du complexe des lobes du Congo. Les échantillonnages et les plongées effectués pendant les campagnes Congolobe et WACS sont reportés.

Fig. 3 : Vue d'un habitat riche en bivalves vésicomyidés sur la zone C des lobes du Congo.

Les premiers résultats issus de la caractérisation de la matière organique des sédiments des lobes viennent d'être publiés (Stetten et al., 2015). Ils montrent une très forte concentration de carbone organique dans les sédiments (3-4%) et une signature isotopique et palynologique indiquant une origine à dominante terrestre (Fig. 4). La proportion de matériel terrigène serait de 70-80%. Ceci est en cohérence avec les flux de matière organique recueillis dans les pièges à particules qui montrent des apports beaucoup plus faibles que le carbone minéralisé et enfoui dans les sédiments. Les études concernant la matière organique viennent d'être enrichies par un article soumis à GCA concernant le biomarqueurs (Stetten et al., soumis).

Fig. 4 : Composition isotopique de la matière organique des sédiments de lobes du Congo. Les pôles Congo (en rouge à gauche) et marin (en haut à droite) sont également reportés.

La caractérisation du recyclage biogéochimique de la matière organique par la faune et les microbes dans les sédiments a également fait l'objet d'un publication (Beckler et al., 2016). Cette étude montre l'importance de la diagenèse du fer (dissolution réductive des hydroxydes de Fer) dans la minéralisation du carbone organique particulaire dans les sédiments des Lobes, comme dans des zones de marges dominées par un fleuve (Mississippi). Ces résultats mettent également en évidence le rôle du Fer dans le contrôle des concentrations de sulfure des habitats à vecicomyidés ou dans les tapis microbiens (Fig. 5). D'autres études sont en cours en vue de leur publication dans Deep-Sea Research II : un travail sur l'oxydation anaérobie du méthane en lien avec le remaniement sédimentaire qui est un des processus importants dans cette zone (Croguenec et al., soumis), une étude adossée aux micro-profils d'oxygène et mettant en évidence la différence entre les levées et les habitats (Pozzato et al., en préparation). De manière générale, les mesures biogéochimiques effectuées sur les fluides interstitielles indiquent des environnements beaucoup plus actifs en termes de minéralisation de matière organique dans les habitats actifs que dans les zones de référence (sédiment adjacent aux habitats et levées).

Un article de synthèse proposant un calcul de bilans de matière pour le carbone est en cours d'élaboration qui fera le pendant de l'article concernant les bilans de silice pour la zone des lobes (Raimonet et al., 2014).

Fig. 5 : Composition des eaux interstitielles (a, b, d, e, g, h) et des solides (c, f, i) pour 3 stations des Lobes du Congo. La station A est la plus active avec des concentrations en Fer dissous proches de 700 µmol/l.

Du point de vue de la biologie des invertébrés, plusieurs articles sont en cours de rédaction : les données de macrofaune (Olu et al., en préparation) montrent un enrichissement général de la zone des lobes d'un facteur 5 à 6 par rapport à des zones plus éloignées du chenal actif (site E) et aux zones abyssales, avec des pics de densité de biomasse dans les habitats. La biodiversité suit une tendance inverse avec une forte concentration de quelques espèces dans les habitats et une diversité beaucoup plus grande dans les zones des levées et plus lointaine. Concernant la mégafaune (espèces-ingénieures), deux espèces de vésicomyidés (bivalve chimiosynthétique) ont été répertoriées sur les sites Congolobe (C. regab et A. southwardae), dont une (A. southwardae) repérée pour la première fois coté Atlantique Est lors de la campagne WACS (Teixeira et al., 2013). Ces bivalves dépendent de la présence de sulfures libres et sont donc extrêmement rares dans les milieux sédimentaires abyssaux qui en sont généralement dépourvus. Une première étude a permis de montrer une relation entre la taille du bivalve vésicomyidé et la profondeur d'apparition des sulfures dissous dans les sédiments (Fig. 6 ; Olu et al., en préparation). Deux études plus approfondies ont été réalisées sur ces deux espèces. Une première étude s'est concentrée sur l'identification des pigments respiratoires transporteurs d'oxygène (Decker et al., in prep). Elle a permis de mettre en évidence l'absence d'hémoglobine circulante chez C. regab, contrairement aux autres espèces de vésicomyidés actuellement connues à ce jour. A l'inverse, A. southwardae possède une hémoglobine intracellulaire monomérique circulante. Les propriétés de cette hémoglobine (affinité pour l'oxygène et coopérativité) ont également été étudiées et comparées à celles d'autres espèces de vésicomyidés présentes dans le Golfe de Guinée.

Fig. 6 : Bivalves vésicomyidés et distribution des sulfures dissous sur les stations A, B, C des Lobes terminaux du Congo.

Une seconde étude a permis d'identifier et de quantifier les bactéries symbiotiques des deux espèces de vésicomyidés. Le métabolisme de ces bactéries a également été étudié à travers des mesures de consommation en sulfures chez C. regab et comparé en fonction des sites de prélèvement de l'espèce. Cette étude a permis de mettre en évidence la présence d'un phylotype bactérien différent chez les deux espèces. La densité de symbiontes semble être liée aux facteurs environnementaux, et notamment à la concentration en sulfures et en méthane. Enfin, les consommations en sulfures différent également entre les sites, probablement en lien avec les conditions du milieu environnant.

En dernier lieu, le travail de thèse de Sandrine Bessette sur la biodiversité bactérienne, vue au travers de la génomique, commence à porter ses fruits avec un article sur les populations de bactéries méthanotrophes aérobies en cours de préparation et une autre étude traitant des populations bactériennes liées à l'oxydation anaérobie du méthane.

Deux thèses ont démarré en 2012 (Elsa Stetten ¿UPMC et Sandrine Bessette-IFREMER), plusieurs post-doctorats (Carole Decker, Lara Pozzato, Arunima Sen) ont eu lieu lors du projet et ont accompagné le traitement des données et leur interprétation et 14 stages de DUT, M1, M2 ont été effectués autour du traitement des échantillons et données Congolobe. Par ailleurs, une session spéciale a été organisée lors du congrès international ASLO2015 à Grenade (American Society of Limnology and Oceanography) ayant pour titre « Canyons and their deep-sea fans : from geology to biology » dont les responsables étaient C. Rabouille, K. Olu, F. Baudin et A. Demopoulos (USGS). Cette session a réuni 22 présentations (oraux et posters), dont 12 pour Congolobe. Un volume spécial dans Deep-Sea research II est actuellement en cours de rédaction : 19 titres ont été déposés (voir liste en fin de document).