Le principal résultat de la campagne MD175 réside dans la réussite de 45 wax cores, 25 dans la boite A1 au nord ouest de la zone de fracture de Geelvink et 20 dans la boite A2 du projet au sud est de la zone de fracture et en continuité de l'échantillonnage de Geiseir 1. Ils ont rapporté 40 à 50g de verre volcanique, permettant de réaliser l'ensemble des analyses souhaitées. La carte ci-dessous (Figure 2) montre la zone de travail de GEISEIR 2 et notre échantillonnage. Les levés bathymétriques, magnétiques et gravimétriques n'ont été réalisés qu'à l'axe de la dorsale.
Figure 2 : Position des sites d'échantillonnage de la campgne GEISER 2 sur fond de bathymétrie acquise durant les campagnes GEISEIR 1 et 2.
Exploitation commune des deux campagnes GEISEIR 1 et 2
L'exploitation des échantillons a été longue du fait, d'une part, du très grand nombre d'échantillons à traiter et, d'autre part, car nécessitant la contribution des trois laboratoires impliqués dans la production des données isotopiques.
La participation de B. Hanan et D. Graham au projet se justifiait par leur implication dans les campagnes antérieures sur la zone. Ils ont apporté au projet les échantillons dont ils disposaient, nous évitant de rééchantillonner les mêmes sites.
La séparation du plomb et son analyse étaient, à la demande de Francis Albarède (co-chef de projet), confiées à Barry Hanan de San Diego State University, celles du Hf à Janne Blichert Toft de l'ENS Lyon et celles de Sr et Nd à Christophe Hémond, UBO Brest. Pour réaliser les analyses sur la même fraction et permettre ainsi de les comparer, ces analyses ont du être séquencées, le Pb étant analysé en premier, puis le Hf et enfin Sr et Nd comme le protocole chimique le requiert. Les mesures d'hélium étaient confiées à David Graham (Oregon State University), qui les a réalisées à l'issue de la seconde campagne. Le retard des analyses isotopiques des échantillons de GEISEIR 2 est, pour partie, lié aux difficultés budgétaires rencontrées par les laboratoires américains en 2013 ("budget shutdown" de l'Etat Fédéral et de la NSF). Ce retard sur les analyses à effectuer en tout début du protocole a eu un effet sur toute la production des données isotopiques.
Les données de Hf et de Pb de la campagne GEISEIR 1 confirment l'existence d'une distribution bimodale (Hanan et al., EPSL, 2013). Les deux populations définissent de fines bandes de composition dans le manteau supérieur, bandes dont la densité suit une loi de Poisson et dont l'épaisseur caractéristique est de 20km (Figure 3). Le manteau source de chaque échantillon résulte d'un mélange de mélanges multistades ; ainsi il n'y a pas de corrélations entre K/Ti ou Na8.0 avec le Pb ou le Hf et les deux groupes contiennent des N- et des E-MORBs, éliminant ainsi l'hypothèse d'une fusion variable dans un manteau homogène. Il semble que la convection du manteau ait plié l'ensemble des réservoirs composites de manteau hétérogène et les ait étirés en fines bandes qui demeurent des unités cohérentes et identifiables.
Figure 3 : Distribution bimodale de bandes hétérogènes définies par les isotopes de l'Hf et du Pb. (a) le « code barre » de la distribution des bandes avec la position des échantillons ; (b et c) gamme et distribution spatiale le long de l'axe des rapports isotopiques de Pb et d'Hf pour les deux populations barre blanche = cercle vide et barre noire = cercle plein). D'après Hanan et al. (2013).
Figure 4 : 3He/4He le long de la section de dorsale GEISEIR entre 81°E et 101°E (distance en km depuis l'île St. Paul). Les lignes pointillées verticales soulignent les frontières de 1er et 2ème ordres de la segmentation tectonique de la dorsale, d'après Graham et al. (2014).
Les données d'hélium ont été publiées cette année (Graham et al. 2014; Figure 4). Les analyses statistiques des données rendues possibles par le grand nombre d'échantillons révèlent des pics significatifs pour des longueurs d'ondes de 100 et 30-40km, la deuxième étant comparable à celle trouvées pour l'Hf et le Pb dans l'article sur ces données. Elles montrent aussi qu'à 1000km de longueur d'onde, l'He est en phase avec la profondeur de l'axe et donc avec les variations de température du manteau. Avec les données de Hf et Pb, les données d'He sont compatibles avec un contrôle par le pliage et l'étirement d'hétérogénéités au cours du fluage du manteau à l'échelle régionale (1000km) et intermédiaire (100km) et par son échantillonnage au cours de la fusion partielle (30km).
En ce qui concerne les mesures sur les échantillons de GEISEIR 2, les éléments majeurs ont été déterminés car nécessaires à la publication des données d'He présentées ci-dessus. Les éléments en traces sont en cours de détermination. Les mesures de Pb et Hf pour GEISEIR 2 sont en cours et seront publiées conjointement.
Les autres données isotopiques (Sr et Nd), déterminées pour GEISEIR 1 et en cours pour GEISEIR 2, seront publiées dans un papier global comprenant majeurs et traces sur l'ensemble de la zone d'étude.
Afin d'examiner et de contraindre la variabilité probable du taux de fusion partielle dans le manteau source, une thèse en cotutelle (Alexandre Schohn) vient de commencer à Brest sous la supervision de Christophe Hémond et Andreas Stracke (Université de Westphalie à Münster). Elle portera sur la détermination des compositions isotopiques de Th et Ra pour obtenir des données de déséquilibres radioactifs. Ceux-ci sont sensibles au taux de fusion et à la vitesse de remontée des magmas. Ils permettront d'évaluer la contribution respective à la fusion partielle des variations de la température (et donc de la vitesse de remontée du mélange magma-manteau) et celles de la composition.
En complément, Matthieu Clog, qui a réalisé une thèse sur la composition en eau des basaltes de dorsale à l'IPG de Paris, a participé à GEISEIR 1 et a utilisé une partie des échantillons de la campagne. Jabrane Labidi, du même laboratoire, a participé à GEISEIR 2 et a utilisé des échantillons des deux campagnes pour en déterminer la composition isotopique du Soufre dans le cadre de sa thèse. Ces travaux sont en cours de publication.
Les données bathymétriques et géophysiques seront confrontées aux données de concentration d'éléments majeurs et en traces afin de mettre en évidence un possible lien avec les variations du taux de fusion partielle, lui même reflet de la température du manteau.
Afin de valoriser au mieux les multiples descentes et remontées du wax core et de réaliser une première exploration de l'hydrothermalisme océanique à l'axe de la dorsale est indienne dans la zone d'étude, un MAPR (Miniature Autonomous Plume Recorder) a été fourni par Ed Baker (PMEL) et a permis d'enregistrer de nombreux signaux hydrothermaux. Ce travail a fait l'objet d'une publication en 2014 (Baker et al., 2014).
Valorisation sur le transit retour de GEISEIR 2
La pose d'un hydrophone de l'observatoire OHA-SIS-BIO (qui a fait immédiatement suite aux opérations de la campagne GEISEIR 2) au nord du plateau St Paul-Amsterdam a permis de réaliser dix dragues qui ont très utilement complété le travail de la campagne PLURIEL (Marion Dufresne, 2006) et ont été exploitées dans les publications de Janin et al. (2011, 2012). C'est la raison pour laquelle ces publications sont mentionnées ci-après. Lors du retour à La Réunion, deux dragues ont pu être réalisées près de l'île, au nord est du Piton de la Fournaise, en complément des dragues de la campagne ERODER 2 (Meteor, 2008). Elles ont été valorisées dans la thèse de M. Smietana (2012) et sont en cours de publication. Le temps disponible pour ces opérations complémentaires résulte pour l'essentiel de l'optimisation du protocole d'échantillonnage par le wax core, et souligne l'intérêt de cet outil.
État des travaux restant à réaliser :
- Les données d'Hf et de Pb de GEISEIR 2 sont en cours d'acquisition et seront publiées conjointement (en 2015).
- Les données de Sr et Nd, acquises pour GEISEIR 1 et en cours d'acquisition pour GEISEIR 2, seront publiées conjointement avec les données des éléments majeurs et en trace (fin 2015 ou 2016).
- L'exploitation des échantillons de la campagne GEISEIR se poursuit dans le cadre de la thèse d'Alexandre Schohn via la détermination des déséquilibres radioactifs U-Th et Th-Ra (travaux initialement non envisagés). Ces travaux requièrent la connaissance de la variabilité chimique du manteau, obtenue par les analyses isotopiques, et viennent à point nommé dans le protocole analytique.
- Les données géophysiques sont traitées, et leur analyse conjointe avec les données d'éléments majeurs et en trace devrait être finalisée en 2015.